Extraits

Tout ce dont je me rappelle, c’est que je me retrouvai soudain à faire la queue au café du rez-de-chaussée et qu’une serveuse aux cheveux violets s’exclama devant moi.

« Hello ? Vous êtes là ?

— Pardon, pardon. Pardon. Un double Mocha latte s’il vous plaît. »

Elle roula des yeux et disparut préparer ma commande.

« Longue journée, pas vrai ? dit une voix distinguée derrière moi.

Je pus sentir le parfum d’une eau de Cologne coûteuse : bois de santal et vanille, mélangé à quelque chose de plus amer. Me retournant, je vis un costume impeccable, repassé à la perfection avec une épingle à cravate incrustée d’un diamant. Des épaules larges remplissaient la veste et en levant les yeux, je me retrouvai face à une machoire forte et bien rasée ainsi qu’un sourire blanc étincelant. Puis je vis ses yeux et sentis que j’en perdais la respiration. Ils étaient d’un teinte bleu pur et plus profonds que l’océan. Il me sourit et mes jambes en devinrent flageolantes. Quelque part au creux de mon ventre, une sensation de chaleur s’empara de moi, réveillant quelque chose en moi que j’avais cru endormi depuis très très longtemps.

« Un double Mocha latte ! s’exclama la serveuse.

— Je vais régler pour ça, dit-il en s’avançant devant moi pour payer ma commande.

— Oh merci, mais vous n’avez pas besoin de faire ça. »

Mais avant que je ne puisse protester davantage, il sortit un porte-monnaie rempli de billets. Je n’avais jamais vu autant d’argent de toute ma vie. Il tendit un billet de cent dollars à la serveuse en lui faisant un clin d’œil.

« Comme d’habitude pour moi, Sandra » dit-il tandis qu’elle gloussait en s’éloignant d’un pas léger vers la machine à café.

Tandis qu’il me tendait ma tasse, je m’efforçai de détacher mon regard de ses yeux bleu saphir.

« Heu, dis-je. Merci pour le café.

— Aucun problème. C’est ma bonne action de la journée. »

Son accent me faisait un effet que je n’aurais pas cru possible à partir de simples mots prononcés.

« D’où venez-vous ? demandai-je. Vous n’avez pas l’accent de New York.

— De Birmingham en Angleterre, dit-il. Il n’y a pas beaucoup d’habitants de là-bas par ici. Des Brummies, comme on dit. »

Brummies, me dis-je en riant intérieurement. Comme c’est mignon.

« Alors vous êtes nouvelle ici ? demanda-t-il.

— Je commence demain, dis-je. Je sors tout juste de mon entretien.

— Oh eh bien, je suppose que les félicitations sont de rigueur. »

Il avait de nouveau ce magnifique sourire et j’eus une soudaine et irrésistible envie de me mettre sur la pointe des pieds et de l’embrasser.

« Eh bien, je ferai mieux de retourner au travail, dit-il. Il faut que je continue à faire passer mes entretiens.

— Au revoir, dis-je et, alors qu’il s’éloignait. A plus tard. »

Il s’arrêta comme s’il avait oublié quelque chose et se retourna.

« Hé ! Dans quel service allez-vous travailler ? demanda-t-il.

— À la direction au dernier étage. Je rejoins l’équipe de M. Gentry. »

Son sourire s’élargit encore plus.

« Super, répondit-il. À la prochaine. »

Et il s’en alla, disparaissant parmi la foule dans l’ascenseur bondé, ne laissant rien d’autre que la senteur persistante de son eau de Cologne.