Ajouter un extrait
Liste des extraits
Je vais aborder des sujets aussi divers que : le clitoris (notre ami), le porno (qui peut aussi être notre ami), les poils (une de mes marottes), le féminisme (rien à voir avec le sujet précédent), les drag-kings (une autre de mes marottes), et l'amour, bien sûr, faut pas déconner. (page 15)
Afficher en entierLors de ma première expérience sexuelle, quand un homme me pénétra, j'eux pratiquement autant de sensations que si je mettais un tampon, retirais un tampon, mettais un tampon, retirais un tampon... (page 27)
Afficher en entierPlus nous connaîtrons notre sexe réel (notre vulve, notre clitoris, notre vagin, notre utérus) et ses capacités, plus nous jouirons de l'image mentale de celui-ci. Ce sexe symbolique, on pourrait l'appeler le clitorus. Oh putain, Freud, tu peux aller te rhabiller, je viens de créer un concept de ouf. (page 34)
Afficher en entierUne fois, un lendemain de cuite je pense, je dis même oui à une épilation intégrale, et me retrouve désespérée avec la chatte de mes 12 ans... Mais pourquoi avoir continué dans le brésilien de mes couilles ? (page 71)
Afficher en entierBeaucoup d'hommes, et de femmes, pensent encore "gaaaaaayyyyy" quand on évoque le sujet du plaisir masculin prostatique. Ce qui est absurde. (page 137)
Afficher en entierJe me souviens très bien de mon premier poil, et de ma fierté. C'était l'été, j'avais quatorze ans, j'attendais avec impatience la puberté qui tardait vraiment à venir : j'en avais marre de ressembler à une gamine de dix ans alors que toutes mes copines commençaient à avoir des corps d'adolescentes. J'étais donc sur la plage et je lisais un livre. En changeant de position pour lire, et en passant ma main sous mon aisselle droite, je l'ai senti. LE POIL. Pas le duvet habituel, hein, le vrai poil. Il faisait bien deux centimètres. Comment avais-je fait pour ne pas le voir ? (page 70)
Afficher en entierExtrait de la p.1 à la p.25 http://fr.calameo.com/read/000048378d635c175b5b5
Afficher en entierIntroduction
Sans contrefaçon, je suis un garçon
Longtemps j’ai voulu me gratter les couilles devant la télé.
Née femme, je ne voulais pas physiquement devenir un homme – je n’ai jamais été dans une réflexion de changement de sexe. Mais si, comme le dit Simone de Beauvoir, on ne naît pas femme, on le devient, ce « devenir femme » m’a longtemps pesé. Au début de ma vingtaine, j’enviais les hommes : pas besoin de prouver au monde du travail que l’on est aussi compétent et légitime qu’un autre homme, pas besoin de passer des heures à s’épiler/se maquiller/s’apprêter, pas besoin de dépenser cent boules par mois au Monoprix en crèmes, collants et shampoings divers, pas besoin de chercher – souvent sans le trouver – l’orgasme lors d’une partie de jambes en l’air, pas besoin de penser à toujours avoir un tampon dans son sac, pas besoin d’apprendre à porter des talons sans se tordre les chevilles, pas besoin d’avoir peur la nuit en rentrant seul chez soi, pas besoin de simuler parfois le plaisir pour que « ça ne dure pas trop longtemps », pas besoin d’affronter les « Pssst, mademoiselle, t’es charmante » quasi quotidiens, pas besoin de sourire gentiment à la blague sexiste du banquier car on est à découvert, pas besoin de s’asseoir/marcher/boire/ manger élégamment, pas besoin de passer des heures à chercher du porno excitant mais « un peu moins dégueu », pas besoin de parler de cul en public de façon « discrète », pas besoin d’expliquer pendant des plombes pourquoi « féminisme » n’est pas un gros mot.
À vingt ans, le matin, devant mon étagère débordant de fringues inutiles, hésitant entre deux tenues (« Est-ce que je vais me faire emmerder dans la rue si je porte cette jupe ? Est-ce que cette robe est trop sexy pour ce rendez-vous de travail ? Est-ce que ce pantalon est assez sexy pour sortir ce soir ? »), je rageais : combien de romans aurais-je le temps d’écrire, combien de voyages en plus pourrais-je faire, combien de livres pourrais-je lire, si j’étais un homme, si je ne perdais pas mon temps, mon énergie et mon argent à être une femme ?
On peut me rétorquer que, vivant en France au tout début du xxie siècle, je n’ai aucune obligation de me maquiller, de faire attention à mes vêtements, ni d’être, dans mon attitude et mes propos, une « fille bien comme il faut ». Évidemment. Mais, d’une part, ce n’est pas ce que me disaient, à la fin des années 1990, la société, les magazines féminins, ma famille et mon entourage amical ; d’autre part, je ressentais tout de même un certain plaisir dans ces contraintes. Le plaisir de me conformer à ce qu’on attendait de moi. Quand je suis partie à vingt-deux ans vivre une année au Canada, je suis revenue avec onze kilos de plus, un pantalon baggy, les cheveux courts et des tee-shirts rock. Ma mère ne m’a pas reconnue à l’aéroport, elle m’a mise au régime direct et m’a emmenée faire du shopping. « Toi qui es si jolie, c’est dommage de tout gâcher par ces kilos en trop et ces fringues affreuses, pas féminines », me disait-elle. Je ne répondais rien et je mangeais ma soupe. J’avais la sensation coupable d’avoir « saboté » un potentiel. La vie m’avait offert la chance de ne pas être trop moche, je devais donc faire en sorte de ne pas le devenir.
