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Commentaires de livres faits par tetedor77fcmetz

Extraits de livres par tetedor77fcmetz

Commentaires de livres appréciés par tetedor77fcmetz

Extraits de livres appréciés par tetedor77fcmetz

date : 08-12-2013
La Terre, vieille de plusieurs millions d’années, poursuivait le petit trajet qu’elle s’était tracé. Cependant, la nature y était toujours en ébullition. Les orages violents, le tonnerre, les éclairs, l’ouragan et les tremblements de terre étaient son lot quotidien. Une fumée grise s’échappait du sommet du mont Damavand. Dans la nuit, elle se muait en flammes orangées dont le reflet scintillait à la surface du lac voisin. La chaîne de montagnes qui encerclait ce lac était tapissée d’une végétation dense, terrain de prédilection des animaux sauvages, parmi lesquels un groupe de grands singes récemment installés. Relativement évolués, ces singes, qui devaient représenter dans l’évolution le chaînon reliant les mammifères à l’homme, vivaient en communautés familiales, par crainte des grands fauves. Au sein de ce groupe, on trouvait deux communautés à la notoriété mieux établie et entretenant des rapports plus étroits.
La première d’entre elles, celle de Dahaqui, se composait de sa vieille compagne Ritiqui et de ses plus jeunes enfants, sa fille Taqua et son fils Zizi. Le reste de la progéniture s’était dispersé dans la jungle sans plus jamais donner de nouvelles.
L’autre famille, les Quiçaquiqui, avait une allure exceptionnelle : les cheveux grisonnants, le visage épanoui, les joues creuses, de fortes mâchoires, la bouche large, de longues dents, de grosses oreilles rondes, des yeux couleur lie-de-vin bien enfoncés dans le crâne. Le patriarche Quiçaquiqui avait aussi un nez écrasé sous lequel pendait une vénérable barbe d’une longueur extraordinaire, et une lippe inférieure par trop tremblotante. Son cou épais, trop court, s’enfonçait dans sa poitrine, et ses bras puissants et virils se terminaient par de longues mains. Son large poitrail surplombait un gros ventre aussi bombé que ses fesses. Il marchait les genoux fléchis en s’appuyant sur un bâton, mais portait fièrement sa tête ornée d’une touffe de cheveux roux. Sa fille, la jeune Vistsit, ne se ditinguait, elle, que par le vert de ses yeux.
Avant l’arrivée de Quiça, les singes menaient une vie paisible : ils mangeaient et s’aimaient. Leurs préoccupations quotidiennes se résumaient à combattre la faim, le célibat, la vieillesse, la maladie, et à lutter contre les autres grands animaux. Mais Quiça leur inculqua une nouvelle notion : l’envie. Son ambition consistait à devenir le chef de la tribu Dahaqui. Malgré sa longue barbe qui attirait une foule de singes respectueux, il n’atteignit son but que le jour où Dahaqui se retrouva la mâchoire brisée au cours d’un combat contre deux tigres. Devenu invalide, il dut alors céder sa position de chef à Quiça.
Voici comment tout arriva : [...]
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41
A l’océan la goutte d’eau s’était mêlée
Une poussière au sol s’est de nouveau collée.
Peux-tu dire pourquoi tu vins en ce bas monde ?
Une mouche est venue et puis s’est envolée.


42
Tu veux savoir ce que l’image abstraite exprime ?
Il serait long d’en expliquer le sens intime.
Sache ceci : l’image a jailli de la mer
Et puis est retournée à son profond abîme.


43
Une coupe où l’esprit voudrait sans fin puiser,
Dont il couvre le front de cent et cent baisers…
Quoi ! l’éternel potier qui fit cette merveille,
La précipite à terre afin de la briser !


44
Fracasser cette coupe, un ivrogne lui-même
Ne l’oserait. Ces bras et ces têtes qu’on aime
Furent ainsi pétris, refondus. Quel amour
Ou quelle haine ont eu cette audace suprême ?
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date : 08-12-2013
TABLE

La Chambre noire
Le Mannequin derrière le rideau
Les Masques
Le Miroir Brisé
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date : 08-12-2013
Cependant, Ahmadak, les bras enchaînés, gisait au fond de la grotte. Au matin, lorsqu’un rayon de soleil en éclaircit un coin, il s’aperçut que quelqu’un le prenait par les bras et le secouait. Ouvrant les yeux, il vit un très grand derviche aux longues moustaches.
« Comment se fait-il que tu sois ici ? », demanda ce dernier.
Ahmadak lui conta sa mésaventure. Le derviche le délivra et lui apporta de quoi se restaurer. Puis, une fois le repas achevé, Ahmadak se prépara :
« Maintenant, je vais partir à le recherche de mes frères et les aider. »
« Ce n’est pas encore le moment ! Si tu es découvert, tu seras trahi. Mais si tu es si brave, va au pays de l’Éternel Printemps chercher l’Eau de Jouvence. C’est par elle que tu pourras mettre fin à tes malheurs. »
« Quelle est la route qui y mène ? »
« Je te la montrerai. L’Eau de Jouvence se cache derrière le mont de Ghaf. » *
Alors, il alla chercher une flûte dans un coin de la grotte et la lui offrit : « Garde-la en souvenir. »
Ahmadak glissa la flûte dans sa poche, et ils sortirent de la grotte. Le derviche l’accompagna jusqu’au croisement de trois routes et lui indiqua un chemin rocailleux et bordé de fossés. Ils se séparèrent et Ahmadak se mit en route. Chemin faisant, il jouait de la flûte ; les oiseaux et les bêtes l’escortaient. Il était midi quand il atteignit un vieux chêne. « Je vais me reposer un peu puis je reprendrai ma route », se dit-il. Son sommeil fut bref : un bruissement le réveilla. Ouvrant les yeux, il put distinguer un énorme dragon qui se glissait dans l’arbre. En haut, se trouvait un nid d’oiseaux.
