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Extrait ajouté par lrjon 2018-09-17T15:46:25+02:00

J’achève ici mon récit. La carte du Transsibérien est encore fixée sur ma porte d’entrée. Je la regarde, troublée. Je n’ai pas la force de la retirer. Avant, une simple ligne continue sur 10 000 kilomètres de distance ; maintenant, une ligne de vie : j’y aperçois les cimes des arbres, les bulbes des églises, l’éclat mystique de la “mer Baïkal”, et la terre qui frétille sous mes pas timides… J’y vois des êtres humains, par centaines. Leurs voix résonnent et m’étreignent, comme leurs regards et leurs sourires. D’autres cartes s’ajouteront à celles-ci sur la porte blanche, qui se doit d’accueillir la beauté du monde.

Depuis ce voyage, un autre rêve s’est réalisé. Mon chemin a croisé celui de Lesley Blanch. À 101 ans, la passion du Transsibérien est intacte dans ses yeux, quarante ans après son périple. Le départ pour Menton, sur la Côte d’Azur où elle demeure, fut exaltant à la manière de mon départ de la gare Iaroslav quinze mois plus tôt. C’était le 5 août 2005, par le train N. 5771 Corail Lunéa, de 21 heures 17, partant de la gare d’Austerlitz, à Paris. J’avais choisi le train de nuit, dans l’espoir peut-être de retrouver l’écho vibrant du Transsibérien. Mon cœur battait fort lorsque je me rendis voie 8. Peu de monde, des familles surtout, avec d’élégants bagages. Une grande horloge ronde tournait, sereine. Qu’allais-je ressentir ? Était-il totalement insensé de courir après des sons qui ne seraient forcément plus les mêmes ? Après avoir franchi sur le quai un barrage de contrôleurs en uniforme, je me précipitai vers la voiture n° 53. Trois marches, gravies à la hâte. Couloir orange, sans affichette, linoléum marron à terre… Je tendis le cou vers le bout du couloir. Pas de samovar. Pas de provodnik. Pas de cabinet pour un chef de wagon joyeux. Première tristesse. C’était le vide.

Il y avait six couchettes dans le compartiment n° 9, et sa tablette était étroite, vide de toutes provisions. Dans le Transsibérien, les compartiments regorgeaient d’amour et de nourriture. Les trois personnes présentes, deux demoiselles et un monsieur âgé, étaient muettes. L’une dormait déjà, l’autre consultait son téléphone portable, et le monsieur grommelait seul près de la fenêtre. Je posai mes sacs de nourriture calmement, en songeant à mon rendez-vous du lendemain. “Tea party !” : c’était ses mots au téléphone. Je me les répétais avec délice. Elle avait regretté de ne pas avoir de thé anglais. J’avais remédié à ce malheur, atroce pour tout Anglais qui se respecte, en emballant soigneusement du thé Earl Grey de Taylors & Harrogate, des sablés écossais Walkers, des gâteaux fourrés au citron et un peu de marmelade au gingembre. Tout cela était prêt. Étendue sur la banquette, j’attendais avec impatience la fougue du train en marche. J’espérais entendre la musique transsibérienne sur les rails français, ce bercement inégalé qui fait tendrement bouger les épaules. Mais alors que le train s’éloignait de la gare sous les derniers rayons du soleil, je fus ébranlée par un bruit assourdissant, comme celui d’un vent fort en tempête. Un crissement régulier, aigu, des quatre paires de roues sur les rails… Qu’aurait pensé Kostia, mon cheminot russe ? Les bogies toussaient sur leurs joints, roulaient dans un grondement féroce, staccato. Où était donc mon chant transsibérien ? “Tarata-taa… tarata-taa…” Mon rêve était évanoui. Je ne pus trouver le sommeil, les roues grognaient trop fort. Ma peine était grande, je me sentais seule. Cloîtrée dans une semi-obscurité, je trouvai le réconfort en tournant les pages du récit autobiographique de Lesley, en admirant sa couverture, une image prise le jour de son mariage avec Romain Gary en 1944. Elle aurait toujours le même regard, malgré les années écoulées…

Le train Corail marqua une halte à 8 heures 45 le matin suivant. Les palmiers, épanouis dans le ciel azur comme un bouquet de feu d’artifice, m’accueillirent avec liesse. Dans l’enthousiasme, je m’étais trompée de gare. Par la grâce de la providence toutefois, Marthe, retraitée, vint à mon secours. “J’aime les voyageurs ! dit-elle. Je suis passionnée par Romain Gary !”La petite dame aux cheveux blancs m’emmena chez Lesley dans sa voiture. “Elle n’est bien sûr plus la même que sur la couverture de votre ouvrage, dit-elle en enclenchant la troisième. Vous savez, le général de Gaulle disait que la vieillesse est un naufrage. Elle sera heureuse de votre visite. La solitude… Moi aussi, j’en souffre.”

