Extraits

– Alors, comme ça, vous êtes la personne qui a osé abîmer sa précieuse Porsche ? lance-t-elle avec un petit sourire. Je lève les mains dans un geste d’innocence. – Il l’a abîmée tout seul comme un grand. Ma voiture était en arrêt au milieu de la route et la sienne a foncé dedans. – Ce n’est pas sa version des faits, dit-elle en gloussant. Cette femme me plaît. Sous son allure sévère se cache une bonne dose d’humour. – Je suppose que faire un constat avec lui ne va pas être une partie de plaisir… soupiré-je. – Ça aurait été bien plus sympathique si vous aviez fait cela chez Chester. À mon tour de rire. – Certainement pas ! Je ne me laisse jamais inviter par une personne avec qui je dois négocier. Ce serait comme démarrer les échanges avec une reconnaissance de dettes

Kevin m'envoie son sourire Colgate et passe lascivement ses mains sur son torse musclé.

- Qui peut résister à un mâle comme moi. Non sérieux, si tu ne te bouges pas, tu seras encore célibataire à quarante ans et à ce rythme, ton hymen aura repoussé!

Il plisse les paupières. Ses yeux noirs semblent vouloir lire ce qu'il se passe dans ma tête. Son regard dit " vous ne pouvez pas gagner contre moi ". Le mien répond: " c'est ce qu'on va voir mon coco". Cet homme n'a pas l'habitude qu'on lui tienne tête, c'est évident. Je soutiens son regard en gardant une attitude neutre, mais à l'intérieur, je ne fais pas la maligne.

– Je te hais. Pour toute réponse, la sale bestiole couine.

– Oui, oui, je te hais. Je sais que tu t’en fiches, mais ça me fait beaucoup de bien de te le dire à voix haute. Le feu passe au rouge et je freine un peu brutalement en retenant la cage que je transporte sur le siège passager. La petite bête couine de plus belle en tapant des pattes arrière.

– Oups, j’y suis allée un peu fort. Un coup d’œil vers Gerbi, qui frise l’apoplexie. Une semaine que je garde la gerbille de ma nièce par alliance. La fille du fils de la seconde femme de mon père. Oui, oui, un peu compliqué... Et Henry, mon fameux beau-frère (le fils de la seconde femme, suivez un peu !) n’a rien trouvé de mieux que de me confier la gerbille de sa fille pendant leurs vacances. Cutie – le vrai nom de la bestiole – et moi nous sommes haïes dès le premier regard. Ou plutôt dès la première morsure qui a eu lieu quelques secondes après que Henry m’ait tendu la cage, hilare. Cet idiot a eu un fou rire pendant que Sarah commentait, inquiète :

– Avec moi, elle a jamais fait ça. Je redémarre au vert et Gerbi hurle de terreur – du moins, je suppose que c’est la version cri d’horreur dans le langage rongeur – et frappe les barreaux plus fort. Mes mains serrent le volant pour m’empêcher d’empoigner la cage et de la balancer par la fenêtre.

– Tu veux pas la boucler, Gerbi ? grogné-je. On est bientôt arrivé chez toi. Ce qui veut dire que je vais être enfin débarrassée de toi, grosse gerbille obèse !

Pour éviter la circulation dans San José, j’ai décidé de prendre des routes moins fréquentées qui ne sont qu’une enfilade de panneaux Stop et de feux. Gerbi n’en peut plus. Bien fait, sale bête ! Un grand bruit métallique côté passager me fait quitter la route du regard. Cet imbécile de rongeur frappe sa gamelle contre les barreaux de sa cage ! Au moment où je relève la tête, panique ! La voiture devant moi a pilé. Mon pied écrase la pédale de frein. Tout se déroule au ralenti. Le capot de ma vieille Ford s’approche du coffre de la voiture précédente. J’ai beau appuyer de toutes mes forces, ce ne sera pas suffisant. La collision est inévitable. Ma bonne vieille Ford enfonce son nez dans les fesses du gros SUV devant.

– Merde ! Un coup d’œil côté passager : la gerbille maléfique gise inerte dans sa cage.

– Remerde !