A son approche, les oisillons s’égosillaient, et Ahmadak réalisa vite que le monstre s’apprêtait à les avaler. Il bondit, saisit une très grosse pierre et la lui lança. Elle atteignit sa tête et le tua net.
Tous les ans, ce dragon se régalait des oisillons de Simorgh** avant même qu’ils aient appris à voler. Mais cette fois, Ahmadak l’en avait empêché. Rassuré, il s’autorisa à se recoucher.
Cependant Simorgh s’envola en haut de la montagne, y saisit une pierre avec laquelle il visa la tête d’Ahmadak, persuadé que c’était lui, qui chaque année venait dévorer ses petits. Mais ceux-ci s’écrièrent : « Non ! Si cet homme n’était pas intervenu, le dragon nous aurait avalés. »
Simorgh alla se débarrasser de son caillou au loin et revint les nourrir. Il ouvrit ensuite ses ailes au-dessus d’Ahmadak comme pour le protéger du soleil. Midi était largement passé quand il se réveilla.
« Jeune homme,» promit Simorgh, « je te donnerai tout ce que tu me demanderas. Mais dis-moi d’abord quelle est ta destination ? »
« Je veux rejoindre le pays de l’Éternel Printemps. »
« Pourquoi là ? C’est très loin. »
« Je suis en quête de l’Eau de Jouvence pour sauver mes frères. »
« Je vois. Mais, c’est une tâche bien difficile. Tiens, prends d’abord une de mes plumes et garde-la toujours sur toi. Si un jour, tu as besoin de mon aide, tu trouveras toujours un moyen d’atteindre le haut d’un toit. Tu y brûleras la plume, et j’arriverai aussitôt pour t’aider. Maintenant, assieds-toi sur mes ailes. »
Simorgh se posa. Ahmadak lui ôta une plume et la cacha. Ensuite, ils montèrent dans le ciel.
Lorsqu’Ahmadak mit pied à terre, le soleil glissait derrière la montagne Ghaf. Au milieu de la vallée qui s’étirait sous ses yeux, on apercevait une grande ville aux magnifiques portails. Il fit ses adieux à Simorgh et se mit en marche.
Il y avait des jardins et des habitations à perte de vue. Les gens étaient vifs et joyeux. Ils cultivaient la terre, jouaient de la musique et se réjouissaient. Les animaux ne craignaient pas les hommes : les biches broutaient au calme, les lapins mangeaient dans la main et les oiseaux chantaient sur les branches. Les arbres fruitiers étaient lourds et bas. Ahmadak fit une petite cueillette qu’il mangea. Il alla ensuite à une source qui jaillissait de terre. Il y trempa son visage. Ses yeux virent alors si clair qu’il arrivait à distinguer le vent à une lieue de distance. Il aspergea ses oreilles et son ouïe devint si fine qu’il put entendre l’éternuement des moustiques.
Il était si joyeux qu’il sortit sa flûte et joua. Alors, un troupeau de moutons descendit des collines. La bergère qui les accompagnait était si belle qu’elle semblait dire à la lune : « Ne brille pas, je suis sortie. » Elle avait la chevelure soyeuse et les dents pures comme la perle.
Au premier regard, Ahmadak en tomba amoureux.
« Quel est ce lieu ? »
« C’est le pays de l’Éternel Printemps. »
« Je suis à la recherche de l’Eau de Jouvence, l’eau de la Vie. Veux-tu m’en montrer la source ? »
« Toute eau donne la vie, » sourit-elle. « Il n’y a pas de source unique. »
Ahmadak réfléchit un court instant :
« Pourtant il me semble que j’ai changé. Comme si tout ceci était un rêve. Je vois des choses dont j’avais entendu parler mais auxquelles je ne pouvais croire.”
« Mais, d’où viens-tu ? »
Ahmadak lui conta son histoire depuis le début avec force détails et ajouta qu’il venait chercher l’Eau de Jouvence pour la guérison de son père et de ses frères.
La jeune fille le prit en pitié :
« Dans notre pays, il n’y a pas une source d’Eau de Jouvence particulière. D’ailleurs, c’est dans les pays des aveugles et des sourds qu’on l’a nommée ainsi. Mais, entre nous, si tes frères n’ont pas le sens de la liberté, ne perds pas ton temps. Parce que même l’Eau de Jouvence ne sera pas leur remède. »
« Peut-être que je me trompe. Après tout, je ne vous comprends pas très bien, vous autres. Ici, tout est comme dans un pays de rêves. D’ailleurs, je suis très fatigué et il me faut rentrer en ville. »
« Tu es un gentil garçon. Si tu viens dans notre maison, tu y seras chez toi. »
Elle le mena chez elle et le présenta à sa mère.
« Soyez le bienvenu ! Restez ici, et faites comme chez vous. »
L’amour d’Ahmadak pour la jeune bergère allait grandissant. Après quelques jours de promenade en ville, son inactivité lui pesa et il finit par en faire part à la mère :
« Je voudrais trouver du travail. »
« Qu’est-ce que tu sais faire ? »
« Pas grand-chose. Je n’ai que deux bras mais je ferai n’importe quoi. »
« Non, il te faut un travail que tu aimes et dont tu sois capable. »
Ahmadak réfléchit un court instant :
« Dans la ville de mon père, je travaillais chez un droguiste. Je connais le nom de certains médicaments. »
« Justement, le pharmacien de notre rue cherche de l’aide. Va travailler chez lui, si cela te plaît. »
« Je ne demande pas mieux », se réjouit Ahmadak.
