Extraits

Quand je l’ai contre moi, que j’ai mes bras autour de lui, que j’ai les siens autour de moi, que je sens la chaleur de son corps, son odeur, sa respiration, son cœur… tout disparaît, plus rien n’existe, les soucis s’évaporent, la tristesse s’enfuit, le monde est simplement beau.

— Il y aura beaucoup d’épreuves.

— Tu as peur ?

— Non.

— Pourquoi ?

— Parce que tu es là.

Nous allons de plus en plus vite et je ne sais pas ce qui me procure le plus de plaisir entre le masturber ou me faire masturber. Le simple fait d’avoir son sexe en main me procure tellement de sensations. Jamais je n’aurais cru pouvoir atteindre un tel niveau d’intimité avec un homme. Même s’il n’est pas juste un homme, c’est Damien. Il me fait signe d’approcher. Je l’embrasse. L’un de ces baisers langoureux dont j’avais oublié jusqu’à la possibilité. Il jouit. Je sens son sexe se contracter entre mes doigts. Je le tiens fermement. Son sperme coule sur ma main, mon poignet… Rien ne m’étonne, ne me dégoûte, ce n’est que du pur bonheur.

Je sais que tout va se jouer maintenant. Il y a des moments, dans la vie, où l’on a la certitude que c’est important, que quelque chose va changer radicalement et pour toujours.

— D’accord. Imaginons, pendant un instant, que ta femme n’existe pas et que tu n’as pas d’enfant. Tu es totalement libre de tes choix. Qu’est-ce que tu ferais ?

— C’est un exercice difficile.

— Non, Patrick. C’est une simple hypothèse, qui n’engage à rien.

Il ment et il le sait. Tout ce que l’on dit, tout ce que l’on pense nous engage. D’ailleurs, une simple pensée peut tout bouleverser, je suis désormais bien placé pour le savoir.

— Je t’embrasserais.

Nous longeons la mare artificielle, dans laquelle des canards bien réels apprécient ce coin de nature en plein Paris. Les animaux sont rassurants. Peu importe ce qui arrive, peu importe les tourments qui nous envahissent, ou les difficultés de la vie, ils nous rappellent que peu de choses sont importantes. Demain, le soleil se lèvera à nouveau, une autre journée commencera, il faut y aller pas à pas, sans se soucier de l’avenir, sans se torturer. Toute la philosophie du monde est contenue dans les animaux, ils semblent nous dire que nous sommes trop compliqués, nous, humains, que nous devrions juste profiter de la vie. Au jour le jour, sans s’angoisser.

— Pourquoi tout le monde me pose cette question ?

Tout le monde, c’est Benjamin et mon assistant.

— Ce n’est pas évident d’intégrer une équipe avec uniquement des gays. Je crois qu’il y a peu d’hétéros qui oseraient ce genre de chose.

— Eh bien, c’est con, parce qu’il n’y a pas de grosses différences. Je trouve que c’est même mieux.

— Ah ouais ? Pourquoi ?

— Niveau sport, c’est absolument pareil. Que ce soit dans les vestiaires ou, surtout, sur le terrain. Quand on a entamé le match, j’ai vu le même niveau de testostérone, de brutalité, d’envie de gagner que lorsque je jouais au lycée. Un homme reste un homme, quelle que soit sa sexualité.

— Tu devrais écrire toutes ces paroles de sagesse.

— Fous-toi de moi !

— Toujours. Et alors, quelle est la différence ?

— On évite les discussions graveleuses. Pas de remarques déplacées, misogynes, à parler cul en permanence et traiter les femmes comme des objets sexuels.

— Entre eux, les hétéros se lâchent. À la maison, c’est leur femme, le patron. À l’extérieur, ils font semblant d’être les dominants.

— Et puis tu es un homme marié, tu ne vas pas là-bas pour séduire.

— Du coup, je peux porter mes anciennes fringues, puisque je me fiche de ce que pensent les autres.

— Ne pas séduire et ne pas plaire sont deux choses différentes. Tu as envie de plaire, de te fondre dans le décor, de ne pas passer pour un plouc !

Franchement, je suis fasciné par ce que je vois. Je me pose des milliers de questions. Surtout une. Depuis plus d’une demi-heure, je regarde des hommes nus en train de se masturber, de jouer avec des objets, d’écrire des cochonneries. Et j’ai une énorme érection, cela semble plaire à mon sexe. Il est excité par les hommes ?

Dans cette salle, comme certainement dans beaucoup d’autres, il y a des miroirs partout, les murs en sont recouverts. Et ce n’est pas pour que l’espace semble plus grand. Les sportifs aiment s’admirer. Ils sont là, face à leur reflet, à se regarder en train de soulever des poids. Puis, après chaque exercice, ils bandent leurs biceps, comme si on pouvait voir le résultat en temps réel. Pas mal relèvent régulièrement leur tee-shirt, pour confirmer que leurs abdos sont toujours là. C’est totalement ridicule, mais je ne vais pas commencer à juger, puisque je suis le nouveau. Peut-être que dans quelque temps je serai comme eux, à constamment regarder mon reflet.