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Extrait ajouté par Yshisa 2022-12-27T19:08:50+01:00

Gwenda posa les yeux sur Walter Fane, assis en face d'elle de l'autre côté du vaste bureau d'acajou.

Elle vit un homme d'une cinquantaine d'années, à l'air las, au visage doux et insignifiant. Le genre d'homme, songea-t-elle, dont il serait malaisé de se souvenir si on le rencontrait par hasard. Un homme qui, pour employer une terminologie moderne, manquait de personnalité. Sa voix, lorsqu'il parla, était lente et agréable. Probablement un homme de loi très compétent, se dit encore la jeune visiteuse.

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1

LA PROPRIETAIRE DE LITTLEGREEN

Miss Arundell mourut le 1er mai. Si sa maladie fut brève, son décès n'étonna guère à Market Basing, petite bourgade provinciale où elle vivait depuis l'âge de seize ans. Dernière survivante de ses cinq frères et sœurs, Emily Arundell avait plus de soixante-dix ans et on lui connaissait des problèmes de santé depuis belle lurette. Quelques dix-huit mois plus tôt, elle avait d'ailleurs bien failli succomber à une crise semblable à celle qui venait de l'emporter.

Mais si le fait qu'Emily Arundell ait en fin de compte rendu l'âme ne surprit pas grand monde, il en alla tout autrement de son testament. Les dernières volontés de la défunte suscitèrent en effet les réactions les plus diverses : stupeur, commentaires hilares, vertueuse réprobation, fureur, désespoir, colère et commérages à n'en plus finir. Pendant des semaines — voire des mois ! —, il ne devait plus être question que de ça à Market Basing. Chacun tenait à y aller de son grain de sel, de Mr Jones, l'épicier, qui clamait à tous les échos que « les liens du sang, c'est tout de même sacré », jusqu'à Mrs Lamphrey, la receveuse des postes, qui répétait jusqu'à plus soif : « Ça cache quelque chose, je vous en fiche mon billet. Ça cache quelque chose et vous m'en direz des nouvelles. »

Que le testament n'ait été rédigé que sur le tard, le 21 avril, ajoutait encore aux spéculations. Si l'on se remémore de surcroît que les proches d'Emily Arundell étaient venus passer le week-end pascal avec elle juste avant la date fatidique, on comprendra sans peine que les populations aient pu échafauder les théories les plus scabreuses – heureuse diversion dans le morne train-train quotidien de Market Basing.

Quelqu'un était à juste titre soupçonné d'en savoir sur la question plus long qu'elle ne voulait bien l'admettre. C'était miss Wilhelmina Lawson, la dame de compagnie de la défunte. Miss Lawson déclarait cependant à qui voulait l'entendre qu'elle se perdait en conjectures comme tout un chacun. Et elle se plaisait à avouer que la teneur du testament l'avait laissée pantelante.

Beaucoup, on s'en doute, n'en croyaient pas un traître mot. Néanmoins, que miss Lawson fût ou non aussi ignorante qu'elle le prétendait, une seule personne eût pu le dire. Et la personne en question c'était la morte. Selon une habitude bien ancrée, miss Arundell avait gardé le fond de sa pensée pour elle. Même à son notaire elle n'avait rien laissé entrevoir des motifs qui la poussaient à agir ainsi qu'elle le faisait. Et ses dernières volontés, elle s'était contentée de les décréter – sans fioritures.

Cette propension au mutisme était le trait dominant du caractère d'Emily Arundell, créature en tous points typique de sa génération. Elle en possédait les qualités et les défauts. Autoritaire et volontiers arrogante, elle pouvait se montrer parfois des plus chaleureuses. Capable de vous dire vos quatre vérités en face, elle savait faire preuve d'une gentillesse extrême. Sous des dehors d'un sentimentalisme bêlant, elle cachait des trésors de perspicacité. Ses innombrables dames de compagnie, elle les avait certes malmenées sans pitié, mais toujours récompensées avec le maximun de générosité. Son sens de la famille, enfin, était poussé au plus haut degré.

