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1

Elle savait bien qu'elle devait mourir un jour, naturellement. Toutefois, elle ne se doutait pas que la mort se présenterait si tôt, et dans des circonstances aussi désagréables. Encore moins qu'elle lui serait infligée par ses propres compatriotes.

Elle s'écroula contre le mur de pierre. Comme souvent dans les prisons, celui-ci était affreusement dur et solide.

— Je n'ai pas les plans. Je ne les ai jamais eus.

— Ma patience a des limites. Où sont-ils ?

— Je ne les...

Une main surgit de l'obscurité et s'abattit violemment sur elle, lui faisant perdre connaissance un bref instant. Puis, presque aussitôt, elle reprit conscience et se retrouva dans les ténèbres, avec Leblanc.

Ce dernier lui toucha la joue à l'endroit où il l'avait frappée et la fit pivoter vers lui avec des gestes délicats. Il avait l'habitude de torturer les femmes, et un vrai talent pour cela.

— Continuons. Cette fois, tu vas m'aider.

— Je vous en prie. J'essaie...

— Tu vas me dire où tu as caché les plans, Annique.

— Ces plans d'Albion n'existent pas. C'est un rêve, une chimère. Je ne les ai jamais vus.

En dépit de ses dénégations, elle voyait clairement les plans dans son esprit. Elle les avait tenus entre ses mains, avec leurs pages cornées, les cartes couvertes de taches et de traces de doigts, l'écriture nette et précise de la liste. Il ne faut pas que j'y pense, sinon cela se verra sur mon visage.

— Vauban t'a donné les plans, à Bruges. Que t'a-t-il demandé d'en faire?

Il m'a dit de les emporter en Angleterre.

— Pourquoi m'aurait-il donné ces plans ?

L'homme lui serra la gorge, et une douleur fulgurante lui coupa le souffle. Les doigts crispés sur le mur, elle tint bon.

Leblanc finit par la relâcher.

— Reprenons depuis le début, à Bruges. Tu y étais? Avoue.

— Oui, j'y étais. J'ai fait mon rapport à Vauban. J'étais chargée d'observer les Anglais, rien de plus. Je vous l'ai déjà dit et redit.

Les doigts de Leblanc lui saisirent le menton et serrèrent, lui infligeant une nouvelle douleur.

— Vauban a quitté Bruges les mains vides. Il est retourné à Paris sans les plans. Il te les a remis, n'est- ce pas ? Il a confiance en toi.

Elle fit le vide dans son esprit. Elle ne voulait pas se souvenir. Sa voix était rauque, enrouée quand elle reprit :

— Ces documents n'ont jamais été en notre possession. Jamais.

Elle voulut déglutir, mais sa gorge était desséchée.

— Vous tenez ma vie entre vos mains, monsieur. Si j'avais les plans, je les déposerais à vos pieds pour avoir la vie sauve.

Leblanc jura à mi-voix, la maudissant et maudissant Vauban, qui, lui, était loin et à l'abri.

— Nous savons que ce n'est pas le vieux qui les a cachés, nous l'avons tenu à l'œil. Que sont devenus ces papiers ?

— Cherchez parmi vos associés. À moins que les .Anglais ne les aient volés. Je ne les ai jamais vus, je le jure.

Leblanc lui fit lever le menton.

— Tu le jures ? Renardeau, je t'ai vue mentir plus d'une fois avec ce visage d'ange depuis que tu es enfant. Ne ruse pas avec moi.

— Je n'oserais pas. Je vous ai toujours servi avec loyauté. Vous croyez que je suis assez folle pour ne pas avoir peur de vous ?

Elle laissa des larmes embuer ses yeux. C'était un talent utile de savoir pleurer sur commande, et elle ne se privait pas d'y recourir.

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