« Puisque tu n’es pas un fainéant, reste chez nous. »
Dès lors, Ahmadak passa ses journées à la pharmacie et rentra le soir chez la bergère. Petit à petit, il s’instruisit et put s’occuper des clients. Sa situation allait s’améliorant. Il apprit même la serrurerie et le métier de charpentier. Son père lui avait toujours conseillé le travail manuel.
Un jour, dans un festin, il se maria avec la jeune bergère. Il trouva la liberté et la joie dans la vie conjugale. Il se fit des amis.
Son seul souci restait la condition de son père et de ses frères. Il guettait toute information et questionnait les étrangers arrivés en ville. Toujours en vain.
Il finit par se lier d’amitié avec un client aveugle de la pharmacie qui lui dit :
« Ne blasphème pas. Ce n’est pas de Hassani le bossu que tu parles, c’est de notre prophète. Il est arrivé l’an dernier au pays des Pépites d’Or et y a fait des miracles. Je veux dire que nous étions égarés, que nous souffrions du mal de nos yeux aveugles. Il nous a sauvés, nous a encouragés et nous a promis le paradis. Nous nous sommes enhardis grâce à lui, et maintenant tout le monde travaille à son service et récolte l’or. Lui, il fait des sermons et nous guide. Si je viens ici, ce n’est pas pour guérir mes yeux. D’ailleurs, je me méfie de cette Eau de Jouvence. Nous avons assez d’eau au village. J’en ai même apporté avec moi. Je suis ici uniquement pour me faire faire des yeux factices. »
Et, il désigna du doigt le sac qu’il portait sur l’épaule.
Ce fut une révélation pour Ahmadak. Il comprit que le derviche avait eu raison. Il se tut et se renseigna auprès d’autres personnes. Il apprit que Hosseyni le chauve, lui aussi, avait volé et assassiné les habitants du pays de la Lune Radieuse. Il eut pitié de ses frères, aveuglés et esclaves de l’avidité et des biens terrestres. « Il faut que je les sauve », se dit-il. Il se résolut à demander à son patron pharmacien : « Depuis un an que je travaille sous vos ordres, j’ai enfin compris le sens de la vie et de la liberté. J’étais analphabète et je ne le suis plus. Je ne savais rien faire et maintenant je connais plusieurs métiers. C’est ici que j’ai trouvé la joie de respirer l’air pur, celle de travailler et celle de m’amuser. Mais, j’ai donné ma parole d’homme à mon père. Je dois donc prendre congé. »
« Je serai navré de te voir partir. Mais, comme tu as été un garçon plein de bonne volonté, tu peux me demander ce que tu voudras. »
« Il me faut le remède pour les sourds et les aveugles.»
« C’est bien la moindre des choses. Ne sais-tu pas comment l’on nomme notre eau au pays des Pépites d’Or et de la Lune Radieuse ? Une outre de cette eau te suffira pour les guérir tous. Mais, c’est une tâche difficile. Les sourds et les aveugles sont nos ennemis héréditaires. Tout cela parce que nous n’adorons ni l’or ni l’argent. Nous vivons libres. Tandis qu’eux sont des maîtres, uniquement parce que leurs peuples sont sourds et aveugles. »
« Je m’en fiche ! Je n’ai pas peur, je dois les sauver. »
« Tu es un garçon intelligent et de toute façon, je ne t’empêcherai pas. »
Ils se donnèrent l’accolade et se dirent adieu. Ensuite, il alla embrasser sa femme et partit en direction du pays des Pépites d’Or, il en passa la frontière et aperçut, assis et fumant l’opium, des gardes aveugles en casque et armure d’or.
« Ô inconnu, qui es-tu et que veux-tu ? »
« Je suis une pauvre créature de Dieu, un commerçant d’or venu se convertir à la nouvelle religion. »
« Bénie soit ta pureté. Sois le bienvenu. »
Partout en ville, Ahmadak ne voyait que des aveugles sales, malades et misérables, assis au bord de la rivière dont le lit s’était creusé à force d’être exploité. Les hommes étaient attachés à une chaîne d’or. Leurs logis ressemblaient plutôt à des étables. Ils travaillaient à mains nues sous l’étroite surveillance de gardes armés de fouets. La terre était abandonnée et désertique. Les oiseaux s’étaient enfuis et les arbres avaient séché.
Il eut pitié d’eux. Il saisit sa flûte et se mit à jouer un air qu’il avait appris au pays de l’Éternel Printemps. De nombreux habitants vinrent s’agenouiller à ses pieds et lui offrirent des sacs remplis d’or.
« Je n’ai pas besoin de votre or. Mais laissez-moi vous sauver de votre infirmité d’aveugles. Je viens du pays de l’Éternel Printemps et j’ai apporté de l’Eau de Jouvence. »
Une rumeur gronda parmi l’assistance ; finalement un groupe accepta. Ahmadak frotta leurs yeux avec l’Eau de Jouvence, et leur rendit la vue.
Ils furent aussitôt terrifiés par leur condition déchirante. Ils se révoltèrent contre les riches et les puissants. Ils arrachèrent leurs chaînes et la rumeur courut la ville entière : ils brûlèrent les cartons imprimés des discours de Hassani.