Le temps est long lorsque l’on a rendez-vous avec un grand destin. Je gravis la pente de la rue sinueuse, recueillie et profondément heureuse. La vue des montagnes piquetées d’arbres m’apaise, ainsi que les nuages blancs, tendres points de suspension dans le ciel. Le chant d’un hibou solitaire et de rossignols perchés sous la ramée rehausse le calme. Au loin sur la colline, un âne braie, mélancolique. Lorsque je rejoins Lesley à 17 heures, l’heure du thé, je ne parviens pas à contenir mon émotion. En pénétrant dans sa demeure aux mille objets d’Orient, je tombe sur son regard. Le même. Je le découvre pour la première fois. Il est bleu-vert. Il transperce mon corps entier.

— So nice to meet you ! dit-elle, assise derrière son bureau en bois clair.

Je m’approche de mon étoile aux cheveux blancs soyeux, au teint diaphane, et je l’embrasse. Sur le front, doux. Le thé fume près de nous dans des tasses en porcelaine. L’air frais et parfumé de la terrasse nous caresse les tempes. Je n’y prête guère attention. Je serre mon bonheur. J’aimerais que le temps s’arrête, que le jour reste clair, longtemps. À défaut d’un arbre de Russie, je pose dans ses longues mains roses, d’une beauté touchante, une perle de Vladivostok et une cuillère traditionnelle en bois peint, rouge et or – échos légers, teintés d’amour, de son grand voyage dans les années 1960. Notre échange secret durera trois jours, heures magiques, gravées dans mon âme comme un trésor réparateur. Les mots sont des fleurs qui ne se fanent pas. À 101 ans, les mots décuplent la beauté.

Il est douloureux de mettre un point final à un tel voyage. Heureusement, il n’y a pas de point final à la liberté d’action. C’est une consolation véritable. J’observe longtemps le ciel changeant par ma fenêtre. Mon bol de thé est brûlant dans le creux de ma main. Je n’y prête pas attention. Le ciel est bleu en Sibérie, c’est sûr.

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Extrait ajouté par lrjon 2018-09-17T15:46:06+02:00

C’est alors que je fais la connaissance d’Andreï, de Macha et de leurs deux enfants. Andreï et Macha sont tombés amoureux dès leur première rencontre en 1990. Elle a quitté Irkoutsk pour vivre auprès de lui, tour à tour pêcheur, mécanicien et capitaine sur un bateau de pêche. Depuis 1998, il travaille au port, dans une usine à poisson ; il regrette son premier travail, son bateau, vendu, et ses équipiers ; ces derniers se sont reconvertis dans la pêche privée, le bâtiment ou le tourisme. La souffrance de cet homme aux mains fortes est manifeste.

Je découvre leur maison, construite par Andreï en 1986. Depuis, il en a construit trois autres sur le même terrain, ainsi qu’un bania. Tout est réalisé avec amour : des frises sur le rebord des toits et des fenêtres, un soleil sculpté sur la façade, des marguerites multicolores plantées dans le sol et un cheval de bois dans la cour, qu’il a fabriqué pour son fils.

“Certains ont choisi de boire de la vodka, moi je travaille le bois, dit-il. Je ne pense plus à rien, ça me repose… Mon rêve serait d’avoir un jour mon propre atelier.”

Le plus important dans la vie ?

“Que les enfants grandissent bien. J’essaie de leur inculquer la bonté. Quand il y a la bonté, tout le reste suit : l’honnêteté, la responsabilité… L’amour ! la tendresse ! la compassion !” renchérit Macha, amusée.

Dans ma chambre en pin clair, je trouve un bouquet de fleurs sauvages : des sayanki rouge vif, des marguerites, des violettes et d’autres fleurs odorantes dans un bocal à tomates qui porte encore son étiquette de 20 roubles. De la fenêtre, j’aperçois le champ de pommes de terre, avec deux mille plants. Il y a aussi des légumes – choux, carottes, salades, tomates, concombres – et des animaux domestiques – la vache Marta et Mila, son jeune veau, un mouton, un cochon qui répond au prénom de Fritz, des lapins et des poules bavardes. Tout ce petit monde est nécessaire à la survie sur cette île éloignée de tout.

Il n’y a pas d’électricité, sauf de 20 heures à minuit, quatre heures par jour, grâce à un générateur. L’eau est distribuée par camion-citerne deux fois par semaine. Un jeune homme déroule un tuyau à travers un orifice ménagé dans la clôture et l’enfonce dans chacun des quatre barils. Nous apprenons à utiliser l’eau avec parcimonie, pour le linge, la vaisselle et la toilette au bania. Ils ne s’en plaignent pas. “Nous vivons !” Le plus important est fait : “Construire une maison, planter un arbre et faire un fils.” Pour Andreï, comme pour la plupart des insulaires, la vie n’a pas changé en mieux depuis des années. Il n’a pas d’illusions sur le pouvoir.

