Sex-symbol

Le tintement de la cloche d'entrée la prit par surprise, et elle laissa échapper ses lunettes sur le comptoir. Les clients — à peine plus que des tâches de couleur pour son regard de myope — s'approchèrent d'elle en se chamaillant. A leurs voix, elle devina qu'il s'agissait d'un homme et d'une femme. Elle sentit le rouge lui monter aux joues tandis qu'elle cherchait à tâtons ses lunettes — en vain.

— C'est ça que vous cherchez ? demanda une voix chaude et agréable.

L'homme plaça la paire de lunettes dans ses mains.

— Merci, murmura-t-elle avant de les glisser sur son nez.

Mais alors même que la vue lui revenait, elle perdit l'usage de la voix. Le client qui lui avait si aimablement rendu ses lunettes et qui se tenait devant elle était grand, brun, avec un soupçon d'exotisme, une peau bronzée, et des yeux noisette. Ses pommettes hautes et son nez droit dénotaient du caractère. Il devait avoir dans les trente ans, même s'il dégageait la maturité d'un homme plus âgé. A moins que ce ne soit sa carrure, ou encore le fait qu'il soit habillé en noir de la tête aux pieds, qui le faisait paraître plus vieux...

En tout cas, quelle qu'en soit la raison, elle était sûre de n'avoir jamais vu d'homme aussi séduisant de toute sa vie. C'est alors que la remarque de Quincy au sujet de la présence en ville de nombreuses célébrités lui revint à la mémoire. Elle se demanda si cet homme était l'une d'entre elles, et si elle aurait dû le reconnaître. Une question qu'elle ne pouvait pas lui poser, bien sûr. D'autant qu'elle était incapable d'articuler un mot.

— Je vous en prie, dit-il avec un petit sourire.

Il la regardait fixement, comme si quelque chose en elle clochait. Etaient-ce ses lunettes qui étaient de travers ? Ses cheveux mal peignés ? Etait-elle en train de baver à force de le regarder ainsi, bouche bée ? Elle se sentit paralysée.