« C’est ici que tout commence… »
Terrence contemplait les fresques sur les murs souterrains du temple d’Éphèse. Il aurait souhaité passer ses mains sur les peintures, mais le cordon de sécurité l’en empêchait.
« Je me doutais que je te trouverais là !
– Amber ? Mais vous n’êtes pas à Sunmoon ?
– C’est mon jour de repos… Laisse-moi en profiter ! »
La jeune femme blonde comme les blés et au corps de déesse prit la main de Terrence et le tira plus en amont du groupe dans lequel il se trouvait.
« Tu ne verras rien sinon. Ils ont placé l’urne sous grande surveillance, et les cordons de sécurité ne nous permettent de l’approcher qu’à deux mètres. »
Terrence se laissa faire, puis quelques instants après, il se trouvait face à l’urne. Il resta sans voix un long moment, ne sachant que dire, ses yeux marron or détaillant avec émotion l’objet sacré.
« Elle était là pendant tout ce temps… »
Amber sourit avec bienveillance, puis le regarda avec un petit air narquois :
« Mais n’oublie pas ta promesse. Tu l’as elle. Ne cours pas deux lièvres à la fois ! »
Il soupira. Le guide turc entreprit alors le descriptif de l’objet, dans un anglais quelque peu difficile à comprendre, vu son accent plus que persistant.
« Voici une urne représentant la déesse Artémis, elle a été trouvée il y a vingt-trois ans dans cette cavité. Elle est en platine, c’est pourquoi un haut niveau de sécurité a été érigé. Sur les agrandissements que vous voyez au mur, on peut bien voir que cette Artémis est la déesse grecque. Elle n’a rien à voir avec l’Artémis d’Éphèse qui représente la maternité et la fécondité. »
Terrence regarda attentivement les agrandissements, Amber souriait et s’émerveillait devant les fresques qui environnaient le circuit.
« Comme vous pouvez le constater, l’urne est dans un état de conservation remarquable, bien qu’elle date de plusieurs milliers d’années. L’auteur est inconnu, et nous n’avons pas d’autres indications sur son origine. »
Terrence observa le couvercle à côté de l’urne. Il était fendu. Il demanda alors :
« Le couvercle était-il fendu lorsque vous avez découvert l’urne ?
– C’est une excellente question que celle-ci. Figurez-vous que lorsque l’urne a été trouvée, elle était encore scellée. Les archéologues ont tenté pendant plusieurs années de desceller l’objet, en vain. Il y a environ dix-huit ans, un matin lorsqu’ils sont retournés étudier le sujet, ils trouvèrent l’urne descellée. Ils ne savent toujours pas comment elle a pu s’ouvrir.
– Et à quelle date ?
– Je ne sais pas exactement, mais je crois que c’était dans la vingtaine de juillet. »
Terrence se retourna alors précipitamment vers Amber, qui sourit d’un air innocent, haussant les épaules. Il y a dix-huit ans, elle avait été libérée.

« Ai-je vraiment bien agi ? »
Un homme d’une carrure impressionnante, à la barbe blanche et fournie s’asseyait sur le rebord d’une fontaine, prenant sa tête dans sa main droite. Il contemplait le carnage qu’il avait fait. Une femme portant un livre usagé d’une épaisseur importante s’approcha de lui et posa sa main sur son épaule.
« Vous avez fait ce qu’il vous semblait le mieux.
- J’ai tué ma famille entière, mes frères, mes sœurs, ma femme, mes enfants… Mes amis les plus proches aussi. Pourquoi cela était-il donc nécessaire ?
- Regardez en bas. C’est également le chaos. Depuis ‘ça’, les choses ne sont plus comme avant. Chacun se déchire, se hait, cherche à détruire l’autre. Je ne pense pas que vous souhaitez continuer à voir se dérouler ces horreurs plus longtemps.
- Tu as raison Célestra. Je ne peux plus souffrir davantage ces atrocités. Tout cela par Sa faute. »
L’homme se leva, puis se baissa vers un corps, inanimé, le prenant dans ses bras.
« Tu m’as donné ton accord, nous en avions longtemps parlé tous les deux. Je l’ai fait. Mais à quel prix… »
Il déposa un baiser sur le front de sa femme, puis l’étendit délicatement au sol. Il fit alors apparaître plusieurs amphores, ne dépassant pas la hauteur d’un avant bras. Chacune comportait un symbole. Certaines étaient en platine, d’autres en or, argent, et bronze. L’homme joignit ses mains, produisant une puissante vague d’énergie d’une couleur imprononçable, les corps disparurent alors, les essences d’âmes gagnant les réceptacles, qui furent aussitôt scellés.
« Lorsque ce siècle viendra, réveille-moi. Réveille aussi mes frères et mes sœurs.
- Comment pourrai-je reconnaître ce siècle ?
- Tu es la gardienne mythique. Tu le sauras. Mais… si tu as vraiment besoin d’une piste, l’oracle a annoncé une ère prospère, sur un continent encore inconnu des mortels, l’avant dernier… Sur ce continent, quelques siècles plus tard, naîtra une ville cachée aux yeux de tous. La magie y règnera en maître. Lorsque cette ville sera assez développée, réveille-moi.
- Il en sera fait selon votre volonté. »
La femme s’inclina. Elle le vit alors pointer ses paumes contre la Terre.
« Il a aussi droit à une nouvelle chance. Malgré tout ce qu’Il a fait. Personne n’a approuvé cette décision, mais je tente le coup. Chaque être peut changer. J’en suis certain. »
Il concentra une nouvelle fois son énergie, qui explosa en direction de la Terre. Une onde puissante se propagea sur tout ce qui était. Certaines essences d’âmes furent accueillies par les amphores, d’autres s’évaporèrent dans l’atmosphère. L’humanité s’éteignit, tout ce qui se trouvait à la surface de la planète disparut. Tout recommencerait. Il tomba à genoux, à bout de force.
« Mon heure est venue également. Promets-moi d’accomplir ce que je t’ai demandé.
- Je le jure sur ce fleuve. »
L’homme ferma les yeux, et son corps s’effondra sur le sol mousseux, qui était auparavant blanc et immaculé. Le sang l’avait souillé. Son essence vint gagner une amphore. Célestra la scella elle-même, puis elle posa un genou à terre, chuchotant quelques mots dans un vieux dialecte. Les réceptacles disparurent alors. Une nouvelle ère commença.