Sissi

La cinquantaine venue, Elisabeth, Impératrice-Reine, se remémorait en les idéalisant les jours les plus heureux de son enfance et écrivait dans son journal :

Née un dimanche, je suis fille du Soleil;

De ses rayons d'or il me fit un trône,

De son éclat me tressa une couronne,

Sa lumière est ma demeure sans pareille.

Et il es vrai que Sissi, la fille cadette du duc Max, était considérée comme une enfant du bonheur : née le soir du réveillon 1837, elle possédait déjà une dent, ce que les Bavarois appellent "la dent du bonheur" et qui présage d'une destinée hors du commun.

Le duc Max n'appartenant pas à la branche royale de la Maison de Wittelsbach, il n'avait aucune fonction officielle à la Cour de Bavière. Sa famille restait donc à l'abri des contraintes de l'Etiquette et pouvait se consacrer à sa vie privée.

La duchesse Ludovika, bien que soeur du roi Louis Ier, était une femme d'aspect campagnard, sans ambition mondaines. A l'encontre des coutumes aristocratiques de l'époque, elle exigea même d'élever elle-même ses enfants.

Ces huit enfants, tous aussi beaux et farouches les uns que les autres, grandirent dans la plus grande liberté, en hiver au Palais de Max dans la Ludwigstrasse, où Elisabeth avait vu le jour, en été à "Possi", le petit château de Possenhofen, guère élégant mais adoré des enfants. Ils étaient d'excellents randonneurs et grimpeurs, cavaliers et pêcheurs, faisaient de la musique, aimaient les animaux et le paysage idyllique du Lac de Starnberg.

Mais leur refus d'apprendre désespérait leurs précepteurs ainsi que leur dialecte bavarois qu'ils imposaient sans gêne aucune.

Seule Hélène, l'aînée, une gracile beauté brune, montrait un peu de sérieux et d'application. Il était prévu de la fiancer à celui qui représentait le meilleur parti de l'époque, le jeune empereur François-Joseph d'Autriche.

Bien qu'ils aient été cousins, leurs mères respectives étant soeurs, les deux jeunes gens se connaissaient à peine. Le projet de mariage se concrétisa en 1853, quand Hélène atteignit ses 18 ans.

Les fiançailles devaient être annoncées à l'occasion du 23e anniversaire de François-Joseph, en août 1853 à Ischl dans la Salzkammergut où se trouvait la résidence d'été impériale. Pour devancer les rumeurs, la duchesse Ludovika emmena aussi la cadette d'Hélène, la petite "Sissi". Celle-ci, âgée de quinze ans, n'était pas considérée comme une beauté. Mais il fallait songer à la marier elle aussi, et l'Empereur avait trois frères plus jeunes.

La rencontre à Ischl bouleversa tous les projets : François-Joseph, qui s'était toujours montré un fils soumis à sa mère l'archiduchesse Sophie, une femme dominatrice, accorda à peine un regard à Hélène. Il tomba passionnément amoureux de la cadette et décréta qu'il n'en épouserait aucune autre.

Sissi était une enfant confuse, peu sûre d'elle-même, elle était si intimidée par la famille viennoise qu'elle ouvrit à peine la bouche. Hélène pleurait, les mères des jeunes gens étaient complètement désemparées. François-Joseph, quant à lui, fit installer une balançoire dans le jardin pour égayer sa jeune promise effarée.

Cette histoire romanesque n'est vraie qu'en partie : si François-Joseph était amoureux fou de sa petite cousine bavaroise, Elisabeth, elle, n'avait pas le choix.

Comme le disait sa mère : "On n'éconduit pas un Empereur".

Plus tard, repensant à ces journées à Ischl, Elisabeth eut ces mots : "Le mariage est une institution absurde. A quinze ans, encore enfant, on est vendu et on prête serment que l'on ne comprend pas, que l'on regrette pendant trente ans ou plus et que l'on ne peut dissoudre."