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Jadis, Çeda avait cru que les asirim étaient des monstres impitoyables. Aujourd’hui, elle savait ce qu’ils étaient vraiment. Des esclaves. Des esclaves asservis par un décret divin. Des esclaves soumis à la volonté des Rois. Au cours de la sainte nuit de Beht Zha’ir, ils devaient se rendre à Sharakhaï, tuer ceux que le Roi Sukru avait marqués et rapporter les corps dans les champs en fleur. Les cadavres étaient alors démembrés par les branches des adicharas afin que leur sang abreuve les racines.
Afficher en entierDepuis le sommet de la dune, les arbres formaient une ligne ressemblant à un interminable trait d’encre sur un parchemin déroulé. Ils semblaient parfaitement inoffensifs, mais l’observateur attentif n’était pas dupe. Il remarquait que les branches des adicharas ondulaient et que leurs fleurs ouvertes luisaient de reflets blanc-bleu bien plus intenses que la lumière des deux lunes. On dirait un fleuve charriant des âmes, pensa Çeda. Un fleuve coulant vers les champs lointains.
Afficher en entierAprès avoir longé une crête, elle se pencha pour glisser vers le pied d’une dune. Elle prit de la vitesse et gravit la pente d’en face en poussant vigoureusement avec le pied. Melis et Sümeya la suivirent. Lorsqu’elles atteignirent le sommet de la dune voisine, elles sautèrent sur le sable et retournèrent leurs zilijs pour éviter qu’ils s’éloignent en glissant. — Par le souffle du désert, lâcha Sümeya, j’ai l’impression qu’il y a des années que nous ne sommes pas venues ici. — Comme si la dernière fois, c’était dans une autre vie, approuva Çeda.
Afficher en entierAu-dessus de leurs têtes, Rhia la Dorée et Tulathan l’Argentée ressemblaient à deux pendentifs étincelants dans le ciel constellé d’étoiles. Elles faisaient scintiller la poussière qui montait des dunes comme des nuages de fumée. Les deux lunes étaient pleines. C’était Beht Zha’ir, et c’était en partie pour cette raison que les trois guerrières portaient des tenues de combat malgré la chaleur de la nuit. Celles de Melis et de Sümeya étaient noires et avaient servi à maintes reprises. Celle de Çeda était neuve et avait été teintée avec les riches couleurs bleues typiques des tribus du désert. La jeune fille portait le couteau de sa mère et son shamshir, Fille du Fleuve, à la ceinture. La lame d’ébène l’avait jadis mise mal à l’aise, car elle représentait l’oppression des Rois, mais elle la considérait désormais comme une amie.
Afficher en entierÀ l’est de Sharakhaï, trois femmes filaient à travers l’océan de dunes du Grand Shangazi à la faveur de l’obscurité. Çeda ouvrait le chemin sur son zilij, une planche en bois de glisse qui crissait sur le sable. Comme les patins des vaisseaux des sables, la planche avait été soigneusement enduite de cire spéciale pour améliorer ses qualités naturelles et lui permettre de glisser avec aisance sur les dunes du désert. Melis et Sümeya portaient encore leurs uniformes de Vierges du Sabre. Elles montaient leurs zilijs avec un peu moins d’habileté que Çeda, mais elles la suivaient de près et les trois femmes filaient bon train vers leur destination : les champs en fleur.
Afficher en entierTu ne dirais peut-être pas cela si elle se tenait devant toi. Elle était la dernière, la plus proche du coeur des mortels. Devant elle, l'amour que tu gardes en toi depuis une éternité jaillirait comme une source de printemps, Beşir Adem'ava al Okan. Tu peux en être sûr.
Afficher en entierUn mensonge de plus. Un mensonge qui, pour une raison étrange, semblait encore pire que les précédents. Anila savait très bien qu'elle ne mènerait jamais plus une vie normale. Elle réglerait cette affaire, elle s'assurerait que sa famille était en sécurité, puis elle tuerait ....
Afficher en entierAmile versa un peu d'encre dans le bol. Il ressemblait à un vieux peintre sclérosé qui refuse de céder à la maladie avant d'avoir achevé l'œuvre de sa vie. Il posa le pot sur le côté, plongea l'aiguille dans l'encre et l'appuya sur la peau de Jenise avant de commencer à la tapoter avec le maillet.
Pendant un long moment, personne n'osa parler, puis Sümeya brisa le silence.
- Vous sentez ? demanda-t-elle sans s'adresser à quelqu'un en particulier.
Des larmes coulaient sur les joues de çeda, mais elle était incapable de dire depuis quand. Elle hocha la tête en les essuyant d'un revers de main.
- Oui, souffla-t-elle.
C'était presque imperceptible, mais tout le monde l'avait remarqué. Le lien entre çeda et Amile faiblissait au fur et à mesure qu'un autre se créait entre Amile et Jenise.
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