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Liste des extraits
J'ai lu, p. 458
« C'est un sort bien cruel, Tania, de ne pouvoir jamais garder ceux que l'on aime ! Par moments, je ne comprends pas que Dieu s'ingénie à nous arracher du cœur, une à une, toutes nos affections. Est-ce la fin d'une manière de vivre ? Ne vous reverrai-je jamais ? »
Afficher en entierJ'ai lu, p. 452
« — Et puis après ? Ceux qui m'ont arrêté, ceux qui voulaient me fusiller parlaient russe. Je n'aime pas les bolcheviks. Mais, puisqu'ils sont une production du sol russe, de l'esprit russe, puisqu'ils parlent russe, il faut bien que je m'arrange pour vivre avec eux.
— Vous vous entendriez mieux avec des Français, des Anglais...
— Tu penses à la tête, moi je pense au cœur. Logiquement, je devrais te suivre. Sentimentalement, je ne peux pas. Quelles que soient mes opinions politiques, je ne saurais abandonner ma patrie, ignorer un régime que tout le peuple accepte, me singulariser dans la négation...
— Des milliers de gens quittent la Russie !
— Des millions restent...
— Vous voulez donc être du côté de la quantité ?
— La quantité finit toujours par devenir une qualité. »
Afficher en entierJ'ai lu, p. 451
« Vous pouvez espérer reconstruire un foyer, un bonheur, sur la terre étrangère. Or ta belle-mère et moi, que devons-nous attendre de l'avenir ? Il nous reste si peu de temps à jouir du soleil doré. Toute notre existence s'est écoulée dans cette maison, dans ce pays. Je ne vois même pas comment je saurais vivre ailleurs. »
Afficher en entierJ'ai lu, p. 448
« Sa voix s'étranglait. Il sentit que des larmes gonflaient ses paupières douloureuses. Il soupira :
— Pauvre Russie !
Ces simples mots accrurent son chagrin, au point qu'il pensa perdre le souffle. »
Afficher en entierJ'ai lu, p. 408
« Il venait de comprendre que, pour aimer "la" vie, il fallait surtout ne pas aimer "sa" vie. Même s'il était condamné à mourir dans quelques jours, dans quelques heures, ce bref délai valait une existence entière, à condition d'être bien employé. Il suffisait d'ouvrir les yeux et d'oublier son nom, pour que l'univers, qui paraissait banal, devînt miraculeux dans ses moindres parties. Une beauté inconnue, surprenante, rayonnait de toute chose et de toute personne. Mais Dieu n'accordait ces dons qu'aux créatures indifférentes à leur propre destin? Plus l'homme s'acharnait à défendre ses biens, sa santé, sa carrière, son amour, et moins il avait de temps pour goûter le simple délice d'être. C'était en acceptant de tout abandonner qu'il accédait aux véritables richesses. C'était en se réduisant à zéro qu'il se découvrait innombrable. »
Afficher en entierJ'ai lu, p. 366
« La phase préparatoire de la révolution et la révolution elle-même ne se ressemblent pas, ne peuvent pas se ressembler. La période initiale, celle qui te séduit encore, était vouée à l'idéalisme et au sacrifice. Quelques milliers d'individus bâtissaient une république de rêve sur le papier. Mais voici que des milliers d'individus se trouvent se trouvent, du jour au lendemain, face à face avec un peuple qui se chiffre par millions. Les masses s'engouffrent dans les cadres de la théorie et les font craquer sous la poussée énorme de leur instinct. Les intellectuels sont submergés, balayés par une vague d'êtres ignorants, sauvages, furieux. Ces nouveaux venus ne sont pas inspirés par l'amour de l'humanité, mais par leur intérêt personnel. Ils ne songent qu'à se venger, qu'à tuer, qu'à remplir leurs poches. Cependant, ils ont droit au respect, car ils sont partisans de la première heure, qui sont la qualité. La qualité, sous peine de disparaître, doit composer avec le nombre. Je dirai plus : en pleine lutte de classes, la vieille mentalité des révolutionnaires en chambre devient non seulement périmée, mais nuisible. Ceux qui n'ont pas su prendre le virage, s'adapter aux nécessités du moment, n'ont plus qu'à retomber dans l'ombre. »
Afficher en entierJ'ai lu, p. 295
« Son labeur ne devait plus correspondre à une exigence intime, mais au désir du plus grand nombre. Peut-être ces gens-là avaient-ils raison ? Peut-être la littérature n'avait-elle pas d'importance en soi ? Elle n'était qu'une production comme une autre de l'esprit humain. Une chose, non plus éternelle, mais circonstancielle, périssable, consomptible par le premier usage. »
Afficher en entierJ'ai lu, p. 265
« Des rivalités de villages, des querelles de comités décomposaient l'administration nouvelle. Il n'y avait pas de signatures ni de cachets valables d'une collectivité à l'autre. Chaque lambeau de province vivait à sa façon. Souvent, des chefs de bandes imposaient leur loi à toute une circonscription. »
Afficher en entierJ'ai lu, p. 257
« — Pourquoi cette halte, fils de démon ?
— On n'arrivera jamais avec un chauffeur pareil !...
— Paraît qu'il n'a plus de charbon !...
— Mais non, il s'est disputé avec son aide !...
Quelques hommes profitèrent du répit pour sauter sur le ballast et soulager leur vessie. Une longue file de voyageurs aux jambes écartées s'établit le long de la voie. Des femmes descendirent aussi et s'assirent à croupetons, çà et là, dans les fourrés. »
Afficher en entierJ'ai lu, p. 166
« Quand sera-t-il accordé à l'homme de vivre selon son cœur ?...
— C'est pour que ce temps revienne que nous nous battons, dit Akim.
— Oui, vous vous battez, c'est-à-dire que vous usez de la force pour imposer votre idéal. Il ne faudrait jamais user de la force pour imposer un idéal. Les belles pensées devraient prospérer d'elles-mêmes, comme le soleil perce les nuages. »
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