Sang de pirate Tome 4: Confrontations

- Prête? Demande Grevec.

Sourire en coin, traits paisibles. Comme elle le hait. Elle ne se le répètera jamais assez. Elle acquiesce, avance et se met en position. Un instant plus tard les lames s'entrechoquent, Une interminable série de coups, de feintes, de parades et d'esquives s'ensuit. Les blessures s'additionnent, qu'elle croit bénignes: pas le temps de s'Y attarder. La chemise impeccable du capitaine se teinte de rouge ici et la, le crissement du tissu ne manque pas de se faire entendre. Concentrée comme jamais auparavant, Tiss n'a plus conscience de rien autour; seuls comptent les déplacements de Grévec, la trajectoire de son sabre, ses rares grimaces de douleur contenue avant le retour du détestable sourire. Sourire qui devient moins éclatant chaque fois que Tiss réussit à toucher le capitaine, chaque fois que lui-même rate sa cible. La fatigue pèse des deux côtés, les attaques se font moins virulentes. Tiss cherche les ouvertures, n'hésite pas quand elle croit en déceler une. Le jour décline vite, à l'image de ses forces. Non. Non, elle ne peut pas perdre. Misty arpente son dos, sa nuque, recommence. Grévec fonce à droite, Tiss sent la lame riper ses cotes, retient un cri. Du sang sur le métal. Plus que les autres fois. Une douleur sourde. Le feu dans son ventre, le désir de vivre. Elle riposte d'instinc, ignore la douleur de cette nouvelle plaie, son corps qui rechigne. Elle tire son poignard, fonce aveuglément, poussée par la rage. L'image au ralenti ; Grévec l'imite. Tant pis si elle doit mourir pour se venger. Johanna. Un prénom. Tu dois vivre. Il doit crever. Le poignard s'enfonce dans le flanc du capitaine, un autre plonge dans l'épaule de Tiss. Ils tombent à la renverse. Dans un souffle, elle murmure:

-Tue-le Misty.

Les pattes dont elle ne sent bientot plus le mouvement sur sa peau. Le poignard qu'elle cherche à arracher, pour mieux le replanter. Elle et Grévec roulent dans l'herbe, elle se retrouve sous lui. La panique s'empare de Tiss alors qu'elle croit revivre le passé: coups de pied, de couteau et de poing, morsures. N'importe quoi pour sortir de sous le capitaine. Grévec et elle basculent à demi. Du sang sur les mains, le poignard qui lui échappe. Une poigne ferme sur ses cheveux, une vive brulure à la cuisse, le hurlement qu'elle ne peut retenir. Sauve-toi, Mais sauve-toi? Elle redouble d'ardeur, mue par la fureur, réussit à s'affranchir juste assez pour reculer. à grand renfort de coups de talon dans la terre. À bout de souffle, elle respire trop vite. Grévec à genoux, sa chemise maintenant imbibée, une ouverture béante dans le côté. Il essaie de se mettre debout, a toujours son poignard dans la main. Quand il y parvient, il chancelle aussitot, tente de se reprendre. Misty a réussi. Et Tisse sourit comme une idiote: J'avais juré de t'égorger..., commence-t-elle, doit s'arreter pour reprendre son souffle. Le capitaine est debout, à cinq ou six pas d'elle, lève la main. Va-t-il lui lancer son poignard? Soudain, elle s'en fout. Quoi qu'il arrive, il ourra. Monia serait fier d'elle. Tiss inspire a fond, répète J'avais jurer de t'égorger, puis ajoute:

-Mais quel hommage a ma mère que de te voir mourir empoisonné...

Elle marque une pause, savoure la stupeur sur les traits de Grévec, l'éclair de compréhension qui passe dans ses yeux cruels, le mouvement de tête pour nier.

- Elle a tellement regretté de t'avoir autrefois révélé son secret...

- Vipère1 Laisse-t-il échapper avant de s'effondrer, face contre terre. Sans grace, comme une marionnette désarticulée. En appui sur ses coudes, Tiss fixe le corps agité de légers soubresauts, murmure:

- Non. La vipère, c'était ma mère. Et tu l'as tuée.