Lorsque ces nouvelles parvinrent aux capitales, Hassani et le roi s’inquiétèrent. Le premier se rappela alors le diablotin du puits : « Méfie-toi de l’Eau de Jouvence. »
Il fut donc ordonné d’éliminer tous les nouveaux voyants ainsi que le profane du pays de l’Éternel Printemps, celui-là même qui détournait les gens du droit chemin et de la religion. Il fallait le trouver et en faire un exemple pour les autres. Le roi décréta le supplice des candélabres, qui consiste à coller des bougies allumées sur le corps du condamné et à le faire passer dans les rues de la capitale. Le crieur public annonçait :
« Recevra cinq pièces d’or qui aura permis d’arrêter Ahmadak. »
C’est par hasard qu’un marchand d’esclaves sourds du pays de la Lune Radieuse attrapa
Ahmadak. Mais, voyant que ce dernier était un jeune homme costaud, il le prit en pitié et, par avidité, ne le livra pas. Il pensait pouvoir en obtenir plus que cinq pièces d’or. Alors, il resta silencieux jusqu’au lendemain. Il l’amena ensuite au marché aux esclaves. C’est un autre commerçant sourd du pays de la Lune Radieuse qui, trouvant Ahmadak bien bâti, l’acheta pour vingt pièces d’or. Sur le long du chemin, Ahmadak s’aperçut que les chameaux portaient de l’eau-de-vie et de l’opium au pays des Pépites d’Or. Dans l’autre sens, ils rapportaient des sacs remplis d’or.
Ils arrivèrent enfin au pays de la Lune Radieuse. À ses abords déjà, Ahmadak se rendit bien compte que ces gens-là aussi étaient pauvres. La ville était silencieuse. Tous les sourds et muets travaillaient dur afin qu’une poignée de sourds et muets riches en bénéficie.
Il n’y avait que des champs de pavots, des cheminées d’usines desquelles de la fumée d’alcool s’échappait jour et nuit. On ne trouvait ni livres, ni journaux, ni musique, ni liberté. Les oiseaux avaient fui. Un groupe de sourds et muets expiraient sous les coups de fouets et de bottes de leurs bourreaux.
Ahmadak en fut bouleversé. Il prit sa flûte et entonna un air nostalgique. Mais tous le regardaient hébétés. Seul un chameau s’approcha pour écouter. Ahmadak qui avait pitié d’eux fit boire de l’Eau de Jouvence à quelques-uns. Ceux qui en eurent, retrouvèrent l’ouïe et la parole et devinrent aguerris et révoltés. Ils déversèrent l’or dans le fleuve et le soir même, incendièrent plusieurs usines d’eau-de-vie et piétinèrent des champs entiers de pavot.
La nouvelle parvenue à la capitale, Hosseyni le chauve se fâcha tout rouge. Il ordonna l’arrestation de Ahmadak. Attrapé par la police, ce dernier fut enchaîné et montré sur la place publique comme exemple pour les autres.
Ahmadak était assis tristement dans son cachot et réfléchissait à son sort. Soudain, la porte s’ouvrit et le geôlier lui apporta le repas. Il déposa un chandelier car la nuit tombait. Ahmadak demanda alors :
« Écoute mon ami, je sais qu’on me tuera cette nuit. Alors, laisse-moi au moins grimper sur le toit faire ma prière et demander clémence au Bon Dieu. »
Le geôlier, sourd, ne saisissait pas. Mais Ahmadak arriva finalement à se faire comprendre et il fut conduit jusqu’au toit de la prison. Là, il sortit la plume de Simorgh et la brûla.
Le tonnerre gronda soudain, la terre se mit à trembler et un oiseau immense apparut dans les nuages. Il prit Ahmadak sur ses ailes et s’envola vers la montagne Ghaf.
Le peuple de la Lune Radieuse en resta bouche bée. On envoya aussitôt un courrier pour la capitale. Lorsque Hosseyni l’apprit, il en eut le sang glacé. Mais, il était persuadé que la raison de tout ceci venait du pays de l’Éternel Printemps. On y avait non seulement interdit le commerce de l’or, mais maintenant on complotait chez les pays voisins et on essayait même d’en réveiller les sujets. Il se rappela alors la conversation des trois corneilles qui l’avaient averti de se méfier de l’Eau de Jouvence, ce cadeau qu’on rapportait du pays de l’Éternel Printemps.
En conséquence, il protesta auprès des représentants de ce pays. Il s’allia au pays des Pépites d’Or, et les deux entreprirent de fabriquer des armes d’or. Ils organisèrent un défilé commun des troupes.
Hassani le bossu tenait pour sa part des discours enflammés contre le pays de l’Éternel Printemps et invitait ses sujets à la guerre. La croisade fut finalement ordonnée. Le même jour, Hosseyni le chauve, paré de rouge, réclama la guerre :
« Nous avons toujours été partisans de la paix et du bien-être des peuples. Mais depuis longtemps déjà, le pays de l’Éternel Printemps s’obstine à s’ingérer dans nos affaires intérieures et excite notre peuple. Ainsi, il y a deux ans, ils ont ouvert un ruisseau d’Eau de Jouvence qui traverse notre frontière. L’année dernière, un de leurs nuages passa la montagne de Ghaf et s’épandit sur notre pays. Un petit groupe eut alors la langue un peu longue et l’ouïe un peu trop fine. Évidemment, on les a justement punis. Cette année, c’est Ahmadak qu’ils nous ont envoyé. La fumée s’est transformée en feu ! Le pays de l’Éternel Printemps a toujours été l’ennemi de l’argent. Amis en apparence, ils sont en fait la cause de nos maux. Ils ont l’intention de réveiller nos sujets afin de brûler le plus beau royaume du monde. Notre vieil allié, le pays des Pépites d’Or, et nous-mêmes avons le devoir d’écraser le germe de tous ces maux et d’éliminer les ennemis de l’or. Vive la cécité, vive le mutisme qui ouvrent le chemin du paradis et de la vie éternelle au peuple, et qui nous donnent la possibilité de jouir pleinement de la vie terrestre. C’est donc à nous d’anéantir les ennemis de l’or ! »
Hosseyni avait signé de son empreinte digitale cet ordonnance.
