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"(...) vers l'âge de six ou sept ans, les petites filles se scindent différemment des petits garçons. Leur dédoublement est plus profond et plus permanent. De façon non symétrique, ceux-ci deviennent "regardeurs", et celles-là, "regardées". Souvent, à partir de là, la fille entretiendra avec son miroir un rapport angoissant pour ne par dire névrotique. Non contente de voir à quoi elle ressemble elle critiquera son apparence, car ce n'est plus à travers ses propres yeux qu'elle la voit mais à travers les yeux intériorisés de l'autre (...) "
Afficher en entier"Que seules les guenons accouchent, mettant au monde des bébés tant mâles que femelles, les singes mâles s'en fichent comme de l'an quarante. Les mâles humains, en revanche, n'en reviennent pas, ne s'en remettent pas. Depuis la nuit des temps, ils scrutent, tripotent, ouvrent et referment, sculptent et dessinent le corps de la femelle pour comprendre non seulement comment ça se passe, cette histoire de gestation, mais de quel droit ou en quel honneur ils en sont exclus".
Afficher en entier"Dans le monde occidental, où les progrès technologiques et la liberté d'expression ont provoqué au XXe siècle une véritable explosion pornographique, la beauté féminine doit suivre un sentier étroit : on apprend aux fillettes à être jolies sans être aguicheuses, séduisantes mais non séductrices, désirables mais non désirantes, féminines mais non femelles, en un mot belles mais pas putes".
Afficher en entier"De nos jours, la "liberté' d'un pays se mesure au droit qu'ont les hommes de ce pays d'exhiber publiquement la chair nue des femmes de ce pays.
Quand j'ai fait le trajet entre Beyrouth et Damas voici une petite décennie, deux types de panneaux géants alternaient au bord de la route : photos d'hommes politiques, le plus souvent enrubannés, portant des lunettes fumées ; photos de femmes en petite tenue. C'est ainsi qu'à l'époque les Libanais narguaient les Syriens : "Ici nous sommes libres !" se vantaient-ils... "
Afficher en entier"On s’enorgueillit à juste titre des progrès de la modernité (fusées interplanétaires, bombes atomiques, gratte-ciel, voitures, ordinateurs), mais notre cerveau reste celui de nos ancêtres de la préhistoire".
Afficher en entier"L’humanité, c’est peut-être cela au fond : l’espèce animale ayant réussi à convaincre ses mâles qu’il n’était pas dans leur intérêt de toujours donner suite à leur désir de sauter (sur) les femelles. En ce sens, on peut dire que les hommes sont plus civilisés que les femmes, car ils doivent accepter que leur pulsion sexuelle naturelle (omnivore) soit limitée, contenue et redirigée par la société".
Afficher en entier"Alors que l'immense majorité des femmes deviennent encore mères, notre culture ne leur propose aucune image dans laquelle se refléter telles. Elle les somme au contraire de faire comme si cette éventualité n'était qu'un détail, un petit accident de parcours, vite résorbable. La grossesse n'est plus du tout un "état intéressant" et ses conséquences le sont encore moins ; logiquement, les femmes n'ont de cesse que d'effacer de leur corps toute trace de ce chamboulement, de retrouver leur ligne, leur beauté et leur "indépendance".
D'où : culpabilisation massive des jeunes mères contemporaines. Car, malgré la péridurale, le lait en poudre et leurs responsabilités dans le monde du travail, la plupart d'entre elles continuent de se sentir tour à tour bouleversées, effrayées, déprimées, exaltées, ahuries, bref, concernées en profondeur par cette affaire-là, et elles n'ont aucune place où se mirer. Dans la peinture, la sculpture et la photographie contemporaines, dans les défilés de mode, les magazines, sur Internet : zéro suggestion que la beauté d'une femme puisse être parfois liée à sa fécondité".
Afficher en entier"Comme votre physique n'est pas le même que celui de l'homme, votre métaphysique n'est pas non plus la même. Vous vous posez mille questions.
Suis-je mon corps, oui ou non ? Et... quel corps suis-je au juste, lequel parmi mes différents corps ? Et pour combien de temps ? Que désire l'homme, quand il dit me désirer ? Qu'aime-t-il, quand il dit m'aimer ? Oui : la beauté peut vous sécuriser, vous donner confiance en vous, mais elle peut aussi vous insécuriser, car la question que la beauté finit par vous poser est celle de l'amour".
Afficher en entier"Pour la pornographie comme pour l'industrie de la beauté, les chiffres laissent sans voix. En ce moment il existe plus de 4 millions de sites web pornographiques, comportant plus de 400 millions de pages (dont plus de la moitié américaines) ; l'âge moyen du premier contact avec la pornographie est de onze ans ; 90 % des enfants entre huit et seize ans ont vu de la pornographie en ligne en faisant leurs devoirs ; 40 millions d'adultes états-uniens regardent régulièrement de la pornographie sur Internet ; chaque seconde dans le monde 30 000 personnes se connectent à un site pornographique ; entre 1992 et 2006 les bénéfices tirés de la vente de vidéos pornos aux Etats-Unis sont passés de 1,60 à 3,62 milliards de dollars... Les revenus annuels de l'industrie pornographique sont supérieurs à ceux, cumulés, de Microsoft, Google, Amazon, eBay, Yahoo !, Netflix et EarthLink".
Afficher en entier"En d'autres termes, les femmes se servent des avantages de leur subjectivité accrue non seulement pour asseoir leur indépendance économique et affective, mais pour s'objectiver plus que jamais auparavant. Plus elles gagnent de l'argent, plus elles en dépensent pour leur beauté : en 2009, interrogées sur leurs priorités, une majorité d'adolescentes britanniques disent dépenser deux fois plus pour leur apparence que pour leurs études. "D'un côté, dit Gilles Lipovetsky, le corps féminin s'est largement émancipé de ses anciennes servitudes, qu'elles soient sexuelles, procréatrices ou vestimentaires ; de l'autre, le voilà soumis à des contraintes esthétiques plus régulières, plus impératives, plus anxiogènes qu'autrefois. En effet, c'est une femme plus sujet qui, seule, peut se rendre plus objet ; jamais les hommes dominants n'auraient pu obtenir un tel résultat massif".
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