Star Wars : Gardiens des Whills

Chirrut Îmwe ! commença Silvanie Phest. Nous avons besoin de l’assistance d’un Gardien.

Chirrut Îmwe baissa le menton vers la poitrine et sourit, mais ne répondit rien. La voix de Silvanie Phest le réconfortait, elle lui rappelait des jours meilleurs et l’entendre lui faisait toujours plaisir. Silvanie était une Anomide. Ils n’étaient pas nombreux – à peine une poignée d’individus qu’elle avait guidés jusqu’à Jedha depuis leur planète natale, Yablari. Les Anomides n’avaient pas de cordes vocales et communiquaient entre eux à travers une combinaison subtile et sophistiquée de mouvements de mains et de langage corporel. Même si Chirrut n’était pas aveugle, il était incapable de suivre une de leurs conversations. Pour s’exprimer avec les autres espèces, Silvanie employait un vocodeur. L’appareil donnait à sa voix un timbre délicat et chantant. Même dans le vacarme de NiJedha, Chirrut trouvait ses mots apaisants. À une époque, cette voix modulée s’élevait chaque fois que Silvanie effectuait ses rituels et ce son était si mélodieux que tous les Gardiens du Temple du Kyber s’arrêtaient pour l’écouter entonner ses prières.

Puis l’Empire avait débarqué sur Jedha. Les Impériaux avaient vidé le Temple de ses objets, de son histoire. Ils avaient barricadé les portes et posté des stormtroopers autour de l’édifice, interdisant l’entrée, sans pour autant rendre la dévotion illégale. Les Disciples des Whills, qui fréquentaient si assidûment le Temple depuis longtemps, avaient été chassés et les Gardiens qui veillaient sur eux avec assiduité avaient également été éconduits. Aujourd’hui, d’après ce que Chirrut savait, le Temple du Kyber à NiJedha – au cœur de la Ville sainte – n’était plus gardé que par une poignée de Disciples, dont faisait partie Silvanie Phest, et deux Gardiens des Whills qui n’avaient plus grand-chose à protéger, mais étaient trop têtus pour quitter ce lieu.

Ou si on préférait la version de Baze Malbus : un Gardien aveugle et son ami d’une patience à toute épreuve.

En tout cas, Silvanie Phest ne chantait plus et Chirrut Îmwe le regrettait.

Chirrut inclina légèrement la tête pour mieux entendre et pour indiquer à Silvanie qu’il écoutait. Il fit tourner son bol d’aumône dans ses mains, sentit les pièces rouler dans le fond et écouta le tintement des différentes monnaies qui s’entrechoquaient : des crédits impériaux, des nœuds de l’Ancienne Jedha et d’autres sans doute, venus d’on ne sait où. Il récoltait rarement beaucoup, mais cela ne le dérangeait pas.

Recevoir la charité n’était pas un objectif en soi, c’était un des à-côtés de sa fonction. Et une excellente excuse pour passer inaperçu auprès des stormtroopers. La plupart du temps, il restait assis pour écouter, pour apprendre et pour tenter – comme il le faisait depuis très longtemps – de sentir la Force se mouvoir autour de lui.

— Au Temple du Kyber, précisa Silvanie. Le long des Vieilles Ombres. Il y a un homme qui refuse de partir et il effraie les dévots.

— La Force est tout. La Force accepte tout.

— Cet homme ne vient pas pour prier, Chirrut Îmwe.

La voix de Silvanie baissa d’un demi-ton et teinta ses mots d’inquiétude et de tristesse.

— Il nous fait courir un risque. Nous craignons qu’il ne déclenche des violences, qu’il n’alarme les stormtroopers. Les pèlerins sont encore nombreux et ceux qui restent près du Temple veulent les aider au mieux. Ce nouveau venu est une menace.

— Qui est cet homme ?

— Il prétend être un Jedi.

Chirrut redressa le menton. Derrière son épaule gauche, il sentit Baze Malbus, qui somnolait dans la chaleur du soleil, se mettre debout.

— Non, décréta Baze.

Ce mot représentait à merveille ce qu’était devenu Baze Malbus : ce non était aussi direct et dur que lui. Non était le mot qui semblait le définir ces derniers temps, surtout depuis l’occupation impériale. Par ce refus, Baze Malbus exprimait beaucoup de choses. Non, il n’accepterait pas ce qu’on voulait lui imposer, que ce soient les lois impériales, la présence d’un Jedi dans la Ville sainte ou la souffrance causée par l’Empire dans leur entourage. Non – à la grande tristesse de Chirrut –, il n’accepterait pas non plus d’avoir foi dans la Force.

— Il affirme que la Force est avec lui, insista Silvanie.

Chirrut perçut le changement de sa voix et devina qu’elle tournait la tête pour regarder les deux Gardiens des Whills.

— Je vous en prie. Vous êtes nos Gardiens.

— Votre Gardien, corrigea Baze. Il n’y en a qu’un. C’est lui.

Le sourire de Chirrut s’élargit quand il sentit que Baze pointait un pouce dans sa direction. Silvanie poursuivit.

— Nous avons si peu à offrir aux pèlerins ; cet homme met notre travail en péril. Si les stormtroopers entendent parler de ce que cet inconnu raconte, s’ils viennent vérifier, ils s’en serviront comme excuse pour nous accuser.

Chirrut se leva d’un coup, renversa les pièces dans sa paume et glissa le bol dans les plis de ses robes. Il tendit le bras et déposa l’argent dans la main à six doigts de Silvanie.

— Pour de la nourriture et de l’eau.

Il empoigna son bâton.

— Nous viendrons.

— Pas moi, mentit Baze.

Chirrut sourit de toutes ses dents.