Par la suite, les deux alliés attaquèrent le pays de l’Éternel Printemps en pleine nuit. Les armées d’aveugles, de sourds et de muets se mirent à piller, à saccager.
Mais craignant que les soldats ne touchent l’Eau de Jouvence, on avait prévu de construire au plus vite des châteaux d’eau dans les villes occupées et de les remplir de l’eau infectée par la poussière d’or. Chaque soldat se devait d’en attacher un flacon autour du cou et de le conserver au péril de sa vie. S’il le perdait, il serait soupçonné d’avoir bu de l’Eau de Jouvence et immédiatement condamné à mort.
Le pays de l’Éternel Printemps ne savait toujours rien de ce qui se passait. Les ambassadeurs de ses états voisins ne parlaient en effet toujours que d’amitié. Finalement alerté, on décida de lever une armée en toute hâte. Les aveugles et les sourds, telles des fourmis et des sauterelles, investirent le pays de l’Eau de Jouvence. Ils tuèrent, volèrent et détruisirent. Ils forçaient les gens à prendre de l’eau-de-vie et de l’opium. Ils ramenèrent les prisonniers chez euxAhmadak aussi prit son arc et ses flèches et partit en guerre. Sur place, il se cacha et attendit le passage des ennemis. Il visait alors leurs flacons d’eau. A la nuit tombée, lui et ses partisans, détruisaient les châteaux d’eau en dépit de la présence des gardiens. Finalement, toute celle qui avait été apportée pour les armées fut détruite.
La guerre dura longtemps et fut si sanglante que même les cadavres saignaient encore. Mais, comme les armées d’or ne résistaient plus à celles d’acier du pays de l’Éternel Printemps, elles finirent par se disperser. Les châteaux d’eau étaient tous détruits : il ne restait plus que l’Eau de Jouvence à boire. Les soldats finirent par ouvrir les yeux et entendre, et se rendirent compte de leur condition misérable. Ils comprirent qu’ils avaient été les esclaves d’une poignée d’aveugles, de sourds et muets avides d’argent ; qu’ils avaient toujours été privés de la vie et de la liberté. Ils brisèrent enfin leurs chaînes. Ils tuèrent leurs commandants et fraternisèrent avec les habitants du pays de l’Éternel Printemps. Et puis, de retour au pays, ils punirent Hassani le bossu, Hosseyni le chauve et tous les bourreaux qui leur avaient mené une telle vie. Ils s’étaient libérés de l’emprise de l’or.
Alors, Ahmadak retourna chez son père en compagnie de sa femme et de son enfant. Il lui frotta les yeux à l’Eau de Jouvence : il avait tellement pleuré qu’il en était devenu aveugle. Il retrouva la vue et ils vécurent tous dans la joie et la paix.
Qu’ainsi soit notre destin. Mais la corneille vole toujours.
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date : 08-12-2013
Hosseyni avait pris la route de l’est. Il la suivit jusqu’à une forêt, si fatigué qu’il s’endormit au pied d’un arbre. Au petit matin, il entendit converser trois corneilles.
« Tu dors, ma sœur ? »
« Non, je suis réveillée ».
« Quoi de neuf ? »
« Oh, si les hommes savaient ce que nous savons ! … Le roi du pays de la Lune Radieuse vient de mourir et, comme il est sans héritier, demain ils lâcheront un faucon. Sera roi celui sur la tête duquel le faucon se posera. »
« Qui sera couronné roi ? »
« Celui qui couche au pied de cet arbre. À la condition qu’il se couvre d’une tripe de mouton et entre en ville. Alors, alors seulement, le faucon se posera sur lui. Mais, comme il est étranger, le peuple ne l’acceptera pas et on l’enfermera dans une geôle. Il faudra qu’il ouvre la fenêtre pour que le faucon revienne se poser sur sa tête. »
« Peuh ! Le roi des Sourds » !
« Tu connais un remède ? »
« L’Eau de Jouvence »
« Mais une fois guéris, s’ils retrouvent leur sens, ils n’obéiront plus à leur maître. Ceux que tu vois pendus à ces arbres l’ont été parce qu’ils voulaient aider leurs semblables. »
À ces mots, elles s’envolèrent en croassant.
Hosseyni ouvrit les yeux et aperçut deux pendus attachés à son arbre. D’effroi, il s’enfuit. Chemin faisant, il tomba sur une chèvre en retrait de son troupeau. Il lui coupa la tête et se couvrit le chef de sa tripe. Au crépuscule, il atteignit une ville d’où s’élevaient bruits et rires. Son cœur s’emplit de joie. Il alla ensuite attendre sur une ruine.
Mais, soudain, un faucon fondit et lui enserra la tête. Les gens accoururent de toutes parts, le prirent dans leurs bras et éclatèrent de joie. Mais, dès qu’ils réalisèrent qu’il était un étranger, ils le conduisirent dans une prison et l’y enfermèrent. Hosseyni ouvrit aussitôt la fenêtre et le faucon revint se poser sur sa tête.
