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C’est alors que je les ai sentis… des picotements qui couraient sur ma nuque et mes bras. Je n’avais pas besoin de me retourner pour savoir qui se trouvait derrière moi. N’ayant pas vu Tristan Coleman depuis deux mois et demi, et en l’absence de nouvelles évolutions vers les vampires ou les sorciers, j’avais espéré que cette sensibilité à la présence de Tristan aurait disparu. Manque de bol, elle semblait dix fois plus puissante ! Avant, chaque fois qu’il s’approchait à moins de vingt mètres de moi, je ne sentais qu’une légère brûlure dans mes entrailles et ma poitrine. Cette fois, on aurait dit que ma nuque et mes bras étaient comme engourdis, avant que le sang ne reflue soudainement. Un peu comme des fourmillements, mais puissance dix. Je devais lutter contre l’envie de me frotter la peau.

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Ragaillardie, je suis montée dans ma chambre. Allongée sur mon lit, j’ai repensé à la manière dont elle avait utilisé la magie sous mes yeux, sans effort apparent. Cela semblait aussi simple que de respirer, pour elle. Ce qui me laissait songeuse en rêvant à tout ce qu’elle pouvait faire d’autre… Se servait-elle aussi de la magie pour préparer le thé, cuisiner, ou faire du crochet, quand je n’étais pas dans les parages ?Nul doute qu’elle pouvait faire bien plus de choses, en un rien de temps, de cette manière. Comme cela devait être frustrant, ou ennuyeux, pour elle, de devoir résister à la tentation en ma présence…

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Quand le morceau a pris fin, toutes les danseuses ont regagné leur place initiale, pendant que les juges faisaient crisser leurs plumes pour inscrire nos notes. Le silence n’était troublé que par le halètement des autres filles du groupe qui reprenaient leur souffle.

C’est alors que la tentation est venue me titiller.

Deux des juges étaient des hommes : j’aurais très bien pu les pétrifier du regard et influencer la note qu’ils allaient attribuer à ma performance. Mais dans ce cas, serait-ce vraiment mon talent qu’ils noteraient ?

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A midi, je n’ai rien pu avaler, surtout quand j’ai vu Savannah entrer dans la cafétéria pour rejoindre ses amies. Elle avait les cheveux lâchés, aujourd’hui, pour changer. On aurait dit que les pointes étaient mouillées — elle avait peut-être pris une douche après sa classe de majorettes. Voir ces mèches flamboyantes évoluer librement en accord avec ses mouvements me rappelait trop cruellement mon rêve. Quand elle avait plongé dans le vide depuis le rebord du toit, sa chevelure l’avait suivie comme une traînée de sang.

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L’air interloqué d’Abernathy quand il s’est retourné vers moi n’était pas vraiment surprenant ; bien que nous ayons tous les deux joué comme attaquants dans l’équipe junior de football américain cette année, la famille de Ron avait emménagé à Jacksonville il y a seulement un an, et il ne s’était pas encore fait beaucoup d’amis. Il avait l’air d’un garçon plutôt calme, et jusqu’à aujourd’hui, on ne s’était jamais adressé la parole en dehors de l’entraînement.

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J’ai refusé d’adresser la parole à qui que ce soit jusqu’à la fin du week-end. Granny m’a appris que mes amies avaient téléphoné toute la semaine pour prendre de mes nouvelles. J’ai donc fini par rappeler Anne un peu plus tard dans la soirée.

Au bout de quelques minutes de conversation, je me suis dit que je ferais mieux de la prévenir des changements dans mon apparence. Pourtant, quand j’ai essayé de lui décrire ma nouvelle physionomie, elle s’est contentée de rire.

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A ce moment-là, ma sensibilité est revenue, et la douleur a irradié au point d’envahir tout l’espace. C’était à mourir. J’avais l’impression d’être en train d’agoniser de la pire manière possible, comme si j’étais brûlée vive puis jetée dans des eaux arctiques la seconde suivante.

Des mains de feu enserraient ma gorge, le contraste avec le bloc de glace que mon corps était devenu était juste horrible. J’ai eu une drôle de sensation dans le cou, puis les doigts brûlants sont partis. Alors j’ai vomi et mon estomac s’est vidé sans même un répit dans la bassine en métal que maman tenait pour moi, jusqu’à ce que je n’aie plus rien dans le ventre. Pourtant, les haut-le-cœur ne cessaient pas.

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Plus tard dans l’après-midi. Fin de la quatrième heure de cours. Les élèves déferlent autour de moi telle une marée humaine dans le corridor principal. Je me sentais fatiguée, mal en point et à cran. Au milieu de cet essaim d’individus, pour échapper à la sensation de claustrophobie, je me suis accroupie devant mon casier, qui se trouve dans la rangée du bas. Je ne me suis toujours pas habituée aux hordes d’élèves qui s’entassent chaque jour sur ce campus. Ici, je me fais bousculer toutes les deux secondes, quand je cherche un crayon à papier pour mon dernier cours dans le bazar de mon casier. Mathématiques de débiles. C’est la matière que je redoute le plus, et bien sûr c’est le seul cours pour lequel il faut un crayon à papier.

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Pourquoi pas? Mais pour au moins un millier de raisons.

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— Parce que j’ai mûri, surtout après que tu sois née. Devoir fuir en permanence non pas une, mais deux sociétés internationales de sorciers et de vampires avec un bébé à bord était devenu trop lourd. Nous avons commencé à nous disputer sans arrêt, pour des broutilles au début, puis sur des sujets plus importants, jusqu’au moment où toute cette cavale à ses côtés ne rimait plus à rien. C’est alors que nous avons tous les deux compris que c’était terminé. La nage à contre-courant a l’air d’une aventure, au début. Puis on se fatigue. La rivière gagne toujours.

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