Extraits

Combien de fois un cœur peut-il se briser avant de renoncer à battre ?

Ma raison savait que ce n’était pas bien, mais mon cœur se moquait apparemment du bien et du mal. Tout ce qui l’intéressait, c’était de s’éprendre de ce garçon cabossé qui, de temps en temps, me laissait approcher de ses morceaux épars. Mais ce n’était pas ce dont il avait besoin.

Il se déplaçait comme s’il marchait sur des sables mouvants, risquant de retomber dans les profondeurs de sa dépression.

En le voyant brisé comme cela, je me dis que ce n’était pas juste. Lui qui commençait tout juste à sortir la tête de l’eau, je trouvai qu’il ne méritait pas que l’Univers s’acharne à le faire plonger de nouveau encore plus profondément dans les ténèbres, alors qu’il venait à peine de retrouver la chaleur du soleil.

C’est peut-être pour cela que je m’attachais tant à devenir ma mère – parce que si j’étais elle, je ne pourrais pas souffrir. Si j’étais moi, mon vrai moi authentique, je risquais de voler en éclats. Je risquais de me briser. Je risquais de ressentir les choses le plus dures trop intensément, et cette idée me terrifiait.

Et puis, avec lui je me sentais vivante. Je ne me rendais pas compte que, depuis la mort de maman, je ne me sentais plus vivante. J’avais passé des années à marcher dans le brouillard, me déplacer en pilotage automatique, essayant de masquer mon chagrin en devenant perfectionniste. Dans mon esprit, si je n’étais pas capable de contrôler la mort, je pouvais au moins contrôler ma vie en suivant des lignes de conduites strictes. Mais, d’une certaine façon, ce cadre avait volé en éclats à l’instant où j’avais rencontré Milo.

J’avais envie de faire n’importe quoi qui aurait pu me faire oublier qu’aujourd’hui était l’anniversaire du pire jour de ma vie. Je voulais disparaître et ne plus rien ressentir. Je voulais arrêter de souffrir et avoir le sentiment qu’il y avait peut-être une chance qu’un jour j’irais bien. Je voulais recommencer à respirer. Je voulais tellement parvenir à respirer. Mais je n’y arrivais pas. Ou du moins je choisissais de ne pas le faire. Cela semblait égoïste de ma part de respirer alors que maman ne pouvait plus le faire.

Je pensais à la mort plus qu’à la vie. Mon esprit était une décharge toxique de négativité et mon âme s’immergeait dans ces pensées empoisonnées à longueur de journée.

Je ne voulais pas me sentir mieux. Je ne voulais plus rien ressentir du tout. En gros, j’aurais voulu être six pieds sous terre.

Il marqua un temps d’arrêt, posa un doigt sous mon menton et inclina ma tête afin de me regarder droit dans les yeux. De nouveau, il me transperçait jusqu’à l’âme en lisant les pages nouvellement rédigées à la plume trempée dans l’encre du péché et de la transgression.

Je ne voulais plus être une « Cheerios ». Je voulais être le fond d’un paquet de Frosted Flakes, là où on trouve les meilleures. Sucrées, drôles et délicieuses.