Cette fois, on l’installa dans une voiture recouverte d’or, tirée par quatre chevaux, et un cortège l’escorta jusqu’à un palais somptueux. Là, il fut lavé, revêtu des pieds à la tête de riches habits, placé sur un trône orné de bijoux. On le couronna, même. Hosseyni (qui, de bonheur, ne tenait plus en place) regardait bouche bée à l’entour. Alors, un aveugle aux splendides habits s’avança jusqu’à lui, s’agenouilla et dit :
« Seigneur, que cette stèle de l’univers soit bénie ! Acceptez mes félicitations avec celles de tous ceux présents ici. »
Hosseyni se racla la gorge, prit son air grave et, d’une voix sentencieuse :
« Qui es-tu ? »
« Que cette stèle de l’univers reste bénie. Les habitants de ce pays sont tous sourds-muets. Quant à moi, je suis un étranger, commerçant venu du pays des Pépites d’Or. On m’a confié la mission de vous féliciter.”
« Et ici, où suis-je ? »
« Ce pays se nomme le pays de la Lune Radieuse. »
« Va, et assure les gens de ton pays de nos bonnes intentions. Nous avons toujours pensé à eux et souhaitons que, grâce à nous, ils retrouvent la paix. »
« Les intentions de Sa Majesté... »
« Dis-leur de retourner au travail », coupa Hosseyni. « Assez de bavardages. Tu m’entends ? Or-donne qu’on me prépare un dîner. »
Le commerçant aveugle transmit les ordres à l’intendant, et tous partirent. L’intendant seul s’approcha, s’agenouilla et se retira ainsi.
Hosseyni se leva, s’étira et se dit : « Quelle bande d’imbéciles ! Ils me croient leur jouet. Attends, ils vont voir ce qu’il vont voir !... »
Il pénétra alors dans une pièce où l’on avait dressé une grande table recouverte de toutes sortes de mets, et aussi grande que la pièce.
Il était tellement heureux qu’il dansait autour tout en goûtant à tous les plats. Enfin, il saisit un dindon qu’il engloutit entièrement, puis but quelques bols de yaourt et du jus de fruit sucré. Repu, il alla se coucher.
Le lendemain, il se réveilla vers midi et reçut ministres, généraux, gouverneurs, bouffons, nobles et bourgeois, ambassadeurs et commerçants. Tous s’annonçaient par groupes, courbaient la tête devant lui, se faufilaient le long des murs et tentaient de lui manifester leur sympathie par de petits gestes de déférence.
Quand il s’agissait de faits importants qui commandaient le sceau royal, ils les inscrivaient sur un cahier et le lui tendaient. Mais comme Hosseyni était analphabète, il avait nommé comme ministres deux commerçants aveugles venus du pays des Pépites d’Or afin qu’ils lui expliquent la demande et y satisfassent d’eux-mêmes.
Bref, ils exagérèrent tous leurs compliments, et Hosseyni s’y perdit : traité d’abord en Reflet de Dieu puis en Dieu terrestre par les poètes, les savants, les bouffons et autres courtisans, il se prit au sérieux. La peau du ventre bien tendue, oubliant son passé de misérable, on n’osait plus lui faire la moindre remarque, ne fut-ce qu’un rien du tout. Puis il entreprit de coffrer et boucler les gens, répendant la terreur à l’aide de ses sbires, bourreaux et acolytes. C’était l’apothéose.
Le peuple se mit à le craindre, au point que tous finirent par gronder.
Les sujets du pays de la Lune Radieuse étaient forcés de cultiver le pavot, d’extraire l’alcool triple-sec afin d’intéresser ceux du pays des Pépites d’Or. Et tout cet argent revenait à Hosseyni et à son entourage. Bref, le peuple vivait dans la misère et, peu à peu, la maladie des yeux de ceux-là se substitua à la maladie de ceux-ci. Hosseyni lui-même devint sourd.
Mais cela ne l’empêchait pas de se livrer à la débauche en compagnie de ses bouffons et des commerçants aveugles. Il en oublia complètement son père et son vœu.
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date : 08-12-2013
Hassani le bossu continua son chemin jusqu’à ce qu’il n’ait plus de pain ni d’eau. C’était au crépuscule et il se trouvait dans la forêt. Il aperçut une lumière bleue au loin ; elle provenait de la hutte d’une sorcière.
« Bonsoir grand-mère », dit-il à la vieille assise. « Je vous en prie, ayez pitié de moi pour l’amour de Dieu. Je suis étranger et perdu. Gardez-moi pour la nuit et donnez-moi à boire et à manger avant que je défaille de faim et de soif. »
« Peut-on inviter un bon à rien comme toi, un bossu de surcroît ? » répondit la vieille. « Mais tu me fais pitié. Si tu fais ce que je te demande, je t’aiderai. »
« Bien entendu, tout ce que vous voudrez, s’empressa de répondre Hassani : je ferai tout ce que vous m’ordonnerez. »
« Va au puits sec derrière la maison ; il y a une bougie éternelle à la lumière bleue qui y est tombée. Rapporte-la moi. »
La vieille femme le nourrit et l’accompagna ensuite jusqu’au puits. Hassani se glissa dans un seau et descendit jusqu’au fond du puits. Il ramassa la bougie et en avertit la vieille, qui le remonta. Arrivé au bord, elle tendit la main pour récupérer la bougie. Hassani, méfiant, se ravisa :
« Non, pas tout de suite. Faites-moi d’abord toucher terre, je vous donnerai ensuite la bougie. »
La vieille femme se fâcha et lâcha la corde du seau. Hassani retomba au fond. Mais la bougie se consumait toujours. Et lui, que pouvait-il faire désormais ? Conscient qu’il était condamné à mourir là, il broyait du noir. Il sortit sa pipe et se dit : « C’est bien la dernière chose qu’il me reste ! » Il l’alluma à la flamme bleue de la bougie et tira quelques bouffées. La fumée envahit le fond du puits. Il aperçut alors un diablotin noir et trapu qui se tenait devant lui les bras croisés, et lui dit :
« Je suis votre serviteur, votre esclave. »
« Aide-moi d’abord à remonter à la surface. Ensuite, j’aurai besoin d’argent et d’une situation. »
Le diablotin mit Hassani sur ses épaules et le sortit à l’air libre.
