Extraits

Sublime. Earvin Valmont n’avait guère d’autres mots pour décrire la beauté incandescente qui se trouvait sous ses yeux.

La jeune femme, profondément endormie dans son caisson de gestation, avait le visage d’une nymphe et la peau d’une poupée de porcelaine. Ses cheveux noirs flottaient autour de son visage aux traits d’une délicatesse incroyable. Ses longs cils, bien que sombres et fournis, étaient légèrement ponctués de reflets dorés. Son petit nez fin, retroussé, avait quelque chose d’enfantin et ses lèvres charnues, pulpeuses, ne faisaient qu’accentuer son pouvoir d’attraction.

Jamais il n’avait vu une créature aussi belle, alliant à la fois délicatesse, finesse, intelligence et sensualité.

Il s’en trouva profondément ému. Elle était l’exacte réplique de ses toiles, elle semblait donner vie à l’être rayonnant qui habitait son imagination depuis si longtemps.

— Elle est parfaite, finit-il par déclarer. Vous êtes un véritable artiste.

Le docteur Sully, demeuré silencieux à ses côtés, n’en était pas peu fier :

— Je suis honoré que vous voyez les choses de cette manière, Monsieur Valmont. Il est vrai que manipuler la génétique est un art des plus sensibles…

— J’ose à peine imaginer le travail que cela représente, souffla le vieil homme, toujours fasciné par la jeune femme.

Le praticien resta muet un instant puis finit par dire sur un ton pratique :

— Nous l’avons habillée, suite à votre demande. Toutefois, il est possible de vérifier ses mensurations si vous le souhaitez.

Earvin observa l’anatomie de la déesse. Elle était revêtue d’une légère et courte tunique blanche.

Évidemment, elle était d’une finesse extrême ; sa gorge, sa poitrine, ses poignets, ses jambes… tout son corps semblait avoir été ciselé dans le marbre. Mince, longiligne, elle ressemblait à une femme à peine émergée de l’adolescence ; elle avait hérité de la fraîcheur et de l’innocence propre à la prime jeunesse, mais arborait la présence et la volupté d’une adulte.

— Surtout pas, je ne veux pas en voir davantage.

Le scientifique parut surpris, mais ne commenta pas, trop habitué aux bizarreries de ses clients.

— Quand sera-t-elle prête ? demanda Earvin.

— Comme prévu, vous pourrez assister aujourd’hui à son réveil. Cependant, il faudra qu’elle subisse les tests et entraînements nécessaires à la rendre opérationnelle. Cela ne prendra pas plus de deux ou trois semaines.

Le vieil homme observa longuement le cylindre qui contenait la beauté avant d’ajouter :

— Je dois vous avouer que je ne comprends toujours pas comment ces créatures fonctionnent.

— Ils ne « fonctionnent » pas, sourit le docteur Sully. Nous les appelons les « Réels » justement, car l’ère des robots est dépassée ! Ce sont des êtres aussi vivants que vous et moi. Cela dit, ils n’ont pas un cerveau complet, leur façon de penser est beaucoup plus simple et précaire que la nôtre. Ils subissent, avant et après gestation, tout un conditionnement à l’obéissance et aux comportements humains. Mais ils ne sont pas considérés comme tels.

— Elle a pourtant l’air très humaine. Et si elle possède un cœur qui bat et du sang comme nous tous, alors, elle est humaine pour moi, assura doucement le vieil homme.

— Selon votre requête, nous lui avons fait suivre de nombreux programmes pour qu’elle sache imiter les interactions humaines, répliqua le scientifique. Mais vous réaliserez vite qu’elle est incapable de ressentir la moindre émotion. Elle n’a tout simplement pas la zone du cerveau adéquate. Pour ce qui est du reste, elle sera en mesure de tout vous expliquer par elle-même.