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Le logicien - Autre syllogisme: tous les chats sont mortels. Socrate est mortel. Donc Socrate est un chat.
Le vieux monsieur - Et il a quatre pattes. C'est vrai, j'ai un chat qui s'appelle Socrate.
Le logicien - Vous voyez...
Le vieux monsieur - Socrate était donc un chat!
Le logicien - La logique vient de nous le révéler....
Afficher en entier-Bérenger: C'est une chose anormale de vivre.
- Jean: Au contraire. Rien de plus naturel. La preuve: tout le monde vit.
- Bérenger: Les morts sont plus nombreux que les vivants. Leur nombre augmente. Les vivants sont rares.
Afficher en entierActe premier :
LE LOGICIEN : La peur est irrationnelle. La raison doit la vaincre.
Afficher en entierRhinocéros, Ionesco
Acte II, tableau II
Bérenger
Vous vous trompez, Jean. C’est un ménage très uni, au contraire.
Jean
Très uni, vous en êtes sur ? Hum, hum, BRR…
Bérenger, se dirigeant vers la salle de bain dont Jean lui claque la porte au nez
Très uni. La preuve, c’est que…
Jean, de l’autre coté
Bœuf avait sa vie personnelle. Il s’était réservé un coin secret, dans le fond de son cœur.
Bérenger
Je ne devrais pas vus faire parler, ça a l’air de vous faire du mal.
Jean
Ça me dégage, au contraire.
Bérenger
Laissez-moi appeler le médecin, tout de même, je vus en prie.
Jean
Je vous l’interdis absolument. Je n’aime pas les gens têtus. (Jean entre dans la chambre. Bérenger recule un peu effrayé, car Jean est encore plus vert, et il parle avec beaucoup de peine. Sa voix est méconnaissable.) Et alors, s’il est devenu rhinocéros de plein gré ou contre sa volonté, ça vaut peut-être mieux pour lui.
Bérenger
Que dites-vous là, cher ami ? Comment pouvez-vous penser…
Jean
Vous voyez le mal partout. Puisque ça lui fait plaisir de devenir rhinocéros, puisque ça lui fait plaise ! Il n’y a rien d’extraordinaire à cela.
Bérenger
Evidemment, il n’y a rien d’extraordinaire à cela. Pourtant, je doute que ça lui fasse tellement plaisir.
Jean
Et pourquoi donc ?
Bérenger
Il m’est difficile de dire pourquoi. Ça se comprend.
Jean
Je vous dis que ce n’est pas si mal que ça ! Après tout, les rhinocéros sont des créatures comme nous, qui ont le droit à la vie au même titre que nous !
Bérenger
A condition qu’elles ne détruisent pas la notre. Vous rendez-vous compte de la différence de mentalité ?
Jean, allant et venant dans la pièce, entrant dans la salle de bains, et sortant.
Pensez-vous que la votre soit préférable ?
Bérenger
Tout de même, nous avons notre morale à nous, que je juge incompatible avec celle de ces animaux.
Jean
La morale ! Parlons-en de la morale, j’en ai assez de la morale, elle est belle la morale ! Il faut dépasser la morale.
Bérenger
Que mettriez-vous à la place ?
Jean, même jeu
La nature !
Bérenger
La nature ?
Jean, même jeu
La nature a ses lois. La morale est antinaturelle.
Bérenger
Si je comprends, vous voulez remplacer la loi morale par la loi de la jungle !
Jean
J’y vivrai, j’y vivrai.
Bérenger
Cela se dit. Mais dans le fond, personne…
Jean, l’interrompant, et allant et venant
Il faut reconstituer les fondements de notre vie. Il faut retourner à l’intégrité primordiale.
Bérenger
Je ne suis pas du tout d’accord avec vous.
Jean, soufflant bruyamment
Je veux respirer.
Bérenger
Réfléchissez, voyons, vous vous rendez bien compte que nous avons une philosophie que ces animaux n’ont pas, un système de valeurs irremplaçable. Des siècles de civilisation humaine l’ont bâti !...
Jean, toujours dans la salle de bains
Démolissons tout cela, on s’en portera mieux.
Bérenger
Je ne vous prends pas au sérieux. Vous plaisantez, vous faites de la poésie.
Jean
Brrr…
Bérenger
Je ne savais pas que vous étiez poète.
Jean, il sort de la salle de bains
Brrr…
Il barrit de nouveau
Bérenger
Je vous connais trop bien pour croire que c’est là votre pensée profonde. Car, vous le savez aussi bien que moi, l’homme…
Jean, l’interrompant
L’homme… Ne prononcez plus ce mot !
Bérenger
Je veux dire l’être humain, l’humanisme…
Jean
L’humanisme est périmé ! Vous êtes un vieux sentimental ridicule.
Il entre dans la salle de bains
Bérenger
Enfin, tout de même, l’esprit…
Jean, dans la salle de bains
Des clichés ! Vous me racontez des bêtises.
Bérenger
Des bêtises !
Jean, de la salle de bains, d’une voix très rauque difficilement compréhensible
Absolument.
Bérenger
Je suis étonné de vous entendre dire cela, mon chez Jean ! Perdez-vous la tête ? Enfin, aimeriez vous être rhinocéros ?
Jean
Pourquoi pas ! Je n’ai pas vous préjugés.
Afficher en entierJe ne peux plus changer. Je voudrais bien, je voudrais tellement, mais je ne peux pas. Je ne peux plus me voir. J'ai trop honte! Comme je suis laid! Malheur à celui qui veut conserver son originalité!
Afficher en entierLa vie est une lutte, c'est lâche de ne pas combattre !
Afficher en entierNe jugez pas les autres, si vous ne voulez pas être jugé. Et puis si on se faisait des soucis pour tout ce qui se passe, on ne pourrait plus vivre.
Afficher en entierIl y a plusieurs réalités ! Choisis celle qui te convient. Évade-toi dans l'imaginaire.
Afficher en entier«Jean : Vous rêvez debout!
Bérenger : Je suis assis».
Afficher en entierMoi, je n'ai pas d'ambition. Je me contente de ce que je suis.
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