« Si tu veux de l’argent et une situation, voilà la route à suivre. Prends-là et tu arriveras à une ville où tu deviendras un notable. Mais, il faut à tout prix que tu évites l’Eau de Jouvence. » Il lui indiqua ensuite la direction.
Hassani lâcha la bougie d’émotion. Elle retomba au fond du puits. Il regarda, mais ne vit plus le diablotin qui avait disparu sur le coup. On aurait dit de l’eau, absorbée par le sol.
Alors, il s’éloigna dans la pénombre, par le chemin que le diablotin lui avait désigné. A l’aurore, il atteignit une ville construite au bord d’une rivière, dont il était évident que tous les habitants étaient aveugles. Il s’assit sur un quai, se rafraîchit le visage et but un peu d’eau. Puis, il demanda à l’un d’eux :
« Dis-donc, vieil homme, où sommes-nous ? »
« Comment ? Ne sais-tu donc pas que tu es dans le pays des Pépites d’Or ? »
« Je suis étranger et viens d’un pays lointain. Je ne connais personne ici. Donne-moi quelque chose à manger, pour l’amour de Dieu ! »
« Ici, rien n’est gratuit. Donne-moi une poignée de cailloux de cette rivière et je te donnerai du pain. »
Hassani se saisit d’une poignée de pépites dans le sable et remarqua qu’elles étaient constituées de poudre d’or. Il s’en réjouit et s’exécuta. Il prit du pain et mangea. Ensuite, il emplit ses poches de cette poussière d’or et pénétra dans la ville.
C’était une véritable cité, mais dont les maisons ressemblaient à des bergeries. Leurs toits semblaient des dômes empilés les uns sur les autres ; les habitants y logeaient, ou dans des cavernes. Jour et nuit étaient identiques. Aucune lumière.
Les avis officiels et les brochures étaient gravés en braille sur des cartons. Les hommes, maussades, mal vêtus et sales avaient les yeux gonflés, grouillant les uns sur les autres comme des vers.
« Dites-donc, mon vieux ! Pourquoi les gens sont-ils tous aveugles ?, » demanda Hassani à l’un d’entre eux.
« La terre de ce pays est mélangée à de la poudre d’or qui fait perdre la vue. Nous attendons un prophète qui doit venir nous guérir. Il est vrai que nous sommes très riches, mais nous préférerions être mendiants pour voir encore le monde. C’est pourquoi nous restons dans notre coin. »
Hassani saisit l’occasion qui s’offrait. Il est facile de tromper ces gens-là se dit-il, et de les abuser. Que me manque-t-il pour devenir prophète ? Alors, il monta sur la chaire de la place publique et cria :
« Oyez, braves gens ! Sachez que je suis le prophète que le Bon Dieu vous avait promis. J’ai un message pour vous. Dans sa grande miséricorde, il voulait vous mettre à l’épreuve, et vous a privés de la vue pour que vous puissiez rechercher la vérité profonde. Elle seule vous ouvrira les yeux. Se connaître, telle est la croyance. Le monde est plein de tentations diaboliques et d’illusions. Le proverbe dit : « Cœur désire ce que voit l’œil ». Donc, vous qui ne voyez pas, vous êtes protégés des tentations diaboliques et vivez paisiblement, à l’abri de la méchanceté. Aussi, soyez patients et remerciez le Bon Dieu qui vous a fait don d’un tel sens de l’honnêteté. Ce monde est éphémère et mortel tandis que l’autre est éternel ; et moi, je vous y conduirai. »
On se rallia à lui par groupes entiers et Hassani, pour conserver son prestige, multipliait les grands prêches au sujet du diable et des anges, du jour de la résurrection, du Paradis, de l’Enfer, du destin et du poids de la pierre tombale, ad libitum.
Et eux d’imprimer ces discours en braille sur du carton pour les diffuser massivement. Bientôt, tous les habitants se convertirent à lui et, comme ils s’étaient auparavant révoltés contre l’exploitation de l’or et voulaient guérir, Hassani le bossu les calma, pour l’apaisement et le profit des riches et des puissants.
Il était maintenant connu sur tout le territoire. Il devint bientôt le favori et le confident privilégié du roi des aveugles.
Entre-temps, il invita les sujets à ramasser l’or, enchaînés les uns aux autres. Avant le lever du soleil, la cloche sonnait pour les appeler au lavage de la terre et, le soir, après avoir présenté leur récolte, ils rentraient chez eux en suivant la chaîne à tâtons.
Leurs distractions se résumaient à boire de l’eau-de-vie et à fumer de l’opium. Et, comme il ne restait plus personne pour s’occuper de la culture de la terre, avec l’or, ils achetaient ce dont ils avaient besoin aux villages voisins. C’est ainsi que la terre se désertifia et que la saleté et la maladie se répandirent plus que jamais.
