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A L.A, ça veut dire que les choses ont changé par rapport à la dernière fois qu'on a eu le droit de circuler la nuit, et à partir de maintenant, quand on évoquera cette période, on parlera de l'impact qu'elle aura eu sur nous, on parlera de ce qu'on a perdu, il aura une rupture dans l'histoire de notre ville. Il y aura désormais un avant et un après, parce que quand tu as vu suffisamment de sales trucs, soit ça te brise une bonne fois pour toutes, soit ça te métamorphose en quelque chose que probablement tu ne peux pas connaître et comprendre immédiatement, mais peut-être seras-tu devenu quelqu'un de nouveau, comme quand une graine est plantée et qu'il faut encore qu'elle pousse.
Afficher en entierLa situation était particulièrement frustrante pour mon équipe et moi, parce que, dans tout Los Angeles, la police et les forces de la garde nationale sont tombées dans des guet-apens et ont essuyé des escarmouches venant d'ennemis américains plus expérimentés dans la lutte façon guérilla urbaine que la plupart des combattants étrangers. Ce n'est pas une approche que vous entendrez exposée en public, mais c'est pourtant la seule qui soit pertinente. De telles situations se produisent parce que cette ville est en réalité balkanisée. Ce qu'il y a, à Los Angeles, c'est un mélange particulièrement toxique de citoyens aux histoires culturelles et aux systèmes de croyances singulièrement disparates, mais ce qu'il y a par-dessus tout c'est une population affiliée à des gangs hautement fragmentés, dont le nombre est évalué à cent deux mille individus.
Afficher en entierLes habitants d'ici savent ce que ça fait réellement. Ils savent à quel la vie peut-être moche.Tous les autres, ceux qui sont installés chez eux, à regarder les événements à la télévision, n'en ont pas la moindre idée. Ceux-là sont choqués par les émeutes. Ils ne peuvent pas comprendre, parce qu'ils ne comprennent pas ce qui arrive aux gens sans argent qui résident dans un quartier où le crime est réellement un choix de carrière viable, quand il n'y a pas d'autres opportunités. Je n'excuse rien, je ne condamne pas, je ne dis pas non plus que ça ne peut pas être évité, je dis juste comment ça se passe.
Afficher en entierMais la voiture continue à rouler à ma hauteur, elle avance au pas, et quand la vitre du conducteur s’abaisse, j’entends un air rapide au piano, style Motown. Par ici, tout le monde connaît la radio KRLA. 1110 AM. Les gens adorent les vieux standards, dans le secteur. C’est l’intro de « Run, Run, Run », des Supremes. Je reconnais le saxo et le piano.
« Hé, toi, me fait le conducteur par-dessus la musique, tu connais ce homeboy*, là, Lil Mosco ? »
À la seconde où j’entends le blaze de mon petit frère dans la bouche de cet inconnu, je commence à rebrousser chemin.
À chaque pas, j’ai l’impression que mon estomac essaye de s’agripper pour s’enfuir de mon corps. Il sait que ça sent la putain de mouise.
J’entends le conducteur qui rit en enclenchant la marche arrière, et il écrase la pédale des gaz. La voiture repasse en trombe à ma hauteur et s’arrête brutalement. À ce moment-là, deux types jaillissent de l’avant, un autre saute du plateau arrière. Trois gars habillés en noir.
Là, grosse montée d’adrénaline. Faut que je sois sur le qui-vive comme jamais. Je sais que si je parviens à me sortir de ce sale plan, faudra que je me rappelle le maximum de détails, alors je tourne la tête et regarde tout en courant, j’essaye de tout mémoriser. C’est une Ford, cette voiture. Bleu foncé. Une Ranchero, je pense. Un des feux arrière s’allume pas. Le gauche.
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"Moi j'appelle ça la Nuit du Diable, comme chaque veille d'Halloween, mais en plein jour. Parce que le monde dans lequel on habite est complètement sens dessus dessous, là. Le haut est en bas. Le bas est en haut. Le mal est le putain de bien. Et les badges ne veulent plus rien dire. Vu qu'aujourd'hui la ville appartient pas aux flics. C'est à nous qu'elle appartient."
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