Peu avant sa mort, le vendredi de Pâques, Emily Arundell trônait encore dans le hall de Littlegreen et donnait ses instructions à miss Lawson.

Ravissante jeune fille en son temps, Emily Arundell avait encore de beaux restes. Bon pied bon œil, elle se tenait droite comme un i. Son teint, seul, tirait un peu vers le jaune et signalait qu'elle ne pouvait se laisser impunément aller à des excès alimentaires.

Miss Arundell en vint tout naturellement à s'enquérir :

— A propos, Minnie, comment avez-vous prévu de les installer ?

— Je... j'espère n'avoir pas commis d'impair : le Dr et Mrs Tanios dans la chambre de Chêne, Theresa dans la chambre Bleue et Mr Charles dans l'Ancienne Nurserie...

Miss Arundell la coupa :

— Theresa pourra parfaitement se contenter de l'Ancienne Nurserie, et vous mettrez Charles dans la chambre Bleue.

— Oh ! pardonnez-moi... Je m'étais dit que l'Ancienne Nurserie était moins confortable et que...

— Elle est bien assez confortable pour Theresa.

Du temps de miss Arundell, les femmes étaient quantité négligeable. Dans la société, c'étaient les hommes qui comptaient.

— Je suis tellement navrée que les chers petits ne viennent pas, larmoya miss Lawson.

Elle adorait les enfants - dont elle était parfaitement incapable de se faire obéir.

— Quatre personnes à la maison, ce sera bien suffisant, assura miss Arundell. D'ailleurs Bella pourrit ses enfants. Il ne leur viendrait jamais à l'idée de faire ce qu'on leur demande.

— Mrs Tanios est une mère très dévouée, murmura Minnie Lawson.

Bella est une femme remarquable, approuva miss Arundell avec un sérieux imperturbable.

Miss Lawson soupira :

— Ce doit être parfois très dur, pour elle... vivre ainsi au bout du monde... à Smyrne.

— Comme on fait son lit on se couche, rétorqua Emily Arundell sur un ton sans réplique.

Et, sur cette déclaration très Grand Siècle, elle ajouta :

— Maintenant, je vais au village passer les commandes pour le week-end.

— Oh, miss Arundell, laissez-moi faire. Je veux dire...

— Ne soyez pas sotte ! Je préfère y aller moi-même. Rogers a besoin d'être secoué. Le problème avec vous, Minnie, c'est que vous n'êtes pas assez ferme. Bob ! Bob ! Où est encore passé ce chien ?

Un terrier à poils durs dévala l'escalier en trombe. Il se mit à tournicoter autour de sa maîtresse, remuant la queue et jappant frénétiquement.

Maîtresse et chien franchirent la porte d'entrée et s'éloignèrent dans l'allée qui menait au portail.

Miss Lawson resta sur le perron à les suivre du regard, la bouche entrouverte en un sourire niais.

— Ces taies d'oreiller que vous m'avez données, m'selle, eh ben elles font pas la paire, déclara soudain dans son dos une voix revêche.

— Quoi ? Oh ! que je suis bête...

Arrachée à ses rêves, Minnie Lawson dut se replonger, une fois de plus, dans ses tâches domestiques.

Quant à miss Arundell, flanquée de Bob, c'est avec des airs de souveraine qu'elle descendait la rue principale de Market Basing.

Et cela évoquait en effet beaucoup une visite royale.

Dans tous les magasins où elle entrait, le patron - ou la patronne - se précipitait pour s'occuper d'elle.

C'était miss Arundell de Littlegreen House. C'était « l'une des plus anciennes clientes ». C'était « quelqu'un de la vieille école. Au jour d'aujourd'hui les gens comme ça on les compte sur les doigts de la main ».

