Extraits

Bien sûr, il n'écouterait pas, car la jeunesse est beauté et gâchis à la fois.

Le suicide était une chose vraiment à part. Moins tragique en un sens, parce qu’on pouvait prendre du recul par rapport à l’événement lui-même. Spencer, estimait-on, avait clairement été un garçon tourmenté et, d’une certaine façon, était déjà brisé. Si une personne disparaît, mieux vaut que ce soit quelqu’un de brisé que quelqu’un d’heureux. Le pire, pour Betsy du moins, était que ce raisonnement terrible n’était pas totalement dénué de logique. Un enfant qui meurt de faim au fin fond de la jungle africaine, c’est bien moins dramatique que la mignonne petite fille d’à côté atteinte d’un cancer.

Tout paraît relatif, et c’est cela qui est effarant.

Parfois, le mieux est de se cacher au grand jour. Ne pas paniquer, ne pas se précipiter, ne pas faire d’histoires.

            On aurait tendance à croire le contraire – que la victime d’une telle barbarie répugnerait d’instinct à toute effusion de sang. Malheureusement, le monde est fait autrement. La violence engendre la violence, et pas seulement de façon directe, sous forme de représailles. Un enfant maltraité devient en grandissant un adulte maltraitant. Le fils traumatisé par un père qui brutalise sa mère a toutes les chances de battre un jour sa propre femme.

Pourquoi ?

            Pourquoi nous, les humains, ne tirons-nous jamais les leçons de l’expérience ? Qu’est-ce qui, dans notre constitution, nous pousse à faire des choses qui devraient nous horrifier ?

Bien sûr, Loren Muse jurait que jamais elle ne serait comme ces mères, si un jour elle avait des enfants. Mais allez savoir. Ces certitudes lui faisaient penser aux gens qui affirmaient préférer mourir plutôt que de se retrouver dans une maison de vieux ou à la charge de leur progéniture. Or presque tous les parents de ses relations étaient aujourd’hui dans une maison de retraite, ou à leur charge, et aucune de ces personnes âgées n’avait l’intention de mourir.

Les enfants ne font pas ce que leur disent les parents… ils font ce qu’ils les voient faire.

Est-on toujours fou quand on sait qu'on est fou?

On refuse d'admettre à quel point l'équilibre de notre vie ne tient qu'à un fil, sinon on deviendrait fou. Ceux qui ont tout le temps peur, qui ont besoin de médicaments pour fonctionner, c'est qu'ils ont pris conscience de la réalité, de la ténuité du fil en question.

Les chansons tristes ne vous mettent pas en péril. C’est une diversion. Une peine maîtrisable. Qui pourrait donner à croire que le véritable chagrin est lui aussi contrôlable. Sauf que ce n’est pas vrai. On ne se prémunît pas contre le chagrin. Il nous happe, c’est tout.

La vie est à peine un souffle face à l'éternité.