Il est vrai que la poussière d’or blessa d’abord, aveugla ensuite Hassani, ce qui ne l’empêchait pas de ramasser le métal et d’en vouloir toujours plus. Il devenait chaque jour plus populaire et sa richesse dans ce pays d’aveugles augmentait toujours. Son portrait en relief était dans toutes les maisons. Finalement, il fut contraint de porter de très jolis yeux artificiels. Par contre, il couchait sur un lit d’or, rehaussait sa bosse d’une plaque d’or, buvait dans des coupes d’or, fumait l’opium avec une pipe d’or ; son aiguière même était d’or, et tous les soirs on lui procurait une jeune femme différente. Il était si heureux qu’il avait oublié son père, ses frères, bref tout ce qui touchait à sa vie passée, et même ce qu’il avait promis à son père.
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date : 08-12-2013
Il était une fois un cordonnier qui avait trois fils : Hassani le bossu, Hosseyni le chauve et Ahmadak (le petit Ahmad). L’aîné, Hassani, était guérisseur et prestidigitateur ; le second, Hosseyni, bon à tout faire et bon à rien, tantôt vidait les bassins, tantôt balayait la neige, et souvent flânait. Ahmadak, le cadet, par sa conduite irréprochable était le favori de son père : il travaillait dans une droguerie et, le premier de chaque mois, lui rapportait son salaire. Les deux autres, sans travail fixe, en étaient férocement jaloux.
Il arriva par hasard qu’une famine sévit dans la ville. Aussi, un jour, leur père les appela et leur dit :
« Vous savez la vérité : mon métier ne me rapporte pas beaucoup, et tout est devenu si cher en ville. Après tout, vous n’êtes plus des enfants, et même le petit Ahmad, Dieu merci, a quinze ans. Alors, je vous confie au Bon Dieu : allez gagner votre pain et essayez surtout d’apprendre un métier. Moi, dans mon coin, je me débrouille. Si, un jour, vous vous tirez d’affaire, tant mieux pour vous ; ne manquez pas de m’en avertir. Autrement, venez tout de même chez moi, on partagera le pain. »
« Entendu, cher papa », répondirent-ils.
Le cordonnier leur confia à chacun une miche de pain et une cruche d’eau, les embrassa et les laissa partir. Les trois frères se mirent en route et marchèrent. Ils étaient à bout de force. Parvenus à un carrefour, ils se mirent alors sous un arbre pour se reposer. Ahmadak s’endormit, comme évanoui de fatigue. Et ses aînés qui l’enviaient tout autant qu’ils le haïssaient, craignant que ses mérites lui vaillent plus de succès et leur nuisent, se dirent :
« Si l’on se débarrassait de lui ? »
Alors, ils lui attachèrent les bras dans le dos et le traînèrent jusqu’à une grotte profonde et vaste. Sans écouter les pleurs et suppliques de leur cadet, ils le laissèrent dans la grotte et l’obstruèrent à l’aide d’une pierre. Ils tachèrent ensuite ses vêtements avec du sang de pigeon et les expédièrent au cordonnier du village pour qu’il croie qu’Ahmadak avait été attaqué par un loup. Ils reprirent ensuite leur route et, arrivés à un croisement, se séparèrent : l’un suivit la route de l’ouest, l’autre celle de l’est.
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Il n'y avait pas d'anormaux quand l'homosexualité était la norme.
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J'étais effrayé pourtant de penser que ce rêve avait eu la netteté de la connaissance. La connaissance aurait-elle, réciproquement, l'irréalité du rêve?
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… penser que Mme Bovary et la Sanseverina m'eussent peut-être semblé des êtres pareils aux autres si je les eusse rencontrées ailleurs que dans l'atmosphère close d'un roman.
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Pendant quelques minutes, je sentis qu'on peut être près de la personne qu'on aime et cependant ne pas l'avoir avec soi.
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Il y a une chose plus difficile encore que de s'astreindre à un régime, c'est de ne pas l'imposer aux autres
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J'avais été depuis longtemps préparé à croire vrai ce que je craignais au lieu de ce que j'aurais souhaité.
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L'instinct d'imitation et l'absence de courage gouvernent les sociétés comme les foules.
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Les hommes peuvent avoir plusieurs sortes de plaisirs. Le véritable est celui pour lequel ils quittent l'autre.
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Une parole de celle que nous aimons ne se conserve pas longtemps dans sa pureté; elle se gâte, se pourrit.
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On serait à jamais guéri du romanesque si l'on voulait, pour penser à celle qu'on aime, tâcher d'être celui qu'on sera quand on ne l'aimera plus.
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Les images choisies par le souvenir sont aussi arbitraires, aussi étroites, aussi insaisissables, que celles que l'imagination avait formées et la réalité détruites.
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Ceux qui baillent de fatigue après dix lignes d'un article médiocre avaient refait tous les ans le voyage de Bayreuth pour entendre la Tétralogie.
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On prétend que le liquide salé qu'est notre sang n'est que la survivance intérieure de l'élément marin primitif.
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Il n'y a que les femmes qui ne savent pas s'habiller qui craignent la couleur. On peut être éclatante sans vulgarité et douce sans fadeur.
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Le sommeil est comme un second appartement que nous aurions et où, délaissant le nôtre, nous serions allés dormir.
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C'était tout un état d'âme, tout un avenir d'existence qui avait pris devant moi la forme allégorique et fatale d'une jeune fille.
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Nous devions nous aimer tout de même pour avoir passé la nuit à nous embrasser.
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C'est comme une chienne encore qu'elle commençait aussitôt à me caresser sans fin.
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Une religion parle d'immortalité, mais entend par là quelque chose qui n'exclut pas le néant.
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