Extraits

«Non, », dis-je au téléphone. « Ce salaud a vraiment dit non. »

Je suis dans la chambre d’amis devenue mon foyer provisoire. J’ai mis mes écouteurs, et je suis étalée sur le lit, caressant distraitement Lady Meow Meow tout en contemplant à travers la porte-fenêtre la plage immaculée sur laquelle j’ai été si affreusement éconduite. « Écoute, tu arrives à le croire ? Il m’a carrément larguée. »

Je presse mon autre main contre sa cuisse et dans une lente caresse, plus haut, plus haut, toujours plus haut, j’effleure la dure longueur de son érection. Mes cuisses tressautent, et mon sexe se contracte sous l’emprise du désir. Chaque centimètre de mon corps est à vif, comme si j’étais parcourue par un fil électrique, lançant des crépitements et des étincelles.

Peut-être qu’il s’agit du mirage du Plan. D’une culpabilité résiduelle. D’une justification préventive. Peut-être que mon subconscient me dit que s’il vient vers moi, alors un bon coup californien ne pose pas problème. Mais que moi je le relance, c’est totalement contraire aux règles.

Tout cela n’est qu’un tas de conneries alambiquées et tordues, mais je n’ai jamais prétendu que mon subconscient pratiquait la pensée linéaire.

Allez, fonce !

Il n’en fait rien – et l’aiguillon pointu de l’exaspération se creuse un chemin à travers le mur de concupiscence. Je ferme ma main sur le coquillage et m’efforce de lui décocher un sourire tout aussi désinvolte. « Merci. »

Par chance, ma voix a l’air normale, bien que je sois aussi bien franchement émue qu’incontestablement irritée. Émue parce que c’est un magnifique coquillage, et un geste très tendre. Irritée parce que maintenant, je reçois des signaux mixtes d’un mec super-sexy qui ne m’a toujours pas effleurée et auquel je ne devrais avoir aucune raison de m’intéresser.

Je commence à accélérer le pas car, attention, ta tête n’est pas vraiment censée divaguer ainsi, mais il tend vers moi la main qui contient le coquillage. « Un souvenir, » dit-il, et en dépit de son sourire désinvolte, il n’y a rien de désinvolte dans la flamme embrasant ses yeux. Son regard brûle assez fort pour me traverser. Dans ma nuque, les racines de mes cheveux picotent, et pendant un bref instant, je ne suis plus certaine de savoir comment respirer. « Je n’aimerais pas du tout que tu retournes au Texas et que tu oublies tout ce que tu as laissé derrière toi. »

Bien entendu, je me raconte encore des bobards. Ce n’est pas la faim qui réveille ces papillons dans mon estomac. C’est Ryan. Et comme je suis plantée là, espérant secrètement qu’il me touche enfin, l’irritation monte en moi. Car, putain de bordel, pourquoi ne m’a-t-il pas déjà touchée ? Nous avons passé pas mal de temps ensemble. Nous avons même dansé ensemble à l’occasion de plusieurs sorties en groupe avec des copains. Sans nous toucher, peut-être, mais quand même assez proches pour que l’air entre nous soit saturé de promesses.

Le Texas est plus lent. Plus facile. Et même si on ne peut pas prétendre que ce soit la capitale mondiale du spectacle, j’ai déjà passé plusieurs essais, et je pense que je pourrais même avoir quelque chance de décrocher un job comme journaliste auprès de l’antenne d’une station locale. J’y ai passé un essai juste avant de prendre l’avion pour venir ici pour le mariage, et j’espère avoir des nouvelles du directeur des programmes très prochainement.

Nikki m’a dit un jour que Ryan n’aimait rien tant que d’aller à la chasse aux monstres. Je la crois, et pendant que je le regarde descendre le long du chemin, ses mouvements alliant la grâce à la puissance, je l’imagine aisément dans une bataille, et je suis sûre qu’il ferait tout pour remporter la victoire.

Nous avons peu à peu fait connaissance au cours de ces derniers mois et pour moi, c’est un ami. Franchement, j’aimerais pouvoir voir en lui plus qu’un ami, et je crois qu’il pense comme moi, bien qu’il lui reste encore à faire le premier pas.

Poussant un soupir, je me dis que ce vague à l’âme qui m’envahit n’est pas du spleen. C’est plutôt la gueule de bois après une nuit blanche passée à boire et à faire la foire. Bien sûr, je me raconte des histoires. J’ai un cafard monstrueux, mais je suppose que c’est normal. Après tout, je viens d’assister au mariage de ma meilleure amie avec le seul homme dans tout l’univers totalement et irrémédiablement parfait pour elle. C’est génial, et j’en suis vraiment et sincèrement heureuse, mais elle l’a trouvé sans s’être envoyée en l’air avec la totalité de la population masculine de Los Angeles.