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Tandis que le soleil déclinait, les eaux bourbeuses du fleuve virèrent au rougeâtre, la couleur s'étendit et s'assombrit, si bien que ce fut bientôt comme si le Rêve de Fevre voguait sur un flot de sang.
Afficher en entierNotre race est ancienne. Bien avant que la vôtre ne bâtisse ses cités dans la chaleur du Sud, mes ancêtres sillonnaient l'Europe du nord, en chasse, durant les hivers sombres. D'après nos légendes, nous venons de l'Oural, où peut-être des steppes, et nous nous sommes égaillés vers le sud et l'occident au fils des siècles. Nous vivions en Pologne bien avant les Polonais, nous hantions les forêts d'Allemagne bien avant l'arrivée des barbares germaniques, nous étions les maîtres de la Russie bien avant les Tartares, avant Novgorod-la-Grande. Quand je dis ancienne, je ne parle pas en centaines d'années mais en milliers. Des millénaires s'écoulent dans l'obscurité et le froid. Nous étions des sauvages, selon ces histoires, des bêtes nues et rusées, faisant corps avec la nuit, rapides et meurtrières, les maîtres et les seigneurs de la création. Voilà ce que rapportent nos légendes.
Afficher en entierA la fin de cette soirée bien arrosée, on s'était mis à raconter des histoires de mariniers. Marsh les connaissait déjà toutes, mais les écouter à nouveau lui avait procuré un plaisir serein, rassurant. On avait évoqué le Vieil Al, roi des alligators, le bateau fantôme de Raccourci, Jack Russel le Gueulard, la grande course entre l'Eclipse et le A. L. Shotwell. On avait raconté l'histoire du pilote qui avait conduit son navire sur une portion dangereuse du fleuve, dans le brouillard, alors qu'il était raide mort, celle du vapeur maudit qui avait apporté la variole sur le fleuve vingt ans plus tôt et décimé quelques vingt mille Indiens. Un autre s'était lancé dans la description de vapeurs aux dimensions phénoménales qui cultivaient leur propre forêt sur leur pont-tempête et avaient des roues à aubes si grandes qu'il leur fallait un an pour faire un tour complet.
Afficher en entierIl avait les yeux gris, étonnamment sombres dans un visage si pâle. Ses pupilles, aussi petites que des têtes d’épingle, brûlaient, noires, et transperçaient Marsh comme pour sonder son âme. Les prunelles, autour, semblaient douées de vie, mouvantes comme de la brume par une nuit obscure, quand les rives et ses lumières s’estompent et qu’il ne reste plus rien au monde que le bateau, le fleuve et le brouillard. Dans ces brumes, Abner Marsh discerna des ombres, des apparitions fugitives. Une intelligence froide en émanait. Il y avait une bête, aussi, noire et effrayante, enchaînée, furieuse, qui tempêtait dans les ténèbres. Un rire, de la solitude et une véhémence cruelle : le regard de York contenait tout cela.
Afficher en entierJ’eus un rêve qui n‘en était pas entièrement un,
L’éclat du soleil s‘était éteint, et les étoiles
Erraient, pâlissantes, dans l‘espace éternel, dépouillées de leurs rayons et de toute trajectoire fixe
La terre glacée flottait, aveugle et noire dans l ‘air sans lune ;
L’aube venait, s‘en allait – et revenait sans amener le jour
Les hommes oubliaient leurs passions dans la terreur
De cette désolation ; tous leurs cœurs
Se gelaient en une prière égoïste vers la lumière…
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