Extraits

Elle se leva pour récupérer une série de photos qu’elle avait imprimées, toutes issues du dossier qu’elle avait demandé à Sélog de compiler. Chacune avait rapport avec les Sarangins. Pour les avoir déjà vues, il savait qu’elles avaient toutes été prises par la journaliste. Il les passa grossièrement en revue, sans découvrir ce qui intriguait la jeune femme.

— Je ne vois rien de spécial, avoua-t-il.

— Elle n’a publié aucune photo de Hellus, déclara-t-elle.

— Il faut avouer qu’il n’est pas aussi photogénique que toi, s’amusa Sélog avec un sourire facétieux.

— Regarde mieux, insista-t-elle sans se laisser divertir. Quand elle n’a pas le choix, par exemple là, quand je suis sortie avec Hellus pour affronter Duhaut, elle s’arrange pour qu’on ne puisse pas le reconnaître. Une épaule, une main tout au plus, mais jamais son visage, ou en tout cas jamais de face. Le mieux que j’ai pu trouver, c’est un trois-quarts de dos.

— Allô, dit-elle, hésitante.

— Bonsoir, ma belle, comment s’est passé ta journée ?

— Hellus, murmura-t-elle en souriant, émue de son attention.

— Tu attendais un autre appel ? interrogea-t-il, un brin amusé.

Elle s’éloigna de Qivia, lui tournant le dos.

— Comment savais-tu que je serais encore réveillée ?

— Je me disais que, tout comme moi, tu n’y arriverais pas tant que tu n’aurais pas entendu ma voix.

— Je te déteste, fit-elle sans conviction, un sourire tremblant aux lèvres.

— Pourquoi ferais-tu tout ça pour moi, alors que je te refuse cette chose si importante à vos yeux ?

— Parce que tu existes, et que j’ai la possibilité de rendre ta vie plus belle, moins dangereuse. Je vivais pour te trouver et te protéger, maintenant que je t’ai trouvée, il ne me reste plus qu’à te protéger.

- C'est...c'est bon, j'ai fini, marmonna Claire.

Duhaut contourna le Sarangin, prenant la corbeille.

- Je crains que votre envie ne soit contagieuse, je vous emprunte ça.

Elle rougit et se détourna. Duhaut, lui, rejoignit le coin où Qivia l'avait entraîné un peu plus tôt et posa la corbeille sur le sol avant de se soulager. Son jet fut presque aussitœt couplé â celui de Qivia.

- Je confirme, c'est contagieux.

Duhaut lui jeta machinalement un regard.

- Merde, murmura-t-il, c'est donc vrai ce qu'on dit sur vous.

- Ravi de vous plaire, plaisanta Qivia qui avait retrouvé toute son espièglerie maintenant que Claire était soulagée.

Duhaut gronda avant de questionner aussi discrètement qu'il le pouvait dans le confinement de la pièce.

- Vous n'êtes quand même pas tous comme ça.

Qivia éclata de rire en rajustant ses vêtements.

- Certains sont encore plus...

Avec ses mains, il mima une taille plus imposante. À la tête que fit le chef des agents de surveillance, Qivia sut qu'il ne le croyait pas, ou du moins qu'il préfèrait ne pas le croire.

— Il me donne trop, soupira-t-elle.

— Tu es son Chèile, il ne te donnera jamais assez, murmura Qivia en retour.

Avec un naturel confondant, il referma ses bras autour d’elle, et, soudain prisonnière, elle s’immobilisa en se demandant comment elle allait pouvoir s’en sortir.

— C’est pas possible, râla-t-elle à mi-voix.

— Quoi ? demanda-t-il en se penchant sur elle pour poser son menton sur sa tête.

— Je suis bien, fit-elle en enlaçant sa taille à son tour, tout en grognant d’agacement.

À son plus grand soulagement, Duhaut choisit cet instant pour tenter d’assouvir sa curiosité.

- Puis-je espérer savoir si vous êtes enceinte d’un humain, ou d’un Sarangin, sans devoir fournir une info en échange ?

- Même pas en rêve, répliqua-t-elle. Avez-vous une, ou un, petit ami ?

Duhaut lutta un instant, mais visiblement la curiosité était la plus forte.

- Ni l’un ni l’autre, ce serait trop dangereux d’avoir une liaison suivie. Et je suis du genre petite amie, avec un e, précisa-t-il.

