Extraits

En regagnant ma voiture, je sens le regard de Grégoire Vassel sur moi depuis la fenêtre de son bureau, mais je ne me retourne pas. J’aurais bien tenté un déhanché sexy, mais en escarpins sur les graviers, je préfère m’abstenir. Avec la chance que j’ai aujourd’hui, je risquerais de finir étalée de tout mon long dans la splendide allée au lieu de subjuguer le propriétaire des lieux.

Vous êtes plutôt italien, chinois ou indien ?

Morgane.

J’ai à peine envoyé mon message qu’une réponse me parvient :

Je pense que vous vous méprenez.

Merde, il a changé d’avis ! Pourquoi je l’ai contacté ? J’ai l’air d’une ... maintenant.

Un bip m’annonce un nouveau message.

Je suis plutôt blonde, courbes renversantes et déhanché aguicheur ;

Cette soirée est un fiasco et je ne peux m’en prendre qu’à moi-même. Je me lève en attrapant mon sac.

– Où allez-vous ? me demande-t-il en se redressant à son tour.

– Aux toilettes. Quand je suis nerveuse, j’ai envie de faire pipi.

Et la palme de la classe est décernée à… Morgane Genet ! On l’applaudit bien fort !

...Mais j'ai celle de la nana avec de jolies fesses (on m'a toujours dit que c'était mon meilleur atout, et ce n'est pas tombé dans l'oreille d'une sourde), qui fait mine d'examiner le moteur comme si elle avait une idée du problème, mais qui espère secrètement que sa silhouette pas dégeu suffira à alpaguer un bon samaritain pour l'aider à faire démarrer sa satanée bagnole. J'ai toutes mes chances aujourd'hui, j'ai mis mon jean fétiche qui rend grâce à mon fessier ravageur.

Un SUV noir aux vitres teintées ralentit à mon niveau, puis passe son chemin. Si même le FBI jette l'éponge, je ne suis pas sortie de l'auberge !

... Le gros 4x4 est de retour en sens inverse et cette fois, il s'arrête. La portière arrière s'ouvre et une grande silhouette élégante descend du véhicule.

Léonard a un percolateur professionnel, vestige du temps où il tenait l'une des brasseries les plus réputées de Paris. Il fait partie des gens qui prennent leur retraite à contre-coeur. Sa femme est décédée il y a maintenant quatre ans et depuis, il tourne en rond dans sa maison, se cognant à sa solitude. Les petits soubresauts de la vie qui le retiennent en ce monde sont sa chasse incessante aux chats de gouttière venant uriner sur ses rosiers, les journaux télévisés présentés par Elise Lucet pour qui il a le béguin, ses cheveux encore bien fournis dont il est très fier et dont Justine le complimente à chacune de ses visites mensuelles pour rafraîchir sa coupe. Et surtout, ce qui anime son quotidien, ce sont les colis de café que lui envoi régulièrement son fils, parti vivre et travailler en Colombie pour un sélectionneur réputé d'arabica.

Voyons le bon côté des choses, ça aurait pu être pire. Mon autorisation de découvert est supprimée, mais j’ai obtenu une remise sur les agios, enfin, seulement pour ce mois-ci.

Je sors de mon rendez-vous avec la banque, un peu démoralisée, et me dirige vers ma vieille voiture. La portière s’ouvre dans un grincement qui fait tourner la tête des passants.

Pas grave, j’ai l’habitude.

"... on zappe tous les deux le plateau de fromages. Moi, parce que je voudrais éviter d'avoir une haleine de chacal pour ce qui va suivre, vu comme on est partis, et lui ... sûrement parce que c'est un homme et qu'il n'arrive pas à faire deux choses à la fois : manger et se concentrer pour ne pas soulever la table avec le baobab qui est en train de pousser dessous (oui,j'ai une tendance à l'exagération et suis du genre optimiste, que voulez-vous ?)..."