— Bonjour, miss. Que vais-je avoir le plaisir de vous servir ?... Pas tendre ? Vraiment, si je m'attendais à entendre ça... Et moi qui me disais qu'une jolie petite selle d'agneau comme ça... Oui, bien sûr, miss Arundell. Si vous le dites, c'est parole d'Evangile... Non, vous pensez bien ! Jamais il ne me viendrait à l'idée de vous livrer du Canterbury à vous, miss Arundell. Mais oui, bien sûr ! j'y veillerai personnellement, miss Arundell.

Grondant en sourdine, poil hérissé, Bob et Spot, le chien du boucher, se tournaient autour avec lenteur. Spot était un solide molosse d'ascendance plébéienne. Il savait qu'il ne devait pas se battre avec les chiens des clients, mais il s'autorisait à leur faire comprendre, de manière subtile, qu'il était prêt à les réduire en chair à pâté pour peu que l'occasion lui en fût donnée.

Bob, qui ne manquait pas de cran, lui répondait sur le même registre.

Emily Arundell lança un « Bob » définitif et quitta la boutique.

Chez le marchand de légumes siégeait une auguste assemblée. Une autre vieille personne, aux formes quelque peu sphériques mais dotée du même air de royale distinction, l'accueillit comme chez elle :

— Comment va, Emily ?

— Bonjour, Caroline.

— Vous attendez la jeune classe ? demanda Caroline Peabody.

— Oui. Ils viennent tous. Theresa, Charles et Bella.

— Ainsi donc, Bella est rentrée, c'est ça ? Son mari aussi ?

— Oui.

Un mot, un seul - mais il évitait de s'étendre sur une situation que les deux femmes ne connaissaient que trop.

Car Bella Biggs, la nièce de miss Arundell, avait épousé un Grec. Or, dans la famille d'Emily Arundell, gens de bon ton s'il en fut, on n'était pas censé épouser des Grecs.

D'un ton qui se voulait discrètement réconfortant - bien entendu, un tel sujet ne pouvait être évoqué en public -, miss Peabody ajouta :

— Le mari de Bella est très intelligent. Et puis il a de si bonnes manières :

— Des manières exquises, voulut bien admettre miss Arundell.

Une fois dans la rue, miss Peabody s'enquit :

— Qu'est-ce que c'est que cette histoire de fiançailles de Theresa avec le petit Donaldson ?

Miss Arundell haussa les épaules.

— La jeune génération est d'une insouciance ! J'ai bien peur que ce ne soient des fiançailles qui tirent en longueur - si toutefois elles se concrétisent. Il n'a pas le sou.

— En revanche, Theresa possède une certaine fortune personnelle, dit miss Peabody.

— Un homme ne peut sérieusement songer à vivre aux crochets de sa femme, répliqua sèchement miss Arundell.

Miss Peabody laissa échapper un petit rire de gorge.

— Ça n'a plus l'air de les déranger, de nos jours. Nous sommes vieux jeu, Emily. Toutes les deux. Moi, ce que je n'arrive pas à comprendre, c'est ce que cette petite peut bien lui trouver. Dans le genre grand dadais, on ne fait pas mieux.

— C'est un excellent médecin, je crois.

— Ces besicles... et ce ton guindé ! De mon temps, on l'aurait traité de raseur !

Il y eut un silence, au cours duquel les pensées de miss Peabody vagabondèrent dans le passé, avec son cortège de sémillants gommeux à favoris...

Elle ajouta en soupirant :

— Dites à ce chien fou de Charles de passer me voir - s'il vient.

— Bien sûr. Je n'y manquerai pas.

Les deux femmes se séparèrent.

Elles se connaissaient depuis cinquante ans bien sonnés. Miss Peabody n'ignorait rien de certaines frasques regrettables du général Arundell. Le père d'Emily. Elle savait exactement quel choc le mariage de Thomas Arundell avait été pour ses sœurs. Et elle avait une idée très précise des problèmes de la jeune génération.

Mais les deux femmes n'avaient jamais évoqué aucune de ces questions. Elles possédaient toutes deux un sens trop aigu de la dignité et de la solidarité familiales, pour ne pas observer en ce domaine une discrétion de bon aloi.

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