Extraits

Ici, elle pouvait rêver d'une union complète, tout partager avec son compagnon, se battre avec lui, l'aimer passionnément. Elle pouvait vivre dans un pays fort et libre. Fort et libre grâce à elle.

A Lladrana, elle représentait la différence entre la vie et la mort, pour les gens comme pour la terre. On avait besoin d'elle.

Mais le prix d'un tel destin serait élevé. Très élevé. Pas d'enfants. Une mort précoce. Une vie entière à affronter des créatures monstrueuses, la peur, le chagrin.

Et la récompense...La récompense était incommensurable.

Elle s'accrocha à Bastien.(...)

Alexa s'effondra dans les bras de Bastien.

Lorsqu'elle atteignit le sommet, il avait cessé de neiger. Les pics blancs brillaient d'un tel éclat qu'ils paraissaient avoir absorbé toute la clarté des étoiles. De nouveau, elle contempla le ciel. A travers ses larmes, les petits points lumineux des astres l'éblouirent et elle battit des paupières.

Lorsqu'elle les ouvrit, un filet d'argent se déployait devant ses yeux. Peu à peu, ses mailles se resserrèrent jusqu'à former une arche solide, juste devant elle. Elle en fut tétanisée et se mit à suffoquer. Elle dut se courber en deux, prise d'une quinte de toux.

Le gong résonna, les notes du carillon tintèrent une à une en montant la gamme. L'arche se posa.

Quand l'étoile Etalla brillera de tout son éclat et traversera la constellation de Caen. Quand les brouillards envelopperont le cercle de pierre couronnant le monde de l'Archer. Quand la face de la lune sera cachée. Alors, les murs séparant les mondes deviendront perméables et le moment sera propice à l'Appel. Un Sauveur du pays des Exotiques y répondra - ou bien un démon.

(Prophétie du printemps)

Une idée atroce la traversa et elle en eut la respiration coupée. Et s’ils avaient l’intention de la sacrifier, elle ? La femme en rouge vint se placer au milieu d’un rond de lumière diffusé par un des grands lustres. Elle tenait dans ses bras un petit enfant. Elle se tourna lentement vers Alexa et, avec un visage impassible, la fixa de ses yeux aux paupières tombantes. Elle brandissait à bout de bras une petite fille aux cheveux courts, noirs et argentés, ébouriffés en touffes. L'enfant n’avait pas plus d’un an. Elle sourit à Alexa. Alexa vint se placer entre l’autel et la femme en rouge, mais celle-ci glissa gracieusement à l’autre bout de la pièce, en direction d’un carré de marbre bleu aux reflets éclatants. Alexa ne comprit qu’il s’agissait d’un bassin rempli d’eau que lorsque la femme y jeta l’enfant

Elle ôta sa veste en tremblant et la laissa tomber à terre. Puis elle se redressa. Elle ne portait plus, maintenant, que son pull et un jean. Les grands étrangers échangèrent quelques mots, puis le petit homme au visage rond fit courir sa baguette le long d’une rangée de cristaux disposés en arc-en-ciel – le carillon. Alexa tressaillit. Elle avait la sensation d’être prise au piège par ce son qui la transperçait. Il y eut ensuite une série de notes légères et cristallines qui déclenchèrent des réactions précises dans son corps. A la première, elle vacilla et dut lutter pour conserver son équilibre. La deuxième accéléra les battements de son cœur, au point qu’elle entendit le sang affluer à ses tympans. Les cristaux résonnaient l’un après l’autre comme pour tester ses réflexes et sonder ses organes

Ils paraissaient fonctionner en tandems : deux robes vert émeraude, deux bleu saphir, et ainsi de suite. Le plus souvent mixtes. La plupart n’avaient pas abaissé leurs épées, qui restaient pointées vers elle, comme s’ils la considéraient comme une menace. Le grand homme vaniteux portait une robe rouille. Il se tourna vers la femme longue et sèche. A leur attitude, on voyait qu’ils étaient les deux personnages les plus importants du groupe. L'homme fit de nouveau un commentaire d’un ton acerbe. Probablement à son sujet. Alexa baissa les yeux et fit la grimace en découvrant son accoutrement. On aurait dit qu’elle était en train de muer. Un pan de son manteau matelassé perdait son rembourrage et des plumes recouvraient une bonne partie de ses vêtements. Chaque fois qu’elle respirait, un peu de duvet blanc s’élevait et voletait autour d’elle

A présent, ils la contemplaient d’un air abasourdi. Certains en étaient bouche bée. Alexa essaya de maîtriser le tremblement qui l’agitait, et qu’elle aurait bien voulu mettre sur le compte de son excursion dans la nuit glacée du Colorado. Mais elle savait qu’il s’agissait plutôt du contrecoup de la décharge d’adrénaline. Elle s’efforça de rassembler ses esprits. Cela n’allait pas s’arrêter là… Les surprises allaient sans doute s’enchaîner à la vitesse de la lumière – ou plutôt au rythme de la magie. Elle devait se ressaisir, être prête à s’adapter, comme elle l’avait si souvent fait durant son enfance, lorsqu’on la trimballait d’un foyer de placement à l’autre. Elle avait déjà compris qu’elle n’avait pas atterri là par hasard. L'énorme gong d’argent étincelant lui en fournissait la preuve. Elle se trouvait au centre d’un pentacle. Les grands étrangers formaient un cercle et ils étaient placés à l’intérieur d’un autre cercle tracé autour d’eux. Ils avaient de toute évidence utilisé la sorcellerie. Alexa inspira profondément et les étudia avec attention. Ils étaient tous plus grands qu’elle. Elle haussa les épaules. Cela n’avait rien de nouveau. Tout le monde était plus grand qu’elle

Bon sang ! L'étoile miniature que ces étranges personnages jouaient à se renvoyer fonçait sur elle ! Elle baissa la tête, et leva la main droite. La balle vint claquer violemment contre sa paume et ce fut comme un aiguillon ardent. Une vague brûlante courut le long de ses veines, en remontant vers l’épaule. Elle avait répondu à un appel à l’aide. Et voilà où cela l’avait menée… Elle serra les dents. Elle devait supporter la douleur que lui causait le contact de cette chose incandescente. Ces gens-là aimaient les plaisanteries douteuses, mais elle n’avait pas l’intention de jouer le rôle du singe qui amuse la galerie et, d’après le ton de sa voix, le grand type aux épaules carrées la considérait comme une curiosité de foire. Il respirait l’arrogance. On avait l’impression qu’il se pavanait, même quand il ne bougeait pas

Le chant, le gong et l’Appel avaient fonctionné… jusqu’à un certain point. Pendant le rituel, Thealia avait senti qu’ils attiraient dans leurs filets une combattante, car elle avait nettement perçu le chant de son esprit et de son pouvoir. Ils l’avaient perdue à l’entrée du passage, mais seulement pendant quelques secondes. En contemplant cette entité si différente de la femme qu’elle avait imaginée, Thealia pâlit et ses lèvres glacées se figèrent en un rictus de contrariété. Il devait y avoir un moyen de sauver la situation. Reynardus se tourna vers elle avec un sourire méprisant. – Voilà donc la combattante investie d’un puissant pouvoir magique que vous nous aviez promise, maréchale ! Ce sont bien les termes que vous avez employés, n’est-ce pas ? Il n’attendit pas sa réponse. – C'est bien ce que je pensais. Tout ce mal pour rien ! L'énergie que nous avons mobilisée pour attirer cette… chose va nous laisser exsangues pendant des jours. C'est un désastre, conclut-il en abaissant son épée. Puis il tourna le dos au cercle

Une ouverture lumineuse vaguement teintée des couleurs de l’arc-en-ciel ! En haletant de terreur, elle mobilisa toute son énergie pour rejoindre cette issue, esquivant le monstre, roulant, vrillant sur elle-même. Enfin, elle atteignit le passage et y plongea les pieds en avant. Elle eut le temps de voir une énorme bouche rouge et des dents d’où gouttait une salive jaunâtre. Elle ne sut pas s’il hurlait de rage et de dépit, ou s’il tentait de lui arracher la tête d’un coup de dents. Ou les deux. La trouée l’avalait déjà, et elle fut emportée dans le tourbillon de sons d’un orchestre qui jouait crescendo, avec des accents de triomphe. Une image passa devant ses yeux et elle crut reconnaître un pentacle. Elle atterrit au centre, lourdement, sur des pavés multicolores, en laissant échapper un gémissement rauque que les murs renvoyèrent en écho. Elle se trouvait sur la terre ferme. Tout cela était bien réel. Le chant décrut lentement jusqu’à devenir un faible murmure. Elle leva les yeux. Des gens vêtus de magnifiques robes formaient un cercle autour d’elle. Ils la contemplaient fixement. Des hommes et des femmes ! Elle ferma les yeux en remerciant le ciel. Lorsqu’elle les rouvrit, ils pointaient leurs épées vers elle. – C'est ça notre sauveur ? C'est pour ça que nous avons risqué nos vies ? Je trouve cette chose particulièrement laide et pitoyable