Extraits

Prologue :

Nine

« … Il y a des choses qui font mal. Comme me faire péter la mâchoire, lorsque j’ai eu 14 ans, par le fils du voisin ; me prendre une balle – même plusieurs – durant une opération classée secret-défense ; me faire torturer par un groupe rebelle au fin fond d’un bled somalien.

Bref.

J’ai souffert, dans ma vie.

Souvent.

J’ai perdu des gens que j’aimais. Des frères.

J’ai surmonté.

Mais il y a une chose à laquelle je n’arrive pas à m’habituer et qui me fait un mal de chien. Plus encore que toutes mes galères réunies. Ouais. Aujourd’hui, ma souffrance est sourde. Invisible. Profonde. Irrémédiable. Le boulot, le sport, le sommeil, les shoots d’adrénaline, rien ne me soulage.

Jamais.

Je suis condamné à vivre avec cette douleur latente et insoutenable qui irradie dans ma poitrine chaque fois qu’il est là. Conscient et résigné, parce que rien ne peut réparer un cœur brisé. ...»

Ce n’est que lorsqu’on s’apprête à perdre quelqu’un qu’on comprend l’importance de cette personne. Et il m’a fallu le vivre pour le savoir.

Je suis amoureux de lui.

" Il n'a pas compris qu'un homme qui protège celui qu'il aime n'est pas faible, il est pire que tout. Il est redoutable.

" Il donnerait sa vie pour toi parce qu'il t'aime comme un fou. Il n'était pas ton ombre parce qu'il veillait sur le prince, mais parce que c'était toi. Ça n'a toujours été que toi. "

« Je l’aimais comme un dingue, et je savais que lui aussi. Il me l’a prouvé un nombre incalculable de fois lorsqu’il se le permettait. Mais se le dire de vive voix, c’était trop pour nous. Parce que ça aurait impliqué des choses impossibles. »

– Essaie ton plat préféré.

– Ça ne marche pas.

– Alors… Ton alcool préféré ?

Je tape le mot champagne qui essuie un échec à son tour.

– Non plus, râlé-je.

– Qu’as-tu mis ?

– Champagne.

– Essaye Baileys.

Je fronce les sourcils.

– La crème de Whisky ? Je n’aime pas le whisky.

Il inspire et continue d’une voix profonde :

– Il n’en a pas encore conscience, mais tu es ce qui lui est arrivé de mieux.

Des souvenirs incontrôlables assombrissent mon regard.

– Tu es là, maintenant, dit-il comme s’il lisait dans mon esprit. Tu l’as toujours été.

Il me sourit et disparaît, me laissant avec mon verre de whisky encore plein et tout un tas d’émotions que j’essaye d’endiguer.

Et je le serai toujours.

Le seul moyen de se délivrer d’une tentation, c’est d’y céder. Résistez et votre âme se rend malade à force de languir ce qu’elle s’interdit.

Dans l’immédiat, j’aurais bien envie de pousser Oscar Wilde depuis le toit du château, parce que cette tentation-là, il n’y a aucune chance que j’y cède. Jamais.

– Allez prévenir que je souhaite prendre un bain.

Les muscles de sa mâchoire tressautent.

– Sauf si vous voulez le préparer vous-même ? le défié-je, piqué au vif par sa présence.

– Je suis garde du corps, pas femme de chambre, grogne-t-il.

– N’est-ce pas sensiblement la même chose ? Vous devez me suivre en toutes circonstances, cela vous laisserait l’occasion d’avoir une vue plongeante sur moi.

Il ne m’inspire rien qui vaille. Pas par manque de confiance – puisqu’il m’apparaît très loyal envers la Couronne – mais par crainte. Un garde du corps est censé être invisible, pourtant je ne vois que lui.