Télépathe

Un jour, j’ai dit à une fille qui pleurait au parc, pour la consoler, d’arrêter de s’inquiéter, puisque le garçon qui venait de la bousculer ne l’avait pas fait exprès. Et qu’en réalité il aurait préféré l’embrasser, car il était amoureux d’elle. Ce garçon, c’était mon meilleur ami. Jusqu’à cet instant. Il a été tellement furieux. C’était comme si j’avais baissé son pantalon devant toute la foule. Mis son âme à nue. Il a commencé à courir après moi comme un lion s’élance sur une antilope. Je voyais à son regard cruel qu’il n’hésiterait pas à me dévorer toute crue si jamais il mettait la main sur moi. J’ai eu beau courir, à toutes jambes, l’élan de sa rage lui donnait l’avantage. Il m’a attrapée au visage alors que je faisais face à la clôture du parc. Il m’a propulsée dans les airs, m’a retournée, m’a accotée au grillage en serrant du plus fort de sa colère, ses mains sur ma gorge, ses doigts accrochés dans la clôture. J’ai vu des étoiles. J’ai vu ses yeux peuplés de démons qui pleuraient en criant, des crocs ont commencé à lui pousser à la place des dents. Mon corps n’était que pétillements et spaghettis. Mon meilleur ami était vraiment en train de me tuer. Et de devenir mon ex-meilleur ami.

J’aurais vraiment mieux fait de me la fermer. De rester muette, même sous la torture.

Finalement, un des parents qui placotaient à la table à pique-nique, café à la main, a tout balancé pour accourir à ma rescousse tandis que je passais du mauve au vert.