Star Wars - le Nouvel Ordre Jedi, tome 15 : L'Hérétique de la Force - 1 : Les vestiges de l'Empire

Dès que Saba Sebatyne sortit de l’hyperespace, elle comprit que Barab I brûlait. Au lieu de la surface grisâtre habituelle de la planète, chichement éclairée par son soleil, une naine rouge agonisante, ses yeux sensibles aux infrarouges captèrent un brasier écarlate. Des colonnes de fumée montaient très haut dans l’atmosphère et le sol bouillonnait sous les effets destructeurs d’une attaque récente.

Désireuse de vaincre l’angoisse qui montait en elle et de nier ce qu’elle voyait – Saba fit piquer son aile X pour aller y regarder de plus près.

Impossible, se dit-elle. Il y a sûrement des survivants.

Mais ses écrans restaient vides : aucun vaisseau en orbite, pas de transmission, nul signe de vie.

— Ici Saba Sebatyne, annonça-t-elle dans son unité com. Répondez, s’il vous plaît.

Rien…

Saba secoua sa tête plate à la peau parcheminée. Une vaine tentative de chasser cette vision et tout ce qu’elle signifiait… Tant de mondes avaient succombé aux Yuuzhan Vong depuis l’invasion – mais pas Barab I !

Bien sûr, elle avait toujours su que c’était possible. Mais sans jamais croire que sa planète natale pourrait réellement tomber.

Saba fit une nouvelle tentative de communication – sans espérer obtenir de réponse – parce qu’il semblait n’y avoir rien d’autre à tenter.

— Reswa ?

Sa voix se brisa quand elle pensa à sa sœur de couvée, qui avait dû périr dans les flammes.

Sur le point de subir l’épreuve rituelle marquant la fin de l’adolescence – une terrible chasse au shenbit broyeur d’os – elle avait demandé à Saba d’être sa marraine. Cette requête était un honneur. Refuser d’y répondre constituait une insulte majeure, surtout quand il s’agissait d’un membre de la famille.

Famille… Ce mot n’avait plus de sens, désormais.

Sa famille, ses amis… Tous disparus…

Car personne ne pouvait avoir survécu aux incendies qui ravageaient la planète.

Vu de près, c’était encore plus horrible. Du spatioport d’Alater-ka, il ne restait qu’un cratère fumant. Les réserves des shenbits transformées en lacs de lave bouillante, le mémorial Shaka-ka glissait inexorablement vers l’océan en ébullition…

— Celle-ci aurait dû être là, souffla Saba, employant d’instinct une tournure de phrase typique de sa culture.

Une pensée absurde, elle le savait. Sa présence n’aurait rien changé à…

Soudain, elle les vit.

Un petit vol de coraux skippers – quatre en tout – venait d’émerger d’une orbite basse, hors de la portée des détecteurs de l’aile X. Ils escortaient un navire qui ne ressemblait à rien que la Barabel eût jamais vu : une énorme masse ovoïde qui s’arrachait difficilement à l’attraction de la planète. Ce « vaisseau », aux yeux de Saba, ressemblait à un ballon boursouflé sur le point d’exploser.

Ces cinq bâtiments étaient les derniers membres de la flotte ennemie présents dans le système. Une arrière-garde, sûrement…

Un détail sans importance. Face à une centaine d’analogues croiseurs yuuzhan vong, la réaction de Saba aurait été la même…

Son chagrin devint soudain une colère froide très satisfaisante – parce qu’elle effaçait la douleur.

L’aile X vira brusquement pour intercepter les coraux skippers. Convaincus d’avoir écrasé toute résistance, les Vong la remarquèrent au dernier moment.

Trois d’entre eux brisèrent aussitôt la formation.

Hurlant de rage, Saba arrosa de rayons laser le skip qui continua à voler près du vaisseau ovoïde. En principe, une attaque aussi rudimentaire n’aurait dû avoir aucun effet, sinon attirer l’attention sur la Barabel.

Voir exploser le corail skipper la surprit… et lui remit les idées en place. A coup sûr, le basal dovin du Vong avait été endommagé au cours de la bataille. Sinon, il aurait absorbé la charge…

Un succès aussi facile et rapide avait quelque chose de déroutant. Saba ne s’était pas attendue à vaincre. Elle voulait simplement combattre et mourir, car son peuple n’était plus. Et elle ne voyait aucune raison de lui survivre.

La destruction d’un ennemi réveilla ses instincts de guerrière. Deux coraux skippers l’attaquaient par la poupe. Mais elle ne voulait plus mourir et ses réflexes lui permirent d’éviter le sort de ses congénères.

Saba esquiva d’un plongeon suivi d’un virage serré. Hélas, une partie du plasma fit mouche et affaiblit ses boucliers.

La Barabel n’eut pas le temps de vérifier si le skip la poursuivait toujours, car son unité R2 bipa un avertissement. « Adversaire à bâbord ! »

Après une manœuvre acrobatique, le plasma du Vong manqua l’aile X de quelques millimètres…

Saba ne put pas remercier le droïd de sa vigilance, car les deux premiers skips revenaient à l’attaque.

Il lui serait impossible de tenir longtemps à un contre trois. N’ayant nulle part où fuir, elle ne pouvait pourtant pas adopter une autre tactique.

Saba approcha du grand navire vong dont les basals dovin essayaient de détruire ses boucliers – avec moins d’efficacité que d’habitude. Sans doute parce qu’ils se concentraient sur une autre mission…

Un flanc protégé par le ventre du vaisseau ovoïde, la Barabel put s’occuper du skip isolé depuis l’explosion de son ailier.

Saba visa le basal dovin adverse. Dès que le voyant du verrouillage de cible clignota, elle lâcha une torpille. Grâce à sa longue expérience, elle savait reconnaître un bon tir à la seconde même où son doigt appuyait sur la détente.

