Secrets et passions, Tome 1 : L'Héritière de Madrigal Court

Ophélia monta de mauvaise grâce le grand escalier extérieur. Le notaire lui avait imposé l’heure du rendez-vous sans se soucier de son emploi du temps, comme si Lysander Metaxis avait tous les droits du simple fait qu’il était riche à millions, et cette attitude l’avait mise hors d’elle. D’autant plus que, huit jours après le décès de sa grand-mère, elle était débordée, harcelée de toutes parts par les créanciers, les services des impôts, les tâches de tous ordres à accomplir dans l’urgence. A tel point que, pour la première fois depuis la naissance de sa modeste entreprise, elle n’avait pas été en mesure de livrer en temps et en heure à ses clients leurs commandes de plantes.

De plus, le notaire ne l’avait informée que la veille du fait que Lysander Metaxis était couché sur le testament de Gladys, et elle n’arrivait toujours pas à comprendre pourquoi. La seule chose dont elle était certaine, c’était qu’il s’agissait probablement d’une vengeance posthume de sa grand-mère contre cet homme qu’elle détestait pour le nom qu’il portait.

D’ailleurs, si elle n’avait pas à son encontre la même hargne que Gladys, elle n’avait elle-même aucune envie de rencontrer le fils de celui qui avait détruit la vie de Cathy, sa mère, et, à travers elle, celle de ses enfants. Certes, il n’était pas responsable de ce qui s’était passé trente ans auparavant, mais, s’il ressemblait à son père, elle n’avait aucune estime pour lui.

Aristide Metaxis était un play-boy, séducteur invétéré et sans scrupules qui avait brisé bien des cœurs et, si la rumeur était exacte, son fils Lysander ne valait pas mieux… On le voyait dans les magazines aux bras de créatures de rêve dont il semblait changer aussi souvent que de costumes. Il devait avoir une bien piètre opinion des femmes pour les traiter comme de vulgaires objets.

Il était le premier Metaxis à franchir le seuil de Madrigal Court depuis trente ans, et elle n’éprouvait aucune joie à cette idée.

Elle traversa le hall et salua froidement les quelques personnes présentes, des hommes d’affaires aux mines sérieuses en costumes élégants, ainsi qu’une immense blonde à la poitrine généreusement exhibée dans un caraco lacé, qui lui répondirent d’un sourire figé.

Avant de pénétrer dans le salon, elle s’arrêta un instant pour reprendre son souffle. Quoi qu’elle pense de Lysander Metaxis, elle avait besoin de lui pour racheter le château, et devait donc le ménager. Qui sait si elle trouverait un autre acquéreur vu l’état déplorable des bâtiments ?

Morton l’accueillit avec un petit rire nerveux, à l’évidence infiniment soulagé de la voir enfin arriver.

– Monsieur Metaxis, je vous présente Ophélia Carter, dit-il.

Ophélia resta bouche bée. Elle avait vu des photos de Lysander Metaxis dans les magazines, mais rien ne l’avait préparée à l’impression de puissance et de virilité qui se dégageait de sa personne.

Tout chez lui évoquait l’homme en pleine possession de ses moyens, auquel rien ni personne ne résistait. A commencer par les femmes, car il était l’image même de la séduction mâle, avec sa haute stature d’athlète, ses traits affirmés et nobles, son charme conquérant, sa bouche aux lèvres sensuelles. Ses yeux noirs, presque aussi sombres que ses cheveux bouclés, la fixaient avec une intensité qui acheva de la déstabiliser.

– Mademoiselle Carter, dit-il d’une voix grave en inclinant légèrement la tête.

Lysander était surpris, mais n’en laissa rien paraître. Il ne s’attendait pas à ce que la petite-fille de la harpie qu’avait été Gladys Stewart soit si féminine, si douce, si charmante. D’emblée, il fut frappé par son regard clair et direct, la masse de ses cheveux d’or, l’ovale parfait de son visage aux traits délicats. A tel point que ce n’est que dans un deuxième temps qu’il remarqua sa tenue, un pantalon très usagé et un sweat-shirt délavé qui n’arrivait pas à dissimuler sa poitrine ronde et haut placée.

Sous ses airs de campagnarde mal fagotée, cette fille était splendide, pensa-t-il, en réprimant une poussée de désir avec un inhabituel sentiment de culpabilité.

– Qu’est-ce que vous regardez au juste ? s’exclama-t-elle d’un air courroucé, alors que Lysander fixait sa poitrine sans aucune gêne.

Il hésita entre l’envie de la remettre à sa place – aucune femme ne lui avait jamais parlé sur ce ton – et celle de rire, car l’audace de cette jeune femme l’amusait.

– Je ne sais pas, répondit-il, faussement évasif. Vos bottes, probablement…

Sa voix grave bouleversa Ophélia, tant elle évoquait une sensualité à fleur de peau, une virilité aussi dangereuse qu’excitante.