Rue des Maléfices

...Ce matin,Gérard est venu me réveiller à grand fracas.Il brandissait un journal.

-Surtout qu’Élisabeth ne voie pas ça!....Va la trouver,occupe-la pendant la journée,fais n'importe quoi...

En première page,sur deux colonnes,avec un titre fracassant,on annonçait l'arrestation du "légionnaire".Une photo le montrait,avantageux,souriant,menottes aux poignets.Voleur,assassin,escroc et marlou.Tout pour plaire.

Je bondis chez la petite.Je la trouvai dans la loge de la concierge.Elle lisait une lettre.Elle était toute blanche.Elle tremblait.Elle me dit seulement:

-Vous savez?

-Oui.Je sais.

C'est un paquet de désespoir,un petit oiseau frileux et meurtri,que j'ai traîné devant les cimaises du Salon d'Automne.

La petite a fini par nous mettre dans la confidence,Séverin et moi.Désemparée,elle nous a demandé de but en blanc de lui découvrir une faiseuse d'ange qui la ferait avorter.A la Maubert,on appelle cela "tricoter le moujingue",en souvenir d'une matrone qui,dans les "vatères" de chez Guignard,se servait d'une longue aiguille pour se livrer à cette opération.Nous ne parvînmes pas à faire entendre raison à Elisabeth.Nous lui avons proposé un voyage,une planque,un séjour en province,chez quelqu'un de nos parents,jusqu'à sa délivrance.Sa tante ni Clément n'en sauraient rien.Peine perdue.Butée,elle nous avait mis le marché en main.C'était ça ou le suicide.Je laisse à penser notre embarras...