Extraits

« Dès qu’il eut seize ans, qu’il s’étoffa et commença à attirer les regards, les choses prirent une drôle de tournure. »

Dans la rue, des filles plus âgées que lui, des femmes d'une vingtaine d'années parfois, se retournaient pour le regarder. Et même certains professeurs disaient en plaisantant : "Darren Flynn pourrait passer pour le petit frère de Brad Pitt."

Mais oui, bien sûr ! Darren rougissait, lançait des regards noirs et retournait sa lèvre inférieure pour avoir l'air le plus laid possible.

Pour cacher ses cheveux d'un étrange or argenté, il portait une casquette cradingue Red Sox, la visière sur la nuque. Un sweat-shirt cradingue aux initiales de son école NFH (North Falls High) violet et crème, usé aux poignets. De vieilles Nike tachées de sel, pointure 45.

Emotif, sa peau se couvrait parfois de boutons à la racine des cheveux. Et en haut du dos, ils brûlaient et grattaient comme de l'urticaire.

Les filles se plaisaient à dire de Darren Flynn qu'il était sexy mais timide. Ou qu'il était timide, mais sexy.

Darren était un vrai mec. Un sportif à cent pour cent. Souriant et détendu avec ses amis, mais avec les filles, une lumière étrange apparaissait sur son visage, comme si son esprit se vidait brusquement.

Darren était dans une autre classe d'anglais, à présent, et content de l'être. Lorsque la conversation déviait sur Tracy, sur la dernière vanne qu'il avait sortie contre un tel, sur la mauvaise note qu'il avait donnée à quelqu'un qui aurait mérité d'en avoir une meilleure, sur une rumeur étrange et peu crédible selon laquelle Tracy fréquentait les bars gay de Burlington, dans le Vermont (?) ou les salles de jeux vidéo du centre commercial de North Falls (?), Darren pensait à autre chose. Parfois, il quittait ses amis, prétextant qu'il avait du travail : pendant le déjeuner, par exemple, à la cafétéria, lorsqu'il y avait beaucoup de monde à leur table, qu'ils riaient bruyamment, attirant l'attention des autres.

Il devait l'admettre, il aimait être envié, ça redonnait de l'énergie quand on n'avait pas le moral. On marchait alors d'un pas un peu plus vif, on tenait la tête un peu plus haut qu'on ne l'aurait probablement fait en étant seul, sans aucun regard posé sur soi.

Darren Flynn a une façon de vous regarder qui vous allume de l'intérieur. Il vous donne l'impression d'être quelqu'un de particulier. (...) Cette façon que Darren Flynn avait de s'introduire dans la tête d'une fille...

"Tu es mon frère. C'est de la foutaise de croire que tu puisses être pédé."

"Plus tard, il se demanderait où il avait la tête. Mais il n'était pas méfiant. Il ne réfléchissait pas beaucoup aux motivations des autres, ayant déjà du mal à comprendre les siennes."

"Le sexe, voilà ce qui occupait son esprit la plupart du temps. Et la nourriture. Ou la nourriture, puis le sexe. Après le sexe et la nourriture, ses pensées dérivaient vers le sport. Rien n'était plus important pour Darren que d'être dans l'équipe de natation du lycée."

Je suis donc calomnié et ne peux pas me défendre. C'est devenu le pire des cauchemars !

Il n'y aura pas d'audience publique. Il n'y aura pas de procès. Je ne supporterai pas cette humiliation devant tout le monde.

Darren, je fais appel à toi. Mais si tu ne veux pas parler en ma faveur, je le comprendrai. C'est peut-être trop te demander.

Que Dieu soit avec toi.

Sincèrement,

Lowell Tracy.