Extraits

Mon enfance s’est déroulée au gré des affectations de mon père, avec toujours le même rythme : tous les deux ans ou presque, un déménagement, une nouvelle école, une nouvelle vie à se construire. Pas le temps de me faire des amis ou de me sentir chez moi. C’est l’année de ma terminale que nous sommes arrivés sur la Côte d’Azur, il y a douze ans maintenant. Mon père m’a surprise en m’annonçant que nous aurions dorénavant notre propre maison. Jusqu’alors, nous avions toujours vécu en caserne. Il ne me l’a jamais avoué, mais je crois que c’était plus facile pour lui de me gérer ainsi. Je partais à l’école avec les enfants de ses collègues, et je ne compte pas le nombre de soirées que j’ai passé à dormir surveillée par les voisins.

Si j’ai bien compris, on parle d’une gamine de vingt ans un peu perdue, qui s’est laissée embobiner par un simulacre de prince charmant. Sur la Côte, elles sont nombreuses chaque année à se retrouver sur le carreau, une fois le conte de fées terminé. Dans le meilleur des cas, elles prennent un billet retour et rentrent dans leurs familles, la queue entre les jambes. Dans le pire… c’est bien ça qui m’inquiète.

L’intensité de son regard me fait frissonner. Je le soutiens, et subitement toute la fatigue et l’angoisse passent au second plan. À cet instant, je ressens comme une pulsion, celle de m’abandonner dans les bras de cet homme, d’y trouver refuge, comme dans un cocon, à l’abri du reste du monde. Pourtant, j’ai moi aussi l’envie de le protéger.