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- Tu as des mains minuscules. Je peux les recouvrir toutes les deux avec la mienne. Regarde.

Elle se détendit. Ses paupières étaient lourdes, son élocution lente. Il allait s'endormir d'une seconde à l'autre.

- Oh oui, tu es un homme fort et je suis une toute petite femme faible, murmura-t-elle, narquoise.

Il fronça les sourcils en la regardant, les paupières mi-closes.

- L'infusion de nanny Iris me fait dormir. Et non. Tu n'es pas faible. Tu es forte. Et jolie. Drôle. Je n'avais jamais réalisé à quel point tu étais jolie, avant notre dispute. Il y a encore une chose que je ne savais pas, chuchota-t-il en se penchant en avant.

- Quoi donc ?

- Je ne savais pas à quel point j'avais envie de t'embrasser.

Il lui lâcha la main, la prit par la nuque pour l'attirer vers lui, et pressa les lèvres sur les siennes.

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Victoria arpentait le grand hall de Summerset Abbey en frissonnant d'impatience. À Londres, le courrier arrivait chaque jour à la même heure, avec une régularité infaillible. Mais dans cet immense domaine de campagne qui était maintenant son lieu de résidence, l'arrivée du courrier était d'une imprévisibilité irritante, et dépendait entièrement du bon vouloir de son oncle. Quand celui-ci ne se trouvait pas à Summerset Abbey, la distribution était encore plus fantaisiste, à moins que lady Summerset n'ait un courrier à expédier ou n'attende une invitation importante.

Quand elle arriva au bout du grand hall, Victoria fit brusquement volte-face et repartit en sens inverse au pas de charge, ignorant la lumière qui tombait de l'ouverture circulaire au plafond et se reflétait sur le marbre en illuminant les deux rangées de colonnes de part et d'autre de la salle. Les splendides fresques représentant des anges au-dessus de scènes de batailles qui recouvraient le dôme et capturaient son regard chaque fois qu'elle pénétrait dans le hall monumental demeurèrent pour une fois en marge de son attention. Tout cela à cause d'une distribution du courrier totalement inefficace et digne des heures les plus sombres du Moyen Âge ! Elle aurait attendu dans la grande allée du parc si elle n'avait pas craint les soupçons que cela ne manquerait pas d'éveiller. Surtout maintenant qu'elle savait que rien de ce qui se passait à Summerset n'échappait à tante Charlotte, c'est-à-dire lady Summerset Huxley Buxton.

Du moins, presque rien, songea Victoria en souriant. Sa tante ignorait par exemple qu'elle se rendait régulièrement, en secret, dans une chambre de la partie inutilisée du manoir afin de s'exercer à la dactylographie et à la sténo, d'étudier la botanique, ou encore d'écrire des articles sur les plantes et leurs utilisations traditionnelles. Elle ne savait pas non plus que sa propre fille, Elaine, faisait de formidables cocktails à base de gin ni que Rowena, la sœur aînée de Victoria, était montée en avion et avait embrassé un pilote. En fin de compte, la sévère tante Charlotte n'était pas aussi infaillible qu'on le croyait.

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Tu imagines ? Au bout de quatre longues années Spoiler(cliquez pour révéler)d'études, je serai vétérinaire. Tu pourras attendre aussi longtemps pour avoir une vraie maison, bien à toi ?

- Où que tu sois, je serai avec toi, lui chuchota-t-elle.

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Le monde n'avait aucun sens avant que je te rencontre, murmura-t-elle. Je sais que cette déclaration a l'air un peu dramatique, mais c'est vrai. Je n'avais pas de but dans la vie, avant de voler avec toi. J'avais renoncé à me trouver une passion... Je n'étais qu'à moitié vivante.

Il resserra son étreinte, et elle s'abandonna contre lui. Leurs cœurs battaient à l'unisson.

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Rowena ne saurait jamais s'ils avaient parlé ou non. Elle ne se rappelait même pas comment ils étaient arrivés devant la chambre. Avaient-ils pris un ascenseur ? Le concierge les avait-il vus passer ? Ces détails s'étaient effacés pour toujours de sa mémoire.

En revanche, elle se souvenait du parfum de sa peau. De la douceur de ses cheveux. La douleur n'était qu'un vague souvenir, mais elle n'oublierait jamais la douceur des draps enroulés autour de ses jambes, ni le contact de la joue de Jon contre son cou. Des impressions si vives quelles la poursuivraient toute sa vie. Elle n'avait qu'à fermer les yeux pour que les souvenirs surgissent, l'emplissant tout autant de joie que de chagrin.

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À son arrivée, Victoria demeura bouche bée en apercevant Rowena qui agitait son chapeau et son ombrelle sur le quai de la gare de Theton. Quelle différence avec la jeune femme indolente qu'elle avait quittée une semaine plus tôt ! Rowena lui sauta au cou dès qu'elle eut posé le pied sur le quai.

- Mon Dieu, comme tu m'as manqué ! Il s'est passé tellement de choses.

Elle avait toujours eu le teint clair, mais elle était devenue d'une pâleur mortelle ces derniers mois. Pour la première fois depuis des semaines, ses joues avaient pris une jolie couleur rosée, et ses yeux pétillaient.

- Je n'arrive pas à le croire ! s'exclama Victoria. Tu es amoureuse !

Rowena s'écarta, les yeux écarquillés.

- Comment as-tu deviné ?

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La mère de Jon se dirigea vers Rowena et l'embrassa.

- Une poignée de main ne me semble pas suffisamment chaleureuse pour la jeune fille qui a apporté tant de bonheur dans la vie de mon fils. Je n'aurais jamais cru que quelque chose puisse le faire sourire, en dehors de ses stupides avions. Mais il suffit qu'il prononce votre nom pour que...

- Mère ! protesta Jon. N'allez pas si vite. Sinon dans cinq minutes vous lui montrerez le voile de mariée de la famille !

- Ne lui donne pas d'idées, grommela Samuel en embrassant affectueusement leur mère.

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Elle lui dirait toute la vérité, sans se ménager. S'ils voulaient avoir un avenir ensemble, il fallait qu'ils soient honnêtes l'un envers l'autre.

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Ils se dévisagèrent. Un gouffre venait de se creuser entre eux, Prudence le sentait. C'était pour le mieux, certes, mais... pourquoi la douleur était-elle si insoutenable, alors? Le mince filet d'espoir qui demeurait au fond de son coeur était anéanti.

Alors, il l'embrassa. Ses lèvres viriles se pressèrent contre les siennes, dures, exigeantes. Elle comprit qu'il voulait lui faire mal, qu'il en avait besoin. Puis un grognement lui échappa et soudain, tout changea. Ses lèvres se firent douces et, malgré elle, elle s'abandonna à son étreinte et lui rendit son baiser. Jamais elle n'avait embrassé un homme avec autant d'ardeur.

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