Extraits

Plus tard, alors qu’elle progressait lentement en direction de la sortie, Anato s’appliqua à modeler la pâte vivante volée au Grand Serpent. Elle en fit des doigts artificiels qu’elle s’empressa de coller sur ses moignons. Elle eut la surprise de constater que les prothèses se soudaient parfaitement à sa chair dont elles différaient seulement par la coloration.

— Les singes roses ? fit Sigrid. Les passe-murailles ?

— Oui, ils sont mauvais. On ne peut pas les attraper. Mais ils ne constituent pas le seul danger de ce royaume. Il y a aussi les samouraïs.

— Les samouraïs ? répéta Takeda, inquiet.

— Oui, martela le capitaine. Ils chevauchent sur la lande, habillés d’armures de guerre. Ils capturent les naufragés et les emmènent dans leurs châteaux. Ils font beaucoup de prisonniers. J’ai la conviction qu’ils sont au service du Grand Serpent. Je n’en sais pas davantage.

À bord du bateau tout le monde mourait de faim, Sigrid plus que les autres, peut-être en raison de son jeune âge. À vingt ans, elle était capable d’engloutir des tonnes de riz et de poisson séché sans prendre une once de graisse. Mais les occasions de faire bombance devenaient rares ces temps derniers.

Elle décida de faire le tour du village, le temps de recouvrer ses esprits. S'attarder sur cette îlot proche de la dislocation lui semblait tout à coup une idée moins brillante qu'elle ne l'avait d'abord cru. Si une forte tempête se levait, l'atoll pouvait s'émietter, chacun se retrouverait alors prisonnier d'une minuscule portion de terre à la dérive. Non, resterici présentait trop de risques. Si les habitants des lieux avaient préféré émigrer, c'est que la structure rocheuse était pourrie au cœur. un nouveau craquement de brindilles la figea. Cette fois, elle tourna la tête aussi vite qu'elle put. Personne. Personne à part une poupée de chiffons.