L’ennemi était battu. La torpille fit mouche, neutralisant les défenses du skip, que la Barabel put achever d’une simple salve de laser.

L’explosion du vaisseau-roche lui arracha un cri de joie sauvage. Mais un coup d’œil sur la planète en feu lui rappela que l’heure n’était pas au triomphe.

Un nouvel avertissement du droïd la ramena aux exigences du combat. Sans prendre le temps de se demander d’où venait l’attaque, elle plaça de nouveau son appareil à proximité du grand vaisseau. Sa surface, pourtant semblable à l’extérieur rugueux des coraux skippers, ondulait étrangement, tel un sac plein d’eau. Des tentacules jaillirent de la poupe, comme s’ils voulaient s’emparer de l’aile X.

— C’est quoi, cette nouvelle saloperie ? marmonna Saba.

Le pépiement frustré de son R2 lui apprit qu’il ne disposait pas de données suffisantes pour lui répondre.

La Barabel resta près du navire ovoïde et manœuvra pour éviter les tentacules. Dès qu’un skip approchait, il lui suffisait de se cacher sous le ventre du gros bâtiment… et le plasma s’éparpillait dans l’espace sans lui faire de mal.

Les coraux skippers ne tiraient pas quand elle se plaçait entre eux et le vaisseau qu’ils escortaient.

Pourquoi tant de précautions ? A part le petit vol de skips, le navire n’avait pas de défense, ses uniques armes semblant être les tentacules qui essayaient d’attraper l’aile X. Et s’il avait d’autres atouts, pourquoi les Vong ne s’en servaient-ils pas ?

Saba n’aurait pas le temps de résoudre ces énigmes. Bientôt, la flotte vong enverrait des renforts, et les choses tourneraient très mal pour elle.

Elle continua à éviter les tentacules tout en canardant un des coraux skippers. Le basal dovin absorba les coups sans difficulté, mais le pilote dut s’écarter de la trajectoire de l’aile X.

Sans prendre le temps de viser le point faible de l’ennemi, Saba lâcha une torpille qui explosa trop tôt pour endommager le Vong.

La Barabel jura entre ses crocs : un coup pour rien !

Résolue à poursuivre son adversaire, elle changea de cap. Le skip tira avec ses canons latéraux. Sous l’impact, les bouchers avant de l’aile X perdirent encore de la puissance.

Saba ne lâcha pas le skip. Se dissimulant sous le ventre du grand navire, elle garda le basal dovin dans son réticule de visée. Ça y était presque…

A cet instant, le deuxième Vong survivant dépassa la crête du bâtiment ovoïde. Pour échapper à ses tirs, Saba dut virer de bord. Ses boucliers avant absorbèrent les impacts… et faiblirent encore un peu.

Un tentacule ondulait dans l’espace pour atteindre l’aile X. D’instinct, Saba piqua. Incapable de redresser sa trajectoire, son poursuivant percuta l’appendice géant, qui l’éventra de la proue à la poupe.

Le skip partit en vrille.

Saba lui colla aux basques et le désintégra.

Mais elle n’eut pas le temps de fêter sa victoire…

Pourtant, quand le dernier Vong attaqua, elle l’évita facilement. Contre un seul ennemi, pensa-t-elle avec la confiance qui lui avait fait défaut jusque-là, sa côte remontait fichtrement ! Pour s’en sortir, il lui suffirait de rester concentrée et de ne pas se laisser avoir par les tentacules.

Le skip l’attirait peu à peu loin du grand bâtiment. Mais elle s’en fichait, car elle n’avait plus besoin de sa protection !

Elle poursuivit patiemment le Vong, en quête de la bonne occasion.

Perdant son sang-froid, le skip vira de bord et ouvrit le feu.

Selon l’unité R2, les boucliers de Saba étaient morts. Mais ça ne comptait plus…

Une salve de rayons laser centrée sur le basal dovin et suivie d’une torpille neutralisa les défenses du skip.

Un dernier tir, sur la poupe, le pulvérisa !

Saba éclata de rire pour saluer sa victoire.

Un rire sans joie, plein d’amertume et de chagrin… Que valaient quatre Vong détruits alors que sa planète brûlait ?

La Barabel changea de cap pour attaquer le navire géant – une cible impossible à rater.

Sans utiliser l’ordinateur de visée, Saba tira à vue ses trois dernières torpilles.

Les projectiles s’enfoncèrent dans le flanc du bâtiment et explosèrent aussitôt. Alors que la coque se déchirait, les tentacules se raidirent, comme sous l’effet de la douleur.

— Pour Barab…, souffla Saba. Et pour son peuple.

Devant elle, le vaisseau se fissura et se craquela mais n’explosa pas. Etrangement, il éclata comme un fruit mûr resté trop longtemps au soleil.

Une gelée translucide en jaillit, suivie par une multitude d’étoiles à six branches.

Des étoiles ?

Comment était-ce possible ? Des milliers d’étoiles tourbillonnaient dans le vide de l’espace. Il ne pouvait pas s’agir d’armes, sinon, les Vong y auraient recouru plus tôt. Et aucun butin susceptible d’être pris sur Barab I ne pouvait avoir cette forme.

La Barabel approcha prudemment. Son unité R2 sélectionna une étoile et l’afficha sur l’écran.

Saba eut un haut-le-cœur quand elle identifia enfin les « branches » des étoiles : deux bras, deux jambes, une tête, une queue.

Aucun butin…

Cette pensée résonna dans son esprit quand elle mesura l’horreur de la situation. Les Yuuzhan Vong n’attachaient aucune valeur à la technologie des mondes qu’ils détruisaient. Mais ils faisaient des prisonniers – qu’ils devaient transporter.