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Le père Andrew Hagan avait quarante-six ans, dont presque dix-neuf avaient été voués à l’Église. Le moment décisif de sa vie s’était produit deux jours après son vingt-septième anniversaire, quand une crise cardiaque légère l’avait laissé désemparé, effrayé et à bout de forces. Il était à ce moment-là en train de perdre sa foi, en laissant le matérialisme d’un monde chaotique restreindre son identité spirituelle, la dominer au point qu’il avait tout juste conscience de son existence. Quatre années d’enseignement d’histoire et de théologie dans une école catholique de Londres, puis trois dans un établissement polytechnique de banlieue assez fou avaient lentement corrodé la couche superficielle de sa foi et s’attaquaient au plus intime, au cœur même de sa croyance, là où on ne trouve plus de réponses mais simplement une certitude. Il fallait qu’il retrouve son âme. La proximité de la mort l’aiguillonnait telle une mère qui ne permet pas à son enfant de traîner une minute de plus sous ses couvertures
Afficher en entier— Le père Hagan m’a raconté qu’Alice adore cette statue, devant laquelle elle avait l’habitude de rester assise de longs moments. C’était presque une obsession, pourrait-on dire. Or, dans l’hypothèse où ses visions ne seraient que les hallucinations d’un esprit perturbé, il n’est pas improbable qu’elles aient pris la forme de ce qui la fascinait. Regardez bien la statue. (...)
C’était incroyable. L’effigie était maintenant entièrement craquelée de lignes noires, qui recouvraient presque chaque centimètre carré de pierre blanche d’un fin réseau irrégulier. Les fêlures qui marquaient les commissures des lèvres de la Madone lui donnaient un sourire grotesque, un ricanement obscène. Même ses yeux aveugles étaient cruellement griffés.
Au lieu de l’image de compassion délicatement sculptée de la Vierge, semblait-il, c’était celle d’une vieille sorcière affreusement ridée qui regardait les deux hommes du haut de son socle, en tendant ses paumes ravagées dans une parodie de supplication.
Fenn recula d’un pas, comme s’il craignait que la figure de pierre ne tende la main pour le toucher
Afficher en entierÀ travers la fumée apparut la silhouette menue d’une petite fille aux cheveux blonds qui marchait posément, sans crainte aucune, au milieu du carnage. Le vent ébouriffait sa robe jaune. Elle éleva les mains : ce qui restait de flammes s’apaisa et acheva de s’éteindre.
Afficher en entierDelgard avait rencontré maintes fois dans le passé le phénomène qu’on appelle la possession ; il avait aidé des victimes à vaincre le mal qu’elles portaient en elles, à se libérer l’esprit des émotions schizophréniques qui l’enchaînaient et le tourmentaient. Ces dernières années, son organisme épuisé ne trouvait presque plus la force de soutenir de telles luttes psychologiques, car son esprit – ou son âme – mettait plus longtemps chaque fois à récupérer. Guérir lui demandait un effort gigantesque, maintenant que l’âge en lui se faisait sentir.
Afficher en entierQu’y avait-il dans sa vie de si précieux qu’il se sente obligé de la vivre ? Plutôt le froid de l’oubli, plutôt le néant qu’une existence méprisable.
Afficher en entierUn prospectus gisait abandonné à terre, jeté avec dégoût par un pèlerin qui l’avait reçu d’une jeune fille à l’entrée du champ ; il réclamait des dons pour la secte du Révérend Sun Myung Moon, afin d’aider son église à devenir une importante force économique
Afficher en entierUn nuage de poussière le fit éternuer ; les yeux larmoyants, il considéra les livres et les papiers déposés là. Le couvercle s’effondra en arrière comme il allait chercher un livre au fond. Un vieux missel rédigé en latin, dépassé, hors d’usage. À qui pouvait-il servir, sinon à quelques intégristes, depuis que le Vatican avait décidé de remettre en honneur la langue actuelle du pays ? Le livre qui se trouvait au-dessous était identique, et identique le suivant. La boîte était remplie de vieux missels. Quant aux papiers, ce n’étaient que des partitions de cantiques jaunissantes. Il referma le couvercle, déçu.
Afficher en entierLa lumière, seulement la lumière, pour que ces doigts retournent à la pierre. Mais dans le rectangle gris de la porte ouverte, voici que se dessinait une ombre, une masse noire qui occultait la lumière comme si elle s’approchait de lui… une masse noire qui cherchait à le saisir…
Afficher en entierChaque fois c’était après un exorcisme particulièrement difficile – circonstance qui n’est pas habituelle, mais arrive plus fréquemment qu’on pourrait le penser – et aussi dans les périodes où il avait assisté aux épisodes les plus dramatiques de la planète : (...). À vingt et un ans, il avait apporté son aide après la tragédie de Nagasaki, et c’était peut-être ce qu’il avait vécu de pire ; l’arme nucléaire révélait l’homme dans son pouvoir le plus immense et le plus détestable
Afficher en entierEn de telles circonstances, son être spirituel fléchissait, puis plongeait à des profondeurs où il atteignait le désespoir. Heureusement, l’esprit humain a des ressources. Chaque fois cependant, la remontée devenait plus longue, car les années et leur poids d’événements alourdissaient le fardeau.
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