“Khapougui, des rapaces, dit-il d’un ton courroucé. Tôt ou tard leur maison s’écroulera, car elle a été construite avec de l’argent volé, peste-t-il en tirant une bouffée de cigarette.

— Que ressens-tu en ‘mer Baïkal’ ?”

Son visage s’illumine.

“J’ai l’impression qu’elle respire, qu’elle est vivante !”

Vers minuit, la nuit noire nous enveloppe. Je me retire. Je peine à trouver le sommeil. Je sors dans le jardin silencieux, avance à petits pas parmi les plants de pommes de terre, caressés par une lumière pâle. Je lève lentement la tête. Au-dessus de moi brillent des milliards d’étoiles, serrées les unes contre les autres, de tous les côtés de la voûte céleste. Jamais je n’avais assisté à un spectacle aussi poétique : les constellations de l’univers, réunies dans un éclat éblouissant et intouchable.

À Olkhon, terre natale des Bouriates, parfumée au thym et au romarin, aux rochers majestueux, aux milliers de rares edelweiss, le voyageur découvre une énergie surprenante, liée d’après les riverains à l’esprit du Baïkal – Doukh Baïkala. Le calme est saisissant, pas un seul bruit de moteur n’est perceptible et, sur des kilomètres et des kilomètres, il n’y a aucune habitation. Les oiseaux sont les seigneurs : mouettes, mésanges, hirondelles… Ici, on vénère les quatre éléments – l’eau, la terre, le feu, l’air. La lune et le soleil aussi. Tout incite à une communion totale et absolue avec la nature. Noués aux troncs des arbres, des bouts de tissu multicolores portent les souhaits, les espoirs et les prières de la population locale.

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Extrait ajouté par lrjon 2018-09-17T15:45:50+02:00

Avril 2004. L’URSS n’existe plus depuis treize ans, remplacée par une Communauté des États indépendants (CEI). La Russie est un État dit “démocratique” qui a connu sa troisième campagne présidentielle de l’ère postcommuniste. Signe des temps, le président Vladimir Poutine a même été invité à boire le thé avec la reine d’Angleterre, honneur jusqu’alors réservé aux tsars.

La Russie est un pays dans lequel on se rend maintenant librement. En témoigne la pléthore de guides au rayon tourisme des librairies – Grand Week-End à Saint-Pétersbourg, Moscou, Moscou/Saint-Pétersbourg, La Russie… Se souvient-on de la grande époque où ne figuraient en magasin que les “Guides bleus” de l’URSS et de Leningrad en un ou deux exemplaires poussiéreux ? En découvrant la première édition du “Routard” consacré à Moscou (2002-2003), je fus envahie d’une véritable mélancolie : la Russie n’était plus une destination hors du commun. Pour connaître encore le parfum authentique de ce pays immense et nébuleux, il fallait se déplacer. Si possible vers l’est.

L’idée de prendre le Transsibérien est née d’un désir longtemps enfoui. Je devais avoir 7 ans lorsque je découvris dans un vieil atlas que cette terre, mystérieusement appelée “Sibir’” par les Russes (“la terre qui sommeille” en bouriate), occupait un tiers de l’hémisphère Nord, soit un espace plus vaste encore que les États-Unis et l’Europe réunis. En fermant les yeux, je revois mes petites mains froides caressant la double page épaisse de l’atlas… Le monde interdit. Coloré dans un rouge carmin synonyme de danger. Un monde ponctué par des villes aux noms qui suscitaient autant de curiosité que d’effroi – Sverdlovsk, Omsk, Novossibirsk, Tomsk, Krasnoïarsk, Irkoutsk, Khabarovsk… Ma vie devait être marquée par cette vision et cette incompréhension ; je ne parvenais pas à imaginer les Russes ennemis, comme le soutenait la propagande des années 1970-1980, mais plutôt comme un peuple doté d’un courage à la hauteur de ses souffrances, d’une chaleur humaine grande comme ses plaines, ainsi que d’un héritage culturel et spirituel sans égal au vu de son passé tourmenté. Son histoire, il fallait la connaître.

We share the same biology, regardless of ideology.

