Extrait

Elle ferma les yeux.

Quatre épines d'émail d'une longueur effarante transpercèrent ses chairs. Elle s'accrocha aux épaules de son mentor avec un haut-le-corps, les traits empreints de douleur. Amarré à sa taille, Artus lui enserra la nuque d'une main, l'empêchant soudain de se soustraire à sa soif. Comme il aspirait avec un empressement fébrile, une goutte de salive s'échappa de ses lèvres. Indolente, elle glissa sur la gorge de ce sublime calice, jusqu'à disparaître dans l'échancrure de sa robe. Rose frissonna. La douleur régressait, supplantée par une extraordinaire vague de délice.

Alors que déferlait dans ses veines cet impétueux flot d'extase, son univers intérieur fut tout à coup dépouillé de sa gangue de ténèbres. Une symphonie de formes diaprées, auréolée de parfums capiteux, jaillit du néant. De ce débordement de couleurs naquirent les paysages les plus fous et les plus fascinants. Au comble de la béatitude, Rose voulut se fondre dans leur beauté gracile, mais un voluptueux murmure s'éleva depuis les rives de sa conscience, dominant le récital de ses sens. Envoûtée par ce chant, elle se détourna de l'éden pour le suivre...

S'enfuyant devant elle, l'obsédant chuchotis l'entraîna toujours plus loin par des immensités cotonneuses et blanches. Lorsqu'enfin il lui permit d'approcher, ils avaient de longtemps dépassé les frontières de ce monde.

Comme elle cherchait à l'effleurer, il vint lentement flotter autour d'elle. Tout de douceur, il épousa les méandres de son âme, qu'il enveloppa d'une aura caressante. Bientôt les cieux vibrèrent de ses soupirs alanguis, échos de son exquise audace. Enivrée, Rose s'abandonna à sa convoitise et le laissa pénétrer au plus profond de son être. Son esprit s'emplit alors de lascives évocations, d'une intensité telle qu'elles consumèrent sa raison. Sous ses paupières closes, ses prunelles s'évasèrent puissamment, ne laissant de ses iris qu'un mince anneau de lave incandescente...

L'univers se lézarda.