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- Tu imagines un peu à quoi ça ressemblait le monde, avant?
- Avant quoi?
- Avant les bungalows.
J'ai froncé les sourcils. Oui, je savais à quoi ressemblais le monde, avant. J'avais vu des photos d'archives lors d'une exposition de la société d'histoire. Dans cette cuvette mal drainée s’étendait autrefois une très ancienne tourbière. Des épinettes, des lacs rougeâtres couverts de sphaigne. Des sarracénies en fleurs, des nénuphars, sans doute quelques nids d'oiseaux migrateurs. Des grenouilles. Des maringouins, des mouches, des papillons, des libellules. Des rats musqués, des ratons laveurs, des couleuvres. Une infinité de bestioles, de bactéries et d'organismes unicellulaires.
Le résultat de millions d'années d'évolution.
Hope a soupiré.
- Tu imagines l'effort collectif nécessaire pour effacer une tourbière? Ça ne se fait pas tout seul. Il faut drainer le terrain, décharger des centaines de tonnes de gravier, passer le bulldozer, la niveleuse, le rouleau compresseur. Creuser des égouts, tracer des rues. Installer l'eau et l'électricité.
Les bungalows environnants m’apparaissaient sous un angle différent : Ils cernaient maintenant le terrain vague, s’apprêtaient à se refermer sur lui et à le recouvrir en silence -comme un tapis de sphaigne à la surface d'un lac. Un monde en valait un autre.
- Les inspecteurs de l'ONU diront ce qu'ils voudront, le bungalow reste la principale arme de destruction massive inventée durant la guerre froide.
Afficher en entierPlutôt que la questionner directement, j'annonçai que Hope avait trouvé sa date.
- Quelle date?
- La date de la fin du monde.
- Ah?
Un ange passa. Peut-être n'avais-je pas été assez explicite?
- D'après elle, ça va se passer le 17 juillet 2001.
Ann Randall sembla analyser ces nouvelles données, On aurait cru un maître en train d'évaluer le travail de son élève.
- Bonne date, décréta-t-elle enfin. Les nombres premiers, Mickey, c'est le secret.
Elle versa un doigt de cognac et n'ajouta plus un mot.
Fichus Randall.
Afficher en entier-Avez-vous reçu des nouvelles de Hope?
Elle me lança un regard interrogateur et rangea sa bouteille sans la reboucher.
- Moi? Non. Pourquoi?
Je tripotais ma chope de bière, tout de même un peu craintif à me hasarder sur un terrain aussi intime. À l'évidence, Ann n'avait même pas remarqué que Hope était partie.
- Partie où?
- Au Japon.
Elle haussa les sourcils, l'air de dire "voilà qui explique bien des choses", et sirota une gorgée de cognac.
- Ça fait longtemps?
- Quatre mois, bientôt cinq. Je pensais que vous étiez au courant, elle ne vous a pas appelée?
- Non.
Afficher en entierCas numéro 1: Harry Randall Truman, le patriarche, avait perdu la tête à l'automne 1835, peu après le passage de la comète de Halley. Il avait annoncé le retour de Moise à bord d'une baleinière incandescente, puis avait bouté le feu à la grange du pasteur presbytérien. Les voisins l'avaient intercepté, ligoté et expédié au Halifax Mental Asylum, où il termina ses jours dans l'aile des pyromanes et autres sociopathes.
Afficher en entierAoût 1989. Ronald Reagan avait quitté la maison blanche, la guerre froide tirait à sa fin et la piscine municipale extérieure était(encore une fois) fermée. Cause de la contrariété : bris de tuyaux.
Rivière-Du-Loup baignait dans le bouillon de poulet - un air jaunâtre, saturé de pollen - et j'errais dans le quartier, maussade, ma serviette de bain autour du cou. Il restait trois jours avant la rentrée scolaire, et seules quelques longueurs dans l'eau chlorée aurait pu me remonter le moral.
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