Mon premier contact avec la langue et la culture russes eut lieu en 1984, lorsque ma mère m’encouragea à choisir le russe comme seconde langue au Lycée français de Londres. Je me souviens encore de la feuille sur laquelle étaient indiquées les principales langues enseignées à l’école : espagnol, allemand, italien, russe. Il fallait cocher l’une des quatre cases. Ma mère, guidée par une intuition incroyable, me fit comprendre que le russe, au-delà de sa beauté, était une langue d’avenir, car l’État soviétique n’allait pas et ne pouvait pas durer. Son avis, pour le moins excentrique à l’époque, était motivé par un profond sentiment humaniste : “Les gens qui vivent là-bas sont comme toi et moi : il ne faut pas confondre la propagande avec le peuple. Nous sommes tous sur la même terre ; 300 millions de personnes vivent là-bas, c’est ton devoir de les connaître.” Je voulais la croire et, en même temps, j’avais peur du regard des autres. Quels que soient les régimes qui se succèdent, nul individu n’échappe au regard d’autrui. Parfois ouvert, souvent fermé, destructeur donc. Mes camarades, comme je le craignais, furent unanimement surpris par mon choix peu orthodoxe. “Communiste” et “espionne” sont des mots qui ne me furent pas épargnés.

Affalée derrière la table basse de notre salon, avec le cœur qui battait fort, je cochai la case “russe” au Bic bleu, en appuyant bien fort sur la bille, sans me rendre compte de l’impact qu’aurait ce geste sur ma vie future. Je me souviens simplement de l’émotion avec laquelle ma mère inscrivit quelques mois plus tard mon nom et mon prénom en tête du Petit Larousse, en me disant qu’elle aurait rêvé d’apprendre la langue de Iouri Gagarine, mais qu’en son temps ce n’était pas possible.

Mon premier cours fut déterminant et marqua le début d’une passion durable pour ce pays. La salle de classe était la plus sombre et la plus petite du lycée – 12 mètres carrés environ –, dominée par une immense carte de l’URSS. Elle comportait quinze pupitres, mais en réalité nous n’étions que cinq ou six élèves. J’y appris l’alphabet cyrillique, puis mes premiers mots : isba (maison en bois), routchka (stylo), kochka (chat), sobaka (chien). À l’issue de ce cours, nous étions contents d’avoir réussi à formuler des questions et des réponses d’une grande complexité :

“Est-ce un chat ?

— Niet, ce n’est pas un chat, c’est un stylo.”

Davantage de temps fut nécessaire pour assimiler Soyouz Sovietskikh Sotsialistitcheskikh Respublik (Union des républiques socialistes soviétiques) mais, déjà, j’étais conquise !

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Extrait ajouté par lrjon 2018-09-17T15:45:38+02:00

Le train démarre tout doucement, comme s’il voulait préserver notre intimité. Nous ne remarquons d’ailleurs pas son mouvement, discret et gracieux ; déjà, nous jacassons sur nos vies respectives, comme deux poules dans un panier. Valia habite Touroukhansk, dans le Grand Nord, au bord du fleuve Ienisseï, huit mille habitants et une température agréable de -50 °C l’hiver. Presque tout le monde y pratique la pêche ou la chasse dans la forêt pour subvenir à ses besoins. Elle travaille en qualité de responsable financier dans une entreprise pétrolière et s’est remise aux études à 40 ans. Elle vient de faire quatre heures d’avion – malgré la peur – et quinze heures de train afin de suivre une formation de gestion à Novossibirsk. Le courage incarné.

Par la fenêtre, parmi les sapins, les cèdres et les bouleaux, des fleurs jamais vues ! Elles sont rondes et d’un orange éclatant, comme de petites mandarines. On a envie de les croquer. Ce sont des jarki (“chauds” en russe). Elles n’existent qu’en Sibérie. Semblables à des renoncules, elles sont chatoyantes. Émerveillées, nous poursuivons notre discussion en entamant les provisions fournies par Nina dans un sachet rose : du jambon sous Cellophane des pays baltes, du fromage, une soupe en poudre Rassolnik, un jus d’orange Da ! et des petits-beurre made in Kazakhstan.

Vers 21 heures 30, nous marquons un arrêt à Taïga, coquette gare verte et blanche, récemment restaurée. Une jeune femme corpulente nous rejoint, accompagnée d’une fillette. Elle a les bras solides, les mains pâles, épaisses, avec des ongles larges légèrement noircis. Une paysanne. Ses cheveux noirs, attachés dans un chignon bas, brillent comme ses yeux ronds. Elle s’appelle Oksana. Je lui souris. Elle est effrayée. Je lui propose du chocolat.

“Niet, spassiba.

— Des petits-beurre ?

— Niet, spassiba…”

J’emploie alors les grands moyens. Je sors la carte du monde ! Nous passons ainsi des heures à contempler la Terre, à évoquer les pays, les mers et les océans. J’explique d’où je viens, où je vais… Macha, sa fille de 8 ans, la tête couverte de tresses, me pose une question troublante : “Y a-t-il des dauphins à Paris ? Y a-t-il des palmiers ?”

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