Se souvenir de 1942

La guerre sino-japonaise commence en 1937 et elle entraîne une baisse du rendement global de l’agriculture; en 1938 après la prise de Kaifeng, le gouvernement nationaliste chinois fait détruire de nombreuses digues qui créent des inondations dans le Henan et des provinces voisines. Le livre fait l’impasse sur ces premières informations car elles sont des connaissances que tous les Chinois possèdent.

L’ouvrage, publié chez Gallimard, est une enquête qui démarre autour de l’an 2000 et vise à reconstituer les conditions de vie dans le Henan toutefois en 1942 lorsqu’une famine attribuée par l’auteur à une sécheresse exceptionnelle s’abat sur cette province relativement centrale au nord-ouest de Shanghai.

Jusqu’alors, vu son éloignement des côtes (par lesquelles arrivent les troupes japonaises), elle n’a pas subi n’a pas subi les exactions japonaises. Toutefois un an plus tard la quasi-totalité de la province est aux mains des Japonais. En effet le gouvernement nationaliste, réfugié dans le Sichuan à Chongqing, a nié cette famine, continuant à des prélèvements exorbitants (par rapport à des récoltes très amoindries) puis l’aide réduite qu’il a apportée (avec l’appui des USA) a été souvent détournée par ses fonctionnaires et son armée.

En conséquence après qu’un journaliste américain ait levé la chape de plomb sur cette catastrophe, ce sont les Japonais, par souci de rallier les populations chinoises au gouvernement collaborateur de Nankin, qui ont distribué des aliments. Les paysans chinois du Henan sont alors devenus les alliés actifs du gouvernement nippon, désarmant les soldats nationalistes qui pillaient pour leur propre compte ou protégeaient les fonctionnaires du gouvernement nationaliste qui s’emparaient au titre de l’impôt de toutes leurs maigres récoltes.

Cinquante ans après les faits, l’auteur Liu Zhenyun fait totalement l’impasse sur un rôle éventuel de soutien des résistants communistes, montrent que le gouvernement chinois d’alors est un prédateur et que si les populations chinoises ont survécu c’est du fait des aides (pas toujours désintéressées) venues de l’étranger, à savoir des USA et du Japon. Les idées développées ici vont à contre-courant de la propagande d’esprit nationaliste développée par les gouvernements actuels trouvant une légitimité dans la lutte contre l’occupant japonais. Les actions de cette résistance communiste face à l’invasion japonaise sont par ailleurs bien relativisée au niveau certes d’une seule province, mais cela tient déjà du sacrilège.

Cet essai a été adapté en 2012 au cinéma sous le titre anglais de "Back to 1942" par le réalisateur chinois Feng Xiaogang, avec un casting de choix : les stars nationales Zhang Guoli et Chen Daoming donnent la réplique aux figures hollywoodiennes Adrien Brody et Tim Robbins, voir http://chnatour.blogspot.fr/2012/11/a-movie-displaying-chinese-history-back.html.