Claire le jaugea un instant, mais ne demanda pas à Qivia de confirmer son affirmation. Elle lui jeta cependant un coup d’œil auquel il répondit par un haussement d’épaules indifférent.

- Sarangin, répondit-elle succinctement.

- Bon sang, j’aurais dû le deviner, grommela-t-il. C’est pour ça qu’on vous a laissé vous installer chez eux. Mais pourquoi vous laissent-ils sortir dans ce cas?

Il jeta un regard à Qivia, celui-ci ne put s’empêcher de sourire en voyant le chef des agents de surveillance faire ses suppositions. Il était quasiment certain qu’à cet instant, il se demandait s’il n’était pas le père de l’enfant.

Claire dut se faire la même réflexion, car elle répondit.

- Je l’ai dit dans mon article il y a des semaines, c’est Elliana qui refuse de sortir, pas eux qui l’en empêchent. Et arrêtez de le regarder comme ça, Qivia n’y est pour rien.

- Ah non ?

- Promis, Richard, je n’y suis pour rien, s’amusa le Sarangin.

Voyant Duhaut tiquer en l’entendant utiliser son prénom, il ajouta en désignant du menton la corbeille abandonnée à l’autre bout de la pièce.

- Je peux vous appeler Richard, nous sommes intimes à présent.

L’homme lui adressa un regard noir.

- Connard.

- Oui, mais connard intime, ironisa Qivia avec bonne humeur.

Claire leva les yeux au ciel tout en secouant la tête, elle le reconnaissait bien là, toujours à profiter de la moindre occasion pour dire une ânerie. Heureusement, comprenant qu’il ne parviendrait pas à l’intimider, Duhaut reporta son attention sur elle.

- Qui ?

- Je doute que vous soyez du style à craindre les anti-sarangins, répondit-elle. Vous craignez les opportunistes au sein de votre équipe, ou une nation en particulier ?

Il grimaça, il connaissait sa réputation, mais s’il avait déjà eu affaire à elle, il comprenait qu’elle pouvait également se montrer particulièrement perspicace et tout aussi pugnace que lui. La curiosité fut une nouvelle fois la plus forte. À regret, il annonça.

- Les deux, même s’il m’est plus facile de surveiller les hommes sous mes ordres.

Cette fois, Claire indiqua à Qivia qu’elle voulait s’assurer qu’il disait vrai. Il se pencha sur l’homme. Avec agacement, ce dernier lui donna son souffle.

- Notre relation se précise, s’amusa-t-il en se redressant. Nous en sommes déjà au baiser.

- Connard.

- J’aime autant vous prévenir, continua Qivia sur le même ton taquin, je n’aime pas les petits surnoms romantiques.

Duhaut se retint de changer d’insulte, comprenant qu’il ne ferait qu’encourager les plaisanteries de son vis-à-vis.

- Alors ? gronda-t-il en direction de Claire pour obtenir sa réponse.

- Hellus, fit-elle.

- Quoi ? Encore lui ?

- Il n’y était pour rien la première fois, le défendit-elle instantanément.

Elle avait toujours trouvé niais les amoureux qui se disaient des idioties au téléphone pendant des heures, mais en l’écoutant, elle commençait à les comprendre.

— Bon voyage, ma belle.

Elle ne prononça pas un mot, se contentant de passer la porte. C’était toujours le moment le plus difficile pour elle : celui de la séparation. Claire devait lutter contre son instinct pour s’éloigner de lui, et aujourd’hui plus qu’un autre jour, elle avait craint que son étreinte mine sa détermination à vivre sa vie au-dehors.

Il adorait la sensation de sa peau contre la sienne, et même si seule une partie de ses jambes bénéficiait de ce doux contact peau contre peau, il avait l’impression de s’approcher du paradis.

Alors qu’elle exprimait son inquiétude à l’idée de s’habituer à dormir avec lui, Hellus, pour sa part, ne pouvait qu’en rêver, et il savait que cela ne tarderait plus, pas alors qu’elle se laissait étreindre aussi facilement, et qu’elle trouvait le sommeil si rapidement à ses côtés.

Au cours de la nuit, il la libéra progressivement de l’étau de ses bras, la laissant libre de bouger, et avec bonheur, il constata que plus il lui laissait de place, plus elle s’accrochait à lui, allant même jusqu’à se coller contre son flanc quand il roula sur le dos.