Extraits

1899

Tout en fredonnant, Lady Cressington-Come rentrait chez elle à travers bois.

C'était un jour ensoleillé du début du mois d'avril ; les bourgeons égayaient d'une touche vert tendre les buissons, et les premiers perce-neige apparaissaient sous le tapis de feuilles au pied des arbres.

Lina s'était échappée aussitôt après le petit-déjeuner, oubliant pour un instant tous les tracas et les mille et une tâches qui l'attendaient au château.

Son père, qui avait trop bu la nuit précédente, était d'humeur sombre. Il essayait d'oublier son chagrin à la suite de la mort de sa femme, deux ans auparavant, et avait commencé à boire et à jouer. C'est ainsi qu'il ruinait sa santé et dilapidait leur maigre fortune sur les tables de jeu.

- Je ne vois pas ce qu'il pourrait y avoir de plus important qu'un baiser, fit remarquer le duc. Mais comme je ne veux pas vous contrarier, je vais sagement écouter ce que vous avez à me dire. Seulement, mon amour, faites vite. C'est un véritable supplice que d'être assis là, à vous regarder, si belle et si attirante, et croyez-moi , entre nous, les mots sont superflus.

- A cet instant, je donnerais la moitié de ma fortune pour un baiser.

Lina était sincèrement déconcertée et sa perplexité la rendait plus ravissante encore. Sa beauté et son innocence étaient du reste le principal atout des trois belles dames dans le complot qu'elles fomentaient. Le duc de Saverne ne manquerait pas d'être sensible au charme de la jeune fille.

- Vous devrez m'accompagner à Paris pour y jouer le rôle d'une jeune femme de l'aristocratie. Vous m'avez dit avoir reçu une excellente éducation, cela ne devrait donc pas présenter de difficultés majeures.

- Voici ce que je vous propose, mademoiselle Cromer, enchaîna Kitty. Si vous remplissez votre mission avec succès, en respectant scrupuleusement nos ordres, je vous remettrai la somme de cent livres dés notre retour en Angleterre.

Les grands-ducs de Russie furent les premiers en Europe, à la fin du siècle dernier, à donner des fêtes d'un faste inouï, pour lesquelles on dépensait des sommes fabuleuses.

- Mais peut-être est-ce très mal ? J'embrasse une étoile inaccessible, qu'il fallait, pensais-je laisser briller très haut dans le ciel. Ai-je le droit de toucher, au risque de l'abîmer, quelque chose d'aussi parfait que cette étoile ?

- Je… ne suis plus dans le ciel… mais ici… près de vous, dit-elle d'une voix vibrante de passion