Extraits

*Ambre*

Je m’extirpe difficilement du lit et rejoins la salle de bain pour m’asperger d’eau claire dans l’espoir de faire disparaître ces affreux souvenirs. Cela m’apaise un peu, mais je sais d’ores et déjà que ce sera de courte durée. J’éponge mon visage et regagne la chambre. Cependant, à peine ai-je fait un pas qu’elle se montre, gigantesque et monstrueuse. Elle se dandine sur le mur et étire ses pattes pour progresser. Je hurle alors à pleins poumons tout en me cachant les yeux. Qui sait, peut-être que cela la fera disparaître ?

Idiote, c’est pire encore si on ne la voit plus !

Le cliquetis du verrou retentit, Milan déboule dans la pièce et allume la lumière. Ni une ni deux, je me jette sur lui. Mes jambes autour de ses hanches, mes bras autour de son cou, je tremble comme une feuille. Bon, OK, me réfugier près de mon bourreau est peut-être bien plus dangereux, mais une fois de plus, je n’ai pas réfléchi. Je suis tétanisée. Je vais mourir de peur.

— C’est quoi le problème, bordel ?! panique-t-il en regardant autour de lui.

Je peux sentir les battements accélérés de son cœur à travers le fin tissu de son haut. J’ai dû lui foutre les boules. En même temps, à 04 heures du matin, il était sans doute en train de dormir et je me suis mise à gueuler comme une possédée ; y a de quoi avoir un pouls rapide.

— Elle est là ! braillé-je en désignant du doigt le mur en face de nous, juste au-dessus du lit.

— Mais quoi ?! Je vois rien !

— Si, regarde sur le mur, là !!! insisté-je en agitant frénétiquement ma main vers la fenêtre.

— Tu parles de l’araignée ?

— Une araignée ? Un mutant, oui ! Va la tuer !!

— Non, je vais juste la faire sortir.

Mes yeux plongent dans les siens, il ouvre doucement la bouche. Jusqu’à maintenant, je n’avais pas vraiment pris le temps d’observer ses lèvres. Pleines et légèrement humides. Aussitôt, mes tétons se dressent et pointent en direction de son torse. C’est quoi ce bordel ?! Impossible que ce mec puisse avoir un quelconque effet sur moi.

— Je vais dormir au salon si tu ne la tues pas.

Il lève les yeux au ciel puis souffle comme un taureau. Il tente de me faire descendre, mais je résiste et serre encore plus ses hanches. Hors de question qu’il me lâche avec un monstre pareil dans la chambre. Moi vivante, jamais !

— Princesse, si tu ne descends pas, je ne peux pas aller la tuer.

Certes… Je me détache doucement de lui et me cale contre la porte.

Bon, d’accord, elle est ouverte, et je sais que t’as envie de te tailler d’ici, mais ce n’est pas le bon moment.

Il sourit puis secoue la tête.

— Elle va pas te bouffer, plaisante-t-il.

— C’est pas drôle !

— Si, si.

Il attrape ma ballerine sur le sol et tape un grand coup sur la saleté de bestiole. Puis, il balance ma chaussure et me regarde.

— Ça va mieux ?

— Je veux voir son cadavre !

— Vu le coup que je lui ai mis, je t’assure qu’elle est morte. DCD, OK ?

— M’en fous, il me faut des preuves.

— Viens, elle est là.

— Putain, non ! Je ne m’approche plus jamais de cette fenêtre !

Il éclate de rire et vient vers moi.

— C’était une petite araignée, rien de plus, elle est morte maintenant, il ne faut pas que tu aies peur, OK ?

— C’est quoi ces mutants ?

— Ici, c’est la campagne, elles sont plus grosses qu’en ville. Merde, ça fait un bout de temps que t’es là et t’en avais encore jamais vu ?

Tu parles, moi j’appelle pas ça « grosses » ! Lorsque la taille dépasse la paume de la main, alors ça n’a plus rien de naturel, c’est forcément extraterrestre.

— J’en ai jamais vu des pareilles de toute ma vie.

Un long frisson me glace le sang, je n’ai jamais aimé ces saletés de bestioles. Le nombre de balais que j’ai pu casser en essayant de les tuer est astronomique. Je pourrais prétendre à des actions.

Il éclate de rire puis, de ses longs doigts, effleure ma joue. Mes yeux se cramponnent à nouveau à ses lèvres. Je suis prête à parier qu’elles sont douces.

— C’est rien ça, il y en a de plus grosses encore.

— Super rassurant !

— Va te coucher maintenant et repose-toi, tu as l’air épuisée.

— Je veux plus dormir, fini.

— Pourquoi ?

