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"- Avoue tout de même que tu as une vie terriblement protégée, Hélène.
Hélène leva les yeux vers son amie, silencieuse. Armelle continua de sa voix perçante, presque agaçante.
- Il ne t’est jamais arrivé quelque chose de grave. Ton mari t’aime encore, ce qui est un miracle de nos jours, tes enfants ont réussi, il y a des petits-enfants, pas de problème d’argent, de santé, vous vivez bien. Tu n’a jamais travaillé, tu n’en as jamais eu besoin, tu ne sais pas ce que c’est la vie d’entreprise. Vous habitez un hôtel particulier, cité des Fleurs, vous avez une villa à Honfleur, enfin tu vois ce que je veux dire, tu ne peux pas te plaindre, Hélène, tu n’as pas le droit de te plaindre. Tout va bien dans ta vie. N’est-ce pas ?
Hélène termina son chocolat lentement. Elle étudia le visage sans relief de son amie, sa blondeur fade, ses bijoux de bourgeoise, son sac de marque.
- Tout va bien dans ma vie, répéta-t-elle, à voix basse.
- Mais oui, entonna Armelle, ses lèvres tachées de cacao aux commissures.
Hélène plaça une main sur le poignet replet de son amie. Puis elle se pencha vers son amie, avec un sourire étrange. Armelle trouva que les prunelles d’Hélène étaient presque jaunes, alors qu’elle les avait toujours crues marron. Le visage d’Hélène était tout près du sien et elle en ressentit un inconfort soudain. Elle avait envie de reculer mais Hélène avançait encore.
- Mais qu’est-ce que tu en sais ? dit Hélène doucement, sans ciller. Qu’est-ce que tu sais de ma vie ?
Pour la première fois, Armelle eut peur d’Hélène. Sans qu’elle puisse expliquer pourquoi".
Afficher en entier"C'est ainsi que les morts se vengent. Elle le sait, maintenant. Pendant la journée, elle tient, elle est bridée d'acier. Mais la nuit, les morts entrent par effraction dans son sommeil. Le Serbe et sa langue noire, ses yeux révulsés, qui commence toujours par la pénétrer d'un sexe rigide dont elle se souvient encore, qui s'acharne sur elle tandis qu'Henri dort à ses côtés, qui pétrit ses seins, ses hanches de ses mains de cadavre, et qu'elle subit avec effroi et plaisir mêlés".
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J'étais enveloppée comme dans un sarcophage de glace. Le froid s'était niché sous ma cage thoracique, mon cuir chevelu, la plante de mes pieds, mes ongles, dans ma moelle épinière. Il m'avait investie. Il pesait sur moi, il me suffoquait, il me soumettait à lui. l'appartement m'a semblé aussi humide, aussi profond qu'une cave noire et gelée qui ne voit jamais la lumière
Afficher en entierLa vie s'étirait lentement, comme une coulée de mélasse qui s'échappe avec mollesse d'un pot renversé.
Afficher en entier"Le mal se fait sans effort,naturellement,par fatalité; le bien est toujours le produit d'un art." Charles Baudelaire.Curiosités esthétiques.
EXTRAIT 1: -Il faut profiter de chaque instant,dit Henri.Tout passe si vite.On cligne des yeux,et c'est déjà demain.
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EXTRAIT 2: Elle n'avait plus la même notion du temps.Les heures étaient devenues interminables.Une attente après une autre.Désormais,elle attendait.Elle attendait la fin.La police.La révélation.La vérité.Elle attendait.
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Afficher en entier"Quelque chose en elle s'était fortifié. Elle ne s'était pas effondrée. Elle avait fait face. Elle avait incorporé la nouveauté comme un organisme avale un corps étranger et le fait sien. En elle, désormais, vivait une entité à part, une bride d'acier qui la faisait tenir".
Afficher en entier"Il y avait un décalage flagrant entre l'harmonie apparente de sa personne et l'angoisse qui la rongeait".
Afficher en entier"Comment allait-elle vivre avec ces deux morts ? Ils étaient encombrants. Ils prenaient de la place. Ils prenaient leurs aises. Qu'allait-elle faire d'eux ? "
Afficher en entierChaque lieu avait désormais une histoire, son histoire, ses drames, ses peines. J'avais peur, une peur bleue, peur du bagage émotionnel d'un lieu de vie. Il me semblait que j'étais devenue une sorte d'éponge, de buvard, une antenne qui captait de façon surnaturelle tout ce qui s'était passé dans une maison. En pénétrant dans un appartement inconnu, j'ai constaté une chose étonnante : j'étais sensible aux odeurs, et ce que mon odorat débusquait en franchissant un pallier étranger reflétait aussi, à sa façon, un pan du passé. Des relents sucrés, lourds, fanés, faisaient surgir des histoires d'alcôve flétries, répugnantes, usées par les années; des effluves poussiéreux, faussement propres ; mêlés à des substances de cire liquide pour parquets, de nettoyant javellisé pour cuisines, ressuscitaient des intimités dont je ne voulais rien savoir : des cohortes de ménagères acariâtres, des conflits familiaux le matin au petit déjeuner, des maris grognons et nonchalants, comme le mien l'avait été, et une armada d'adolescents bruyants aux doigts gras qui maculaient les murs des couloirs.Il y avait aussi des odeurs qui me prenaient à la gorge, des exhalaisons de renfermé, de vie figée, de mouvements pétrifiés, et c'était ces odeurs là, ces odeurs étouffantes que j'avais appris à craindre, car je me doutais qu'elles avaient un lien avec un drame, un crime, un meurtre. "
Afficher en entier"Il n'a pas bougé. Il est toujours étendu à même le carrelage, les bras en croix, les jambes raides. Pas de bruit. Juste un robinet qui goutte. Le ronronnement du Frigidaire. Sa respiration à elle. Elle le regarde, elle ne fait que cela, le regarder.
Puis elle détache enfin les yeux du polo rouge, de la parka noire, et elle regarde la cuisine, comme si c'était la première fois qu'elle la voyait. Large. Moderne. Pratique. Ordonnée. Une grande table en chêne, lisse, lustrée, malgré les années et le passage turbulent d'enfants et de petits enfants. Elle revoit encore les siens, à cette même table. Leur adolescence lointaine et les petits matins difficiles, muets, paupières gonflées, lèvres boudeuses. Son fils, grognon. Sa fille, avachie. Elle revoit tout cela. Elle ne sait pas pourquoi elle y pense. Elle a l'impression d'un pan de sa vie tout entier qui vient de se terminer. Quelque chose d'irrémédiable. De fini. D'envolé."
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