Peu importe si, au Canada, à Vancouver, j’avais découvert avec passion les gender studies et la scène drag-queen locale. Peu importe si je m’étais révélée plus sportive que ce que je croyais. Peu importe si j’avais enfin rencontré un homme qui léchait merveilleusement bien et adorait mes fesses charnues. De retour en France, je devais redevenir mince, féminine, épilée, élégante. Et je devais enfin jouir par pénétration vaginale. C’est ce que les magazines féminins appelaient encore le «vrai orgasme».
Il m’a fallu des années, en explorant lors de mes lectures, mes rencontres et mes reportages la culture érotique, la culture porn, les sexualités et les féminismes, pour enfin me réconcilier avec ma « nature » féminine. Des années pour devenir non pas la femme que la société attendait que je sois, mais celle que je voulais être.
C’est tout d’abord en rencontrant, via mon travail journalistique, des centaines de personnes curieuses de leurs sexualités et qui jouaient avec les codes – femmes ultra-féminines, femmes viriles, hommes féminins, transgenres, libertins amoureux, machos féministes, dominas au cœur tendre, obsédées sexuelles – que j’ai pu briser la dichotomie de genre femme/homme que j’avais intégrée, et ainsi arrêter de regretter mon sexe et son statut social. Je n’ai pas, comme le fantasment les Manifs pour tous, supprimé mon genre ; je l’ai déconstruit pour ensuite le reconstruire à ma manière. Un « post-genre », féminin et masculin. En quelque sorte, humain.
C’est aussi à travers les livres, les films, les œuvres d’art traitant de la sexualité que j’ai pu casser tous mes a priori sur la sexualité féminine et masculine, et ainsi me sentir plus libre. Non, l’orgasme féminin n’est pas que « dans la tête » ; non, les hommes ne sont pas des bêtes assoiffées de sexe, bandant et jouissant quand ils le veulent ; non, le schéma préliminairespénétration-dodo n’est pas le scénario parfait du sexe ; non, le clitoris n’est pas un accessoire ; non, les jeux BDSM1 ne sont pas réservés à quelques aficionados du latex ; non, le désir et le plaisir ne sont pas « naturels » – ils se recherchent ; non, il n’y a pas des fantasmes purement féminins et d’autres purement masculins ; et oui, le sexe entre adultes consentants est un territoire de liberté absolue.
Enfin, ce sont des rencontres personnelles, parfois amoureuses, parfois sexuelles, parfois les deux, qui m’ont ouvert les yeux et ont libéré mon corps. J’ai eu la chance de rencontrer des hommes – et une femme – qui eux-mêmes avaient réfléchi à la sexualité et qui étaient curieux, gourmands, joyeux dans leur rapport au sexe. Des personnes avec qui j’ai pu tout être : prude et salope, gênée et obsédée, chic et vulgaire. Elles m’ont permis de me sentir libre et, quelque part, m’ont aidée à rencontrer l’homme de ma vie, Renald Luzier, aussi appelé Luz. Big up, donc, à mes ex ! Big up aussi aux ex de mon mari, car lui non plus n’était pas vierge quand on s’est rencontrés.
Aujourd’hui, si j’écris ce livre, ce n’est pas pour fanfaronner, encore moins pour dire « ce qu’il faut faire ». Je le fais car je crois profondément que le sexe est émancipateur. Qu’il n’y aura pas de véritable évolution dans les rapports hommes-femmes – sociétaux et politiques – sans une nouvelle révolution sexuelle.
Et cette révolution sexuelle, elle commence par soi même, d’où la forme de cet ouvrage, à mi-chemin entre l’essai et le récit. Je vais aborder des sujets aussi divers que : le clitoris (notre ami), le porno (qui peut aussi être notre ami), les poils (une de mes marottes), le féminisme (rien à voir avec le sujet précédent), les drag-kings (une autre de mes marottes), et l’amour, bien sûr, faut pas déconner.
Je précise que ce récit s’inscrit inévitablement dans un contexte social, le mien, et que celui-ci est privilégié. Je suis née en France en 1980, je suis blanche, j’ai été élevée en province dans une famille aimante, de classe moyenne éduquée, républicaine et laïque, qui m’a poussée à faire des études, à choisir mon métier et à être indépendante. Je ne m’appelle pas Angela Davis, Taslima Nasreen ou Malala. Je n’ai jamais eu à combattre dans ma jeunesse l’oppression raciste ou le fondamentalisme religieux. Pourtant, j’ai la prétention de croire que le combat dont je parle, et qui est commun à des centaines de personnes que j’ai rencontrées, est non seulement politique, mais essentiel. À vingt ans, je n’aurais pas écrit ce texte. J’ai aujourd’hui trente-cinq ans. Dans quinze ans, j’écrirai sûrement autre chose, car je ne désire plus, aujourd’hui, me gratter les couilles devant la télé, mais je compte bien explorer pendant des années ce superbe cadeau que m’a fait la vie : être née femme.
Afficher en entier« Dear Men, just because we don’t need you anymore doesn’t mean we don’t want you.
Love forever, Women’ »
Sarah Silverman, sur Twitter
Afficher en entier« Il s’agit de poser la question : est-ce qu’une production de désir, un rêve, une pratique amoureuse, une utopie concrète finira par conquérir, sur le plan social, la même dignité d’existence qu’une pro‑ duction marchande d’automobiles ou de matières grasses ? »
Félix Guattari, L’Anti-Œdipe
Afficher en entier