— Imagine que ses copines viennent pour se venger ! Ah non, bordel, déclaré-je en ouvrant la porte avant de sortir.

*Ambre*

— Re bonjour, dit-il.

— Vous ?

Il sourit, laissant apercevoir deux adorables fossettes. Hum… Super James Bond.

Tu es débile Ambre. C’est un taré !

— Oui. Je m’appelle Milan et vous ?

— Euh, je… je… je…

Surtout pas putain. Hors de question qu’il connaisse quelque chose de ma vie.

— Vous ne savez plus ? plaisante-t-il avec le sourire.

Il se fout clairement de ma gueule !

— Je veux pas vous le dire.

— Quoi ?! Mais c’est quoi cette connerie ?! DITES-MOI VOTRE PRÉNOM !!! hurle-t-il.

Il s’énerve, putain, mais je suis dingue ! Bon, à la base, je veux qu’il me mette une balle, donc… N’empêche qu’il semble avoir du caractère, mieux vaut ne pas trop le chercher.

— Non, c’est trop… personnel.

Il éclate de rire puis s’avance vers moi et dépose des serviettes propres sur la commode ainsi qu’une clé.

— C’est la clé de votre salle de bain. Elle était ouverte quand vous êtes arrivée, mais maintenant je vous la donne. Je vais préparer le repas et quand ce sera prêt, je viendrai vous chercher pour que l’on dîne ensemble… Princesse.

Princesse ?

— C’est une blague ?! Vous allez pas m’appeler comme ça quand même ?!

— Je n’ai pas le choix, vous ne voulez pas me dire votre prénom.

Je souffle et croise les bras.

— De toute façon, je n’ai pas faim.

— Vous devez être affamée depuis le temps que vous n’avez pas mangé.

— Non, je n’ai pas faim ! insisté-je en haussant le ton.

Il souffle fort, je le contrarie, à tous les coups. Et puis, c’est quoi ce pseudo à la con ? « Princesse », plus guimauve tu meurs !

J’aimais la vie, lui la mort. Je voulais mourir, lui me sauver. Bien qu’une existence ne soit pas grand-chose, la mort, elle, n’est rien du tout. Et ma rencontre avec Milan était tout ce dont j’avais besoin pour continuer à vivre.

« — Ne pars jamais, ne t’enfuis pas. Il te retrouvera, peu importe où tu ailles. Il te traquera sans relâche. Pense ce que tu veux de lui, mais ne le mets jamais, mais jamais, hors de lui. Retiens ça : Milan est un agneau, sauf qu’ici, dans la famille, le plus gentil des agneaux est le pire des loups.

Regarde-moi bébé, regarde-moi. Ouais, c’est bien, regarde le monstre que je suis. Celui qui te prive de tes proches, de tes amis. Celui qui te gardera ici jusqu’à la fin de ta vie.

J’ai pas besoin d’une femme dans ma vie et encore moins d’une emmerdeuse. Ici, je gouverne. C’est mon territoire, ma plate-bande.

— Ton corps tremble. Voilà ce que j’aime : te faire frémir avant de te faire craquer.

— J’ai pas de vêtements, ajoute-t-elle d’une petite voix de l’autre côté de la porte.

Mes épaules s’affaissent. Quel abruti, j’ai complètement oublié de lui en acheter.

— Attends, j’arrive.

— En même temps, j’ai pas le choix. Je suis en serviette, je vais pas aller courir le marathon de New York.

Je regarde la porte de la salle de bain d’un œil noir ; cette nana me hérisse le poil. C’est grave. Elle est exaspérante et irritante. En fait, elle est un peu comme un slogan anti-mariage « Ne vous unissez jamais, les femmes sont toutes comme moi ».

Je suis un salaud, bébé, c’est pas nouveau. Je ne suis pas un tendre, loin de là. Mon quotidien, c’est ôter la vie, pas la rendre belle. J’aime ça, tuer. Il n’y a rien de doux en moi, tout est brut, tout est comme le roc et le marbre. Tout est froid comme la glace, imperturbable. Et si tu savais ne serait-ce qu’un quart de ce que j’ai fait, jamais plus tu ne me regarderais comme tu l’as fait tout à l’heure.

La chaleur qu’il dégage était tout ce dont j’avais besoin, j’en prends réellement conscience désormais. Et je l’aime, lui, ce connard de psychopathe, en dépit de tout ce que nous sommes l’un pour l’autre. De ce qu’il représente pour moi. Et pourquoi ? Je n’en sais rien. La seule chose dont je sois sûre, c’est que je désire m’accrocher à lui, même si je sais que tôt ou tard, je tomberai. La chute sera douloureuse, mais qu’importe.