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Les années passèrent, et l’Auberge du Puits devint le lieu des grands rassemblements et de toutes les veillées festives de la paroisse ; les Vallierois, et souvent aussi des agriculteurs des régions voisines, s’y rassemblaient pour célébrer le Nouvel An, le Mardi gras, la Saint-Jean, la Saint-Michel, la Toussaint, la Sainte-Catherine et toutes autres bonnes occasions de boire un coup de jamaïque ou de vin du pays. Ces célébrations se déroulaient le plus souvent sous l’oeil vigilant du curé Leclair, qui aimait bien se mêler à ses ouailles et qui, connaissant le penchant de ses compatriotes pour la boisson, tenait à assurer, par sa présence discrète mais toujours remarquée, un minimum de retenue chrétienne dans leurs festivités. Il n’avait presque jamais à réprimander les paroissiens lors des veillées ; son regard bleu perçant posé sur eux suffisait la plupart du temps à les garder du côté de la vertu.
Il y avait cependant une femme jeune et belle, mariée et mère de trois enfants, dont le comportement commençait à tracasser le curé Leclair. Ce n’était pas uniquement lui qu’elle perturbait, mais tous les paroissiens qui la voyaient à l’oeuvre, hommes et femmes confondus, pour des motifs très différents. Marie-Josephte Corriveau, avec son flamboyant chemisier rouge, aimait danser, mais pas son mari, Charles Bouchard. Elle ne se privait pas pour autant, bien au contraire, elle enfilait les gobes de jamaïque et sautillait sur le plancher de danse, ses longs cheveux noirs bouclés tourbillonnant comme une tempête. Elle attirait sur elle les regards pétillants de désir et d’amusement des hommes et ceux de prude jalousie réprobatrice des femmes, qui voyaient là un comportement absolument inadmissible pour une femme mariée, au diapason du curé comme de l’époux, qui rongeait son frein en grognant et en buvant pour oublier.
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