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Les perles rosées appartenaient à Malvane mais je ne conservais aucun souvenir de la princesse les passant à mon cou. Je portais aussi deux épaisses bagues et un bracelet d’or blanc issus de mes possessions, que là encore je ne me souvenais pas avoir enfilés. Pillette s’était entièrement chargée de me vêtir pour cette journée de funérailles que ma mémoire s’employait scrupuleusement à effacer. Ces bijoux financeraient un confortable voyage de retour jusqu’à Véridienne. Au moins.
Afficher en entierMon corps finit par me rappeler à l’ordre. J’ouvris les yeux. Au dessus de moi le ciel était bleu, les branches des arbres bien vertes, une brise douce les agitait. Où me trouvais-je ? Et quand ? Un après-midi de printemps, loin de Véridienne. J’avais dormi si longtemps et si profondément que, pour quelques heures, j’avais tout oublié, perdu tout repère. Mes pensées se remirent en place. Firment. Crassu. Morts. Cette fois, je ne me mis pas à pleurer mais me redressai très lentement, en roulant d’abord précautionneusement sur le côté avant de m’aider de mes mains. Ma tête tourna un instant, à la fois trop lourde et complètement vide, et mon dos craqua tandis que je m’étirais. Tout aussitôt, une faim atroce m’assaillit. Je n’avais rien sur moi qui m’aurait permis de chasser, pas même un quelconque couteau. Je ne portais qu’une fine robe de deuil dont la délicate étoffe grise et les dentelles avaient grandement souffert du périple, ainsi que quelques bijoux. Rien de plus.
Afficher en entierEn fuyant Véridienne au beau milieu des funérailles, je ne poursuivais aucun dessein particulier, hormis peut-être l’espoir secret que cette chevauchée frénétique crèverait la bulle de cauchemar qui m’emprisonnait désormais. Qu’une mauvaise chute m’étourdirait et, qu’à mon réveil,
Afficher en entierDu moins jusqu’à ce que mon époux et mon fils aîné périssent dans un éboulement au cœur d’une montagne, alors que la politique de Malvane et du Demi-Loup en général les retenait loin, trop loin de moi.
Afficher en entierSi Malvane ne m’avait pas fait traquer comme une meurtrière, sans doute serais-je rentrée à Véridienne au bout de quelques jours. Si elle avait su comprendre ma réaction, si elle avait accordé à ma douleur le temps d’émousser ses crocs les plus aigus, j’aurais rendossé mon costume de Suivante rapidement, dignement, sans un mot. Malvane, toutefois, Malvane inflexible, Malvane égoïste, Malvane terrorisée pour son règne, préféra me juger coupable. Que lui aurait coûté une once de compassion ? Quelques instants de patience ?
Quand on sait, aujourd’hui, quelles conséquences désastreuses cascadèrent de ma fuite, on ne peut que regretter le manque de lucidité, de clairvoyance, qui nous empêcha l’une comme l’autre de nous pardonner. Pour autant, je ne regrette rien ou, du moins, pas tout. Pas encore.
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