Extraits

- Je soudoie ton chien avec de la nourriture, et il me laisse entrer dans ta chambre. Ce n’est pas un bon chien de garde.

- Il est presque totalement inutile, confirma Hawker. Que se passe-t-il ?

- Je n’arrivais plus à dormir.

- Donc, tu es venue occuper ton insomnie avec moi. Je suis flatté.

- Je n’ai jamais désiré personne d’autre.

- Mais il n’y a pas que du désir, n’est-ce pas ? Depuis le début, il y a autre chose. Tout le reste. Toi et moi, nous sommes faits l’un pour l’autre. Épouse-moi.

Trop d’années nous séparent, songea-t-elle. Des années sombres pendant lesquelles j’ai fait des choix difficiles qu’il me faut assumer aujourd’hui.

- Je ne suis plus celle que j’étais à vingt ans.

- Je ne suis pas le même non plus. Et il n’y a jamais eu personne d’autre, ni de ton côté, ni du mien. Cela ne changera pas.

- Tu ne me connais pas.

- Je te connais sur le bout du doigt. Tout ce temps, en Italie et en Autriche, partout, nous savions toujours ce que l’autre allait faire. Nous étions si proches, nous aurions pu être assis comme maintenant.

Sa nuque, ses épaules nues, son dos sous la soie… Il laissa courir sa main sur elle.

- Je te connais par coeur.

- Je ne vois aucune raison de …

Un doigt posé sur ses lèvres l’arrêta.

- Je t’aime, bon sang, murmura-t-il.

- Je ne suis pas facile à vivre.

- Je suis impossible à vivre.

Trouver les mots pour exprimer ce qu’elle voulait dire était si difficile. Les avait-elle seulement en elle? Et puis, sans qu’elle sache comment, elle trouva.

- Il n’y a jamais eu que toi.

- Épouse-moi.

- D’accord.

Ce n’était pas suffisant. Sombre, déterminé, il insista:

- Pourquoi ? Pourquoi allons-nous nous marier, Chouette ?

Elle prononça alors les mots qu’il avait besoin d’entendre.

- Je t’aime.

Il se demanda si rester auprès d’elle signifierait coucher avec elle. Il était encore trop tôt, sans doute. Probablement. Pour l’heure, il jouait la carte du vieil ami. Une façon comme une autre de l’approcher en douceur. Il allait poser le bras sur le dossier et attendrait qu’à la faveur d’un soubresaut de la voiture sur les pavés celui-ci retombe par mégarde sur les épaules de Justine.

Entre vieux amis, on pouvait se prendre par l’épaule, non ?

Et puis, si Sévie restait auprès de sa soeur, elle ne le laisserait pas se glisser dans le lit de Justine. Parti comme c’était, il dormirait devant sa porte, sur le tapis. Comme Muffin.

Quelle comparaison humiliante ! En même temps, Muffin avait passé presque tout le déjeuner la tête posée sur les genoux de Chouette, ce qui n’était pas si mal.

Il déboutonna lentement son gilet, sans la quitter des yeux.

- Pourquoi fait-on cela, déjà ? Rappelle-moi

Parce que tu souffres tellement que j’en ai le coeur brisé, songea-t-elle. Toi qui ne laisse jamais le monde t’affecter. Toi, tellement retranché derrière ton mur de sarcasme et d’intelligence. Parce que tu es mon ami. Je pourrais me détourner d’un simple amant, mais pas de toi.

- C’est la dernière fois, le prévint-elle.

- C’est toujours la dernière fois, avec toi. Nous menons des vies dangereuses.