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« Madame, je suis soldat. Les soldats ne pensent pas. On me dit d’aller là, j’y vais. De me battre, je me bats. De me faire tuer, je meurs. L’exercice de la pensée rendrait la bataille plus difficile, et la mort plus terrible. »
Afficher en entier« Ils étaient tous deux fort intelligents et comprenaient qu’ils étaient utiles l’un à l’autre ; cela finissait par créer une sorte d’amitié à base de cordial mépris, comme certaines liqueurs âcres et amères qui , lorsqu’elles sont mélangées, ont une saveur agréable. C’est un dégénéré comme tous les nobles. »
Afficher en entier« La charité chrétienne, la mansuétude des siècles de civilisation tombaient d’elle comme de vains ornements révélant son âme aride et nue. Ils étaient seuls dans un monde hostile, ses enfants et elle. Il lui fallait nourrir et abriter ses petits. Le reste ne comptait plus. »
Afficher en entierUn soldat ennemi ne semblait jamais seul - un être humain vis-à-vis d'un autre - mais suivi, pressé de toutes parts par un peuple innombrable de fantômes, ceux des absents et des morts. On ne s'adressait pas à un homme mais à une multitude invisible ; aussi aucun des mots que l'on prononçait n'était-il dit simplement ni écouté de même ; on avait toujours cette sensation singulière de n'être qu'une bouche qui parlait pour tant d'autres, muettes.
Afficher en entierOn n'entendait pas de pleurs, pas de cris, les enfants eux-mêmes se taisaient. Tout était calme. Par moments, un visage se montrait à une vitre baissée et interrogeait longuement le ciel. Une faible et sourde rumeur faite de respirations oppressées, de soupirs, de paroles échangées à mi-voix comme si on eût craint d'être entendu par un ennemi aux aguets, montait de cette multitude. Certains essayaient de dormir, le front heurtant l'angle d'une valise, les jambes douloureuses sur l'étroite banquette ou une joue chaude pressée contre la vitre. Des jeunes gens et des femmes s'interpellaient d'une voiture à une autre, et parfois riaient gaiement ! Mais une tache sombre glissait sur le ciel scintillant d'étoiles, tous devenaient attentifs, les rires cessaient. Ce n'était pas à proprement parler de l'inquiétude mais une étrange tristesse qui n'avait plus rien d'humain car elle ne comportait ni vaillance ni espérance, ainsi les bêtes attendent la mort. Ainsi le poisson pris dans les mailles du filet voit passer et repasser l'ombre du pêcheur.
Afficher en entierEn prêtant l'oreille on entendait le bruit des avions dans le ciel. Français ou ennemis ? On ne savait pas. « Plus vite, plus vite », disait M. Péricand. Mais tantôt on s'apercevait que l'on avait oublié le coffret à dentelles, tantôt la planche à repasser. Il était impossible de faire entendre raison aux domestiques. Ils tremblaient de peur, ils voulaient partir mais la routine était plus forte que la terreur, et ils tenaient à ce que tout fût accompli selon les rites qui précédaient les départs pour la campagne au moment des vacances. Tout devait se trouver dans les malles à sa place accoutumée. Ils n'avaient pas compris réellement ce qui arrivait. Ils agissaient en deux temps, eût-on dit, à demi dans le présent et plongés à demi dans le passé, comme si les événements n'eussent pénétré que dans une faible partie de leur conscience, la plus superficielle, laissant toute une région profonde endormie dans la quiétude.
Afficher en entierCette existence à base de mortelles angoisses n'est supportable qu'à condition de vivre au jour le jour, de se dire quand le soir est venu : "Encore vingt-quatre heures où il ne s'est rien passé de spécialement mauvais, Dieu merci ! Attendons à demain."
Afficher en entierIl n'y a rien de plus constant chez un être humain que sa manière d'exprimer la colère […].
Afficher en entier- Où êtes-vous née ?
- Pas très loin d'ici, mais dans une autre province. Une maison dans les bois... où les arbres poussent si près du salon que l'été leur ombre verte baigne tout comme dans un aquarium.
Afficher en entier''Je suis contente que ce soit un garçons, les hommes ont moins de misères.''
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