Extraits

Les journées se succèdent et sont rythmées par les variations de la mer. Parfois agitée, nerveuse, envoyant des gerbes d’écume, parfois d’un calme olympien. Tous dorment à même le pont, enroulés dans des couvertures. Le capitaine donne des leçons de navigation à Telesme, afin qu’il puisse le remplacer durant ses plages de sommeil. Le Lunaire avait déjà quelques expériences maritimes, mais il est particulièrement stressé lorsqu’il s’agit de prendre la barre. Nel s’est murée dans un silence blessé et se contente de répondre à Syon par monosyllabes. Le jeune homme sait très bien pourquoi : en embrassant Isil sous ses yeux, il a comme écrasé le moment d’intimité qu’ils ont partagé à Luminelle. Il ne sait quoi dire pour se faire pardonner. Depuis le jour où Isil a été retrouvée sur Enfenia, il n’y a qu’une seule femme dans son esprit et dans son cœur. Aujourd’hui encore, il a du mal à comprendre pourquoi il a éprouvé le besoin de se rapprocher de Nel. Peut-être parce qu’ils étaient alors prisonniers, dans une situation sans issue ? Ou bien parce que ce genre de relation conflictuelle cache toujours une part de fascination ? L’héritière ne l’a pourtant jamais attiré. Trop grande et charpentée à son goût, trop raisonnable, trop peureuse. La vérité, songe-t-il, c’est qu’il ne peut s’empêcher d’agir avant de réfléchir. C’est ce que lui a enseigné la chasse : ne pas hésiter, saisir toute occasion avant qu’elle ne s’envole. Est-ce son métier qui a forgé sa personnalité, ou bien s’est-il tourné vers cette profession car elle correspondait à son impulsivité ?

Futur. Isil vient du futur.

Nel observe la jeune femme comme si elle la voyait pour la première fois. Tout lui paraît familier et différent chez elle. Son visage fin marqué par l’épuisement, l’étincelle qui pétille dans son regard bleu. En retrouvant ses souvenirs, Isil a perdu sa fragilité. Une aura de puissance émane de son corps frêle. Ly, le lézard volant, reste perché sur son épaule, comme attiré par cette énergie. Seul le murmure de la cascade dans un bassin au fond de la salle vient rompre le silence. Au milieu des étagères ployant sous les livres et les flacons, les autres restent paralysés par ces révélations.

Dans le tome précédent de Souvenirs perdus…

Nel et Syon découvrent qu’Enfenia n’est pas coupée du monde extérieur comme on le leur a fait croire : Azorn Originelle communique régulièrement avec le dirigeant d’Hermetis, et le Léviathan, que tous les Enfenians craignent, n’est plus agressif depuis dix-neuf ans.

Les deux jeunes gens doivent maintenant traverser le continent d’Hermetis pour retrouver Isil, que La Lueur a fait venir jusqu’à lui pour s’assurer de son silence. Arrivés dans la capitale, Luminelle, ils assistent impuissants à la cérémonie du Lien entre Isil et le dirigeant adulé. Mais ils convainquent leur amie de s’enfuir, juste au moment où Syon apprend que La Lueur est en réalité son père, Lian, disparu en mer il y a des années.

Le Manieur de Rêves apporte à Isil les réponses tant attendues sur ses origines : la jeune femme vient du futur, tout comme Lian, et c’est le Léviathan qui a engendré ce phénomène temporel. L’enjeu est de taille : La Lueur a rapporté du futur une technologie déjà développée, celle des mirières, s’en attribuant les mérites. Désormais, Isil a toutes les cartes en main pour renverser cet imposteur.