Sur les cimes du désespoir

Première lecture de Cioran, auteur dont j'avais entendu parler lors d'une conférence puis recroisé grâce à quelques-uns de ses aphorismes connus. Dans les cimes du désespoir, je qualifierai Cioran de "pessimiste lucide" c'est-à-dire que nous avons affaire à un philosophe qui a des idées très négatives sur la vie mais qui étaie si bien ses idées qu'il en devient lucide sur la vie. Et s'il passe de nombreuses pages à défendre l'idée selon laquelle "la vérité n'existe pas", je pense qu'avec cet ouvrage, il atteint justement un certain nombre de vérités.

Dans cet ouvrage, Cioran met en lumière la nécessaire souffrance pour aimer la vie. Il prône une vie menée intensément, celle des derniers instants (il faut mourir pour être un vrai héros) ou celle menée dans la souffrance, nécessaire pour atteindre le lyrisme selon lui. Il faut savoir se tourmenter pour gouter à la vie et à sa richesse en opposition au sage qui accepte tout et ne remet aucune de ses idées en cause. Il faut d'ailleurs "transgresser la morale pour vivre" selon lui. De manière générale, Cioran glorifie avec intelligence la souffrance, durable, qu'il oppose au bonheur, très volatile. Lorsque l'heure du bilan a sonné, que retient-on ? La philosophie de Cioran marche beaucoup par les questionnements, auxquels il répond avec des exemples et des théories souvent très étayées. Il lui arrive parfois de s'égarer dans un lyrisme proche de la poésie.

J'ai beaucoup aimé le fait qu'il oppose la mélancolie esthétique à la tristesse et je me suis beaucoup retrouvé dans sa description de ce qu'est la mélancolie et de la façon dont elle se matérialise chez l'homme. Le chapitre sur l'amour et la multiplicité de ses formes est également touchant. L'enthousiasme, plus fort que l'amour car désintéressé, est également une notion forte de ce chapitre.

De manière générale, Sur les cimes du désespoir offre une magnifique réponse (et sombrement ou lumineusement lucide) sur l'existence. Si Cioran est lucide et affirme qu'il n'y a pas de réponse et qu'il n'y a aucun salut pour l'homme, il répond à un certain nombre de questions. La densité des sujets abordés mérite évidemment plusieurs lectures pour assimiler les nombreuses idées développées.

Premier tracé de la plume de Cioran qui se cherche encore un peu. Voilà, avant de devenir l'impitoyable jet noir et vivace qui m'a séduite immédiatement, la publication qui marque le début de sa route inimitable. On y retrouve les thèmes chers à l'auteur et les principaux élans qui le caractérisent. Cependant cela reste une lecture moins prenante je trouve que ce qui va suivre: un préambule.

La philosophie, en général, ne me "parle" pas trop, mais Cioran est le seul, jusqu'à maintenant à faire mouche avec mes pensées, à mettre des mots sur mon ressenti des hommes, de la réalité et du bonheur inatteignable.