Extrait

Elle poussa un gros soupir, comme quelqu’un d’accablé, cependant elle ferma son livre et le regarda.

— Je te remercie. Maintenant, je veux que tu te concentres sur tes réponses. D’accord ? Réfléchis bien. Tu peux le faire pour moi ?

— Bien sûr.

— Est-ce qu’Alex t’a kidnappée ? Est-ce qu’il te fait du mal ? Est-ce que tu veux que je t’aide à t’enfuir loin de lui ? Elle ne répondit pas.

— Art ? Elle le fixa. Il se pencha vers elle :

— Tu vas bien ? Elle hocha la tête.

— Je te montre que je réfléchis bien, comme tu me l’as demandé. Quand on réfléchit attentivement, on ne répond pas tout de suite.

— C’est…

— C’est bon, j’ai fini de réfléchir. Non. Alex ne me fait pas de mal. Je n’ai pas besoin de m’enfuir loin de lui. C’est mon Alex. Il n’y a personne d’autre au monde avec qui je veux être.

Nate ne savait pas si elle disait la vérité ou non, ou si c’était une sorte syndrome de Stockholm. Il fallait qu’il insiste :

— T’a-t-il déjà fait du mal ?

Elle lui lança un coup d’œil.

— Pas intentionnellement, répondit-elle. Une fois, il m’a saisi le poignet trop fort, mais c’était seulement parce qu’on courait très vite et qu’il ne savait pas qu’il me serrait trop fort. Mes jambes ne sont pas aussi longues que les siennes.

Un frisson parcourut le dos de Nate.

— Vous courriez pour échapper à quoi ?

— Des hommes.

— Quels hommes ?

— Des hommes avec des armes.

— Comme… la police ?

— Non.

Une idée terrible lui vint à l’esprit.

— Est-ce que vous essayez d’échapper à la mafia ?

Elle éclata de rire.

— Oh, Nate, je t’aime bien ! Je suis heureuse qu’on ait choisi de forcer ton chalet. Tu es tellement bizarre.

— Qu’est-ce qui se passe ici ?

Nate sursauta. Alex se tenait dans le couloir, de l’eau coulait sur son torse nu et il tenait une serviette qui semblait à peine faire le tour de sa taille. Le tatouage était complètement visible à présent : le KA-BAR, l’aigle, le sigle USMC. Un ruban sur lequel étaient gravés les mots : LA MORT PLUTÔT QUE LE DÉSHONNEUR enroulé autour du rapace et de la lame. Les poils noirs sur son torse et son ventre étaient aplatis et humides. La contusion sur son ventre qui, la veille encore, était d’un bleu et d’un mauve vifs, s’estompait à présent, mouchetée de vert.

— Nate était juste en train de me demander si on fuyait la mafia, répondit Art d’un ton enjoué. C’est rigolo, non ?

— À mourir de rire, répliqua Alex en fixant Nate.

Nate n’allait pas se laisser intimider. Pas par une petite fille. Ni par un homme tout mouillé et presque nu.

— Donc, poursuivit-il, vous n’êtes pas poursuivis par la mafia, alors. Mais, Art a bien dit que vous aviez été poursuivis par des hommes armés.

— Vraiment ?

— C’est tout à fait vrai, confirma Art en passant à la page suivante de son livre. Oh, Ned Bannon, elle est trop bien pour toi ! Ton cœur déborde de vengeance. Hé, Alex, tu savais que Nate a vu Star Wars ?

— C’est vrai ? répondit Alex d’un ton qui, pour Nate, signifiait quelque chose du style : je suis la Mort, le Destructeur des mondes et tu es ma cible.

— Oui. Il m’a aussi demandé si tu m’avais kidnappée.

— Traîtresse, marmonna Nate.

— Et qu’est-ce que tu as répondu ?

Elle le regarda.

— Tu gouttes sur le sol. Pourquoi tu ne portes pas de vêtements ? Tu essaies de frimer ? demanda Art en regardant Alex et Nate à tour de rôle. Je crois que ça marche.

Nate détourna le regard, le visage en feu.

— Art, tais-toi, gronda Alex. Quant à toi …

Nate déglutit difficilement.

— Écoute…

Alex laissa échapper un grognement menaçant avant de tourner les talons et traverser le couloir d’un pas lourd. L’instant d’après résonnait le fracas d’une porte que l’on claque. Art regarda Nate les yeux écarquillés.

— Tu vas avoir de gros problèmes, murmura-t-elle.

Il n’appréciait